La prochaine conférence de Rio met en avant la seule économie verte,
relèguant sous le boisseau les volets écologique et social du développement durable.
Une campagne internationale s’organise pour démystifier ce terme et l’écarter de la décalration finale.
Une nouvelle conférence des Nations-Unies pour un développement durable (CNUDD) sera organisée du 20 au 22 juin 2012 à Rio de Janeiro (Brésil), 40 ans après la Conférence de Stockholm de 1972, qui avait notamment institué le programme des Nations Unies pour
l’environnement (PNUE), 20 ans après le Sommet de la Terre de 1992, déjà à Rio. C’est en 1992 qu’avaient été adoptés la Déclaration de Rio et ses 27 principes du développement durable, l’Agenda 21 et les convention-cadres sur la diversité biologique (CDB), sur les changements climatiques (CCNUCC) et pour la lutte contre la désertification.
Pas de bilan,
place à l’économie verte !
Le bilan est maigre. Les défis auxquels nous sommes confrontés, innombrables, ne semblent pas près d’être résolus : dérèglements climatiques, pertes de biodiversité, faim, pauvreté et précarités, accroissement des inégalités, chômage, guerres, etc. Mais aucun bilan officiel ne sera établi en juin prochain. Trop casse-gueule. Deux thèmes ont donc été officiellement retenus : une économie verte dans le contexte du développement durable et de l’éradication de la pauvreté ainsi qu’un cadre institutionnel pour le développement durable. L’économie verte, nouveauté sémantique de la période, deviendrait donc la pierre angulaire de la mise en oeuvre du développement durable et, plus généralement, la solution aux multiples dimensions de la crise que traverse le capitalisme.
Officiellement bâti sur trois piliers, écologique, social et économique, le développement durable est réduit à sa composante économique, officiellement verdie. Les objectifs de justice sociale et de durabilité écologique restent donc soumis aux logiques de rentabilité économique et financière. La prédation sans limite des ressources naturelles, la mise en concurrence des populations et
l’absence de régulations internationales contraignantes ne seront pas remises en cause. Business as usual.
Dans les rapports déjà publiés sur ce thème (PNUE, OCDE etc.), la nature y est un capital à gérer de manière efficace en vue de le faire fructifier. Cette vision nourrit la croyance en des solutions technoscientifiques et de marché : nouvelles technologies, nouveaux droits de propriété, nouveaux marchés et instruments financiers comme modèle de régulation. L’économie verte n’apparaît alors pas seulement comme une opération de greenwashing, mais comme une volonté d’approfondir le modèle économique néolibéral prédateur en l’étendant à de nouveaux domaines. Ainsi, il s’agit d’intégrer les processus biologiques et les services écosystémiques dans le cycle du capital pour une nouvelle phase d’expansion capitaliste.
Sommet des peuples et
campagnes contre l’économie verte
Lors du Forum Social thématique de Porto Alegre de janvier 2012, il a été proposé de mener une campagne internationale pour que toute référence à « l’économie verte » soit écartée de la déclaration finale. Le pari est le suivant : attiser suffisamment les divisions entre les Etats, en s’appuyant sur les réticences de certains pays du Sud, pour bloquer toute possibilité d’accord. Quelques jours après le G20 au Mexique (18-19 juin), dont l’agenda portera sur la « croissance verte » (sic), ce serait une victoire contre les processus de marchandisation et de financiarisation de la nature et des sociétés. Ce résultat est loin d’être assuré. Un tel pari a le mérite d’essayer de définir une ligne de confrontation claires. Le résultat dépendra pour partie du niveau de mobilisation des mouvements sociaux et écologistes, mais aussi de leurs capacités à démystifier cette « économie verte » et rendre intelligible cette confrontation.
Comment ? En la rapprochant à la fois des luttes locales / régionales et des pratiques et politiques alternatives. En France, les regards se tournent vers les mobilisations contre l’aéroport de Notre Dame des Landes, contre les gaz et pétroles de schiste, ou encore vers les pratiques de relocalisation d’activités ou de transition énergétique. Objectif : les renforcer et les rendre visibles au niveau international lors du Sommet des Peuples qui se tiendra à Rio du 16 au 23 juin, et lors d’initiatives locales et régionales d’ici là. Y compris pendant les échéances électorales franco-françaises. ●
Maxime Combes, Attac France et Aitec, projet Echo des Alternatives
Plus d’informations :
– http://climatjustice.org
– http://nogreeneconomy.org
– www.alter-echos.org