L’autonomie : sous de beaux atours, une vraie offensive libérale
L’autonomie est devenue le maître mot du remodelage néolibéral de la société, elle s’applique désormais à tous et à tous les niveaux. Aucun établissement public n’y échappe, avec l’idée qu’une bonne gestion proche des usagers en procède nécessairement. Cette prétendue liberté d’action qui revient surtout à laisser toute latitude aux acteurs du service public pour gérer la pénurie est le pendant de l’actuelle asphyxie budgétaire. On aurait tort de ne voir dans l’injonction à l’autonomie qu’un mode de gestion commode, car elle revêt surtout une portée idéologique essentielle à l’heure où la droite se propose rien de moins que d’en finir l’Etat social issu de la Résistance.
En effet, le volet managérial de la RGPP dont l’autonomie est la pierre angulaire instaure une profonde individualisation des carrières. La mobilité professionnelle (dont le projet de loi sera présenté en juin à l’assemblée) ainsi que la rémunération seront désormais le fruit d’un parcours à la carte où le mérite, se verra pleinement récompensé. En faisant imploser les cadres statutaires on brise toute référence au collectif et par la même les résistances possibles, à l’heure où la liberté individuelle se résume surtout à la liberté de se plier à l’autoritarisme de sa hiérarchie. Renvoyé à sa responsabilité personnelle en cas d’échec, l’individu est soumis à un stress plus grand, une culpabilisation plus forte.
L’autonomie est aussi présentée comme la clef de la réussite de nos élèves puisque elle occupait une place décisive dans la réforme des lycées prévue par Darcos, où 15% du temps scolaire était consacré au travail en autonomie. Même logique que l’accompagnement éducatif ou les PPRE : on prend du temps sur l’apprentissage collectif pour développer des cadres individuels qui, in fine, renvoient l’élève à sa seule responsabilité face à ses échecs. On sait par ailleurs que les élèves en difficulté sont les moins à même de mettre à profit les cadres de travail autonome, ce que les TPE en lycée par exemple confirment années après années. En ce sens, l’autonomie des élèves telle que la conçoit le gouvernement permet à l’école de se dédouaner de ses propres insuffisances et organise implacablement la sélection.
L’autonomie participe donc bien de l’offensive libérale, et le mouvement syndical ne doit pas se laisser piéger par l’atomisation des situations qu’elle génère sur le terrain. Il doit en combattre le fondement libéral et proposer des réponses d’action collective.
Marie-cécile PERILLAT, Ecole Emancipée, Toulouse