Lors de sa dernière allocution, le président, M. Emmanuel Macron a annoncé la réouverture progressive des écoles et établissements scolaires dès le 11 mai. Surprise : alors que les rassemblements, les restaurants, hôtels, cinémas, festivals seront interdits, les élèves seront rassemblés dans les écoles, collèges, lycées dans des espaces souvent réduits au vu de leurs effectifs.
Le lendemain, le ministre de l’Éducation nationale, Monsieur Blanquer, semblait lui-même devoir improviser avec cette décision qui parait inconséquente au regard du fonctionnement réel d’un établissement scolaire ou d’une école et de leurs conditions sanitaires actuelles.
L’ordre national des médecins[[RENAULT, Marie-Cécile, 2020. Pourquoi l’Ordre des médecins s’oppose à une réouverture précoce des écoles. In : Le Figaro.fr [en ligne]. 14 avril 2020. Disponible à l’adresse : https://www.lefigaro.fr/sciences/l-ordre-des-medecins-s-oppose-a-une-reouverture-precoce-des-ecoles-20200414]] et l’INSERM[[DI DOMENICO, Laura, PULLANO, Giulia, COLETTI, Pietro, et al. 14 mars 2020. Expected impact of school closure and telework to mitigate COVID-19 epidemic in France Report #8, Disponible à l’adresse : https://www.epicx-lab.com/uploads/9/6/9/4/9694133/inserm_covid-19-school-closure-french-regions_20200313.pdf
INSERM, 2020. Nouvelles mesures de confinement : quelle efficacité ? In : Inserm – La science pour la santé [en ligne]. 17 mars 2020. Disponible à l’adresse : https://www.inserm.fr/actualites-et-evenements/actualites/nouvelles-mesures-confinement-quelle-efficacite]] se disent défavorables à un retour des élèves à l’école, au vu de l’actualité de l’épidémie : malades ou porteurs sains du virus, les élèves pourraient se contaminer entre eux et contaminer leur famille. De leur côté, les syndicats d’enseignant-es ont demandé des garanties en comité hygiène sécurité et conditions de travail (CHSCT) : bâtiments désinfectés, masques, gants, gel, tests… Il semble peu probable que ces conditions soient réunies dans un mois : outre le problème de l’approvisionnement en matériels sanitaires commandés par le gouvernement, toujours difficile et erratique, cela supposerait un travail considérable de décontamination et d’entretien pour des agent-es déjà surchargé-es, et une ré-organisation complète des temps scolaires.
Certes, nombre de travailleurs et travailleuses voient dans un retour rapide à leur activité professionnelle normale le moyen de réduire la grande difficulté financière dans laquelle la situation sanitaire, l’arrêt des cours dans les établissements scolaires, le confinement généralisé et leur mise au chômage partiel voire licenciement les ont plongés. Certes des enfants, tout comme les familles confiné-es dans des espaces exigus, ont besoin d’être déconfiné-es. Mais le retour à l’école ne peut se faire à n’importe quelle prix, et surtout pas à celui de la santé du plus grand nombre. Nous ne souhaitons ni la mise en danger des personnels de toutes catégories nécessaires au fonctionnement des écoles et établissements, ni celle des élèves, ni celles des familles des uns et des autres. Des années de coupes budgétaires du service public hospitalier, mais aussi la délocalisation de la fabrication de masque ou réactifs nécessaires aux tests par exemple, ont mis en danger les personnels de santé. Ce gouvernement sacrifierait maintenant les personnels de l’Éducation ? Par exemple les personnels avec des problèmes de santé chroniques, et les personnels les plus âgés qui travaillent encore (surtout des femmes) plus fragiles face au Covid-19 ?
Il est cynique au bas mot de mettre en avant la lutte contre les inégalités scolaires pour rappeler les enfants à l’école alors que le président et le ministre de l’éducation nationale s’en sont peu souciés durant la continuité pédagogique (voir notre article : Continuité pédagogique et discontinuité(s) sociale(s)) ou même avant cette crise sanitaire. Difficile d’imaginer que les enseignant-es puissent faire classe… masqué-.es et coiffé-es d’une charlotte, les élèves de même, avec la peur et le stress d’être contaminé.e.s et de contaminer. Comment les enfants, petits, pourraient-ils respecter des gestes barrières ? Comment pourraient-ils être en petits groupes ? Quels élèves cibler ? Le gouvernement risque de laisser à chaque établissement scolaire le soin de s’organiser, autonomie oblige… Les conditions risquent d’être inégales sur les territoires. Comment cela se passera t-il dans les transports scolaires ? A la cantine ?
On compare la France avec les Pays-bas, qui ont ré-ouvert les écoles le 15 avril, mais avec « seulement » un peu plus de 3000 décès alors que la France totalise plus de 18 000 décès cumulés, avec une hausse le 15 avril : ce jour-là on dénombrait 1438 décès en hôpital et en centre médico-social.
De plus, au vu des désinformations constantes (voir le scandale des masques[[TURCHI, Yann Philippin, Antton Rouget et Marine, [2 avril 2020]. Masques: les preuves d’un mensonge d’État. In : Mediapart [en ligne]. Disponible à l’adresse : https://www.mediapart.fr/journal/france/020420/masques-les-preuves-d-un-mensonge-d-etat]]), l’absence de réaction fin janvier aux alertes médicales, le nombre de concitoyen-nes ; contaminé-es lors des tenues des bureaux de votes ou des dépouillements le 15 mars, la confiance dans les préconisations sanitaires de Macron est très entamée… Le 12 mars : les enfants étaient considérés porteurs ; aujourd’hui : les enfants asymptomatiques ne seraient plus porteurs… Que croire ? Le mode de transmission par postillons, toux et éternuement est-il le seul ? Le temps d’incubation maximum fixé à 14 jours au début de la pandémie est-il fiable ? Un malade guéri est-il immunisé de façon pérenne ? Et les tests: pas forcément fiables, qui peuvent s’avérer négatifs à J+1 et positifs à J+4… ?
M. Macron n’a pas hésité à faire des annonces anxiogènes, sans considération pour personnels de l’Éducation, les familles et les élèves. Sous prétexte d’égalité scolaire, il donne en fait raison aux arguments économiques. Le président avance masqué : il fait le pari glaçant d’une immunité collective avec de nombreux morts et de nombreuses mortes à la clé : des milliers en perspective, mais un niveau de vie inchangé pour les survivants. Nos vies valent mieux que ce sinistre calcul.
Les personnels ne reprendront pas le chemin de l’école avec les élèves dans n’importe quelles conditions ! Les conditions sanitaires doivent être réfléchies, cadrées au niveau national et respectées pour une réouverture des établissements scolaires qui permette d’accueillir en sécurité tous les personnels et les élèves !