De sa place de secrétaire générale adjointe, Judith est intervenue longuement au début du débat général du congrès de St Malo.
Je ne vais pas passer en revue les trois années de ce mandat mais m’attacher plus particulièrement à la dernière, marquée par la transition gouvernementale.
Si les années précédentes ont été très difficiles sous Sarkozy, nous savions que l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement socialiste allait chambouler les repères que nous pouvions avoir. A mon sens, cette année syndicale a été le marqueur essentiel pour le SNU. Il est nécessaire pour le syndicat de faire un retour sur cette période afin de se projeter au mieux dans l’avenir.
Ce qui ne change pas dans la période, c’est le contexte de crise économique qui perdure, qui s’accentue même depuis quelques années, avec la mise en place de politiques de rigueur et d’austérité dans tous les pays d’Europe, avec licenciements boursiers et fermetures d’entreprises, y compris en France, et qui ont des conséquences dramatiques pour les salariés, les chômeurs ou les retraités. Qui approfondissent même la situation de crise…
L’emploi, le pouvoir d’achat sont dégradés, la protection sociale, les services publics sont affaiblis du fait des pressions imposées par le patronat et les marchés financiers et largement relayés par tous les gouvernements de l’Union Européenne.
Après la Grèce, l’Irlande, l’exemple du Portugal. La situation portugaise est là pour nous rappeler que personne n’est à l’abri. Le gouvernement à l’objectif de licencier des milliers d’enseignants précaires et titulaires qui les laissera sans solde et au chômage, avec des coupes budgétaires qui entraîneront fusions d’école, effectifs pléthoriques, ségrégation des élèves, etc.
En France, au-delà de la loi votée pour le mariage pour tous et que je mets volontairement à part, parce que c’est plus qu’un symbole, c’est une victoire pour l’égalité, une victoire pour une société plus juste et qu’il faut s’en féliciter…
Au-delà de cette loi donc, si l’on veut dresser le bilan d’une année de gouvernement Hollande/Ayraut, qu’est-ce qu’on voit : on voit les cadeaux au patronat, on voit le TSCG, l’ANI, on voit une MAP qui remplace la RGPP, on voit le gel du point d’indice, on voit la poursuite des expulsions de sans-papiers et la police dans les écoles ! Et on voit une extrème-droite qui se renforce, avec des événements dramatiques comme la mort la semaine passée de Clément Méric.
Ce qui ne change toujours pas, ce sont les reformes des retraites qui s’enchaînent les unes après les autres. 1995, 2003, 2010, et maintenant 2013.
Le rapport Moreau constitue une véritable « boite à outils » de régressions sociales. Une nouvelle fois, les mesures reposent sur les seuls actifs et retraités et font l’impasse sur d’autres sources de financement possibles en répartissant différemment les richesses.
Les mesures annoncées sont inacceptables et vont à contre-sens de celles à prendre pour garantir des retraites de haut niveau et en finir avec l’austérité.
Tout ça à la veille de la conférence sociale qui démarre la semaine prochaine et à laquelle nous participerons avec la FSU.
Alors non, ça ne pourra pas se passer ainsi et il faudra créer le rapport de force pour ne pas encore voir se dégrader notre système de retraite. Et il faut dès à présent, dans le cadre fédéral, essayer de se donner des dates, des perspectives de mobilisation, dans l’unité avec toutes les organisations qui y sont prêtes, comme nous l’avions fait en 2010 pour combattre ce projet. Et ce dès septembre, dès la période de rentrée. Il faut une prise de position solennelle de notre congrès envoyée dès lundi dans les écoles.
Alors est-ce que ça change vraiment ? Non, et je le dis clairement, ce n’est pas une politique de gauche, progressiste, qui est menée aujourd’hui dans ce pays !
Certains ne voient dans la politique de ce gouvernement que sa politique scolaire.
Déjà, comment la séparer du reste ? Comment ne pas voir qu’elle s’articule avec ce que ce gouvernement développe pour les services publics, la fonction publique ?
Mais prenons l’éducation… Elle était annoncée comme la grande priorité. Elle a été au cœur des débats tout au long de l’année avec en filigrane la loi d’orientation et de programmation votée définitivement la semaine passée par l’Assemblée. Certains aspects auront bougé positivement au Sénat. Mais, au final, est-ce que cela en change son caractère le plus profond ?
Ce n’est pas une loi de « refondation de l’école » ! Il n’y a pas de réelle rupture avec les logiques précédentes, avec les finalités qui lui sont assignées.
Et que penser des priorités comme la « scolarisation des moins de trois ans » ou le « Plus de maîtres que de classes » qui ne correspondent pas réellement à ce que nous mettons derrière ces mots, nous, au SNUipp ?
En ce qui concerne la programmation, 54000 postes créés tout au long du quinquennat. Essentiellement pour remettre en place une formation initiale dont il y a beaucoup à dire, le reste pour les dispositifs particuliers cités plus hauts ou pour répondre à la hausse démographique qui se poursuit. Pas de réelles perspectives d’amélioration pour nos collègues et nos élèves au quotidien, pas d’amélioration envisagée pour les RASED. La rentrée 2013 risque d’être dans la continuité des précédentes.
Au-delà de la loi, il y a les rythmes scolaires. Le sujet de l’année. La bataille de l’année.
Le dossier est complexe, nous le savions dès le départ tant les avis peuvent être différents sur la question, tant les conséquences sont prégnantes pour les uns et les autres, notamment pour les enseignants. Mais nos collègues ont bien saisi les enjeux : accentuation des inégalités territoriales, emprise des élus, dégradation des conditions de travail sans amélioration des conditions d’apprentissage des élèves.
En ce qui concerne le temps périscolaire, ce mauvais bricolage ne touche en rien au cœur des apprentissages et laisse à penser que la résorption de l’échec scolaire se situerait hors du temps de classe.
Et le SNUipp a été bousculé sur cette question des rythmes. Certes, il a informé, consulté, questionné. Plus et mieux que ne l’on fait les autres syndicats.
Mais assez vite, la nécessité de ne pas rester au pied du mur, d’aller à l’affrontement sur ce dossier pour le faire évoluer est devenu manifeste. Et là, l’hésitation était au poste de commande.
Sur quoi mobiliser ? Pour aller où ? Pour demander quoi ? Pour qui ?
La première « vraie » secousse, ça aura été le positionnement que nous devions défendre lors du CSE de janvier concernant le décret sur les rythmes.
Le SNU ne partait pas majoritairement sur l’idée d’un vote en contre. Et c’est grâce à la conférence téléphonique, grâce aux sections départementales et ce malgré les pressions exercées, que le SNU a eu la bonne posture. Nous devons nous en rappeler.
La deuxième secousse, ça aura été la suite de ce vote en « contre », la question de l’appel à la grève du 12 février.
On sait bien, tous et toutes, que d’autres orgas dans la période surfaient sur le mécontentement de la profession sans proposer de réelles perspectives de transformation.
Mais c’est nous qui aurions dû prendre en compte ce mécontentement. Sur la base, pas seulement du refus, justifié, mais aussi avec nos propositions de transformation ! Parce que nous sommes le syndicat qui a la confiance de la majorité de la profession, parce que nous voulons transformer l’école avec elle !
Parce que, a priori, nous ne faisons pas confiance au gouvernement, parce que nous ne sommes pas dans une logique d’accompagnement de sa politique, il nous fallait créer avec la profession les conditions du rapport de force ! Il était juste et légitime d’appeler à une action de grève nationale. Nous aurions dû être à l’initiative !
C’est encore une fois la conférence téléphonique avec les sections départementales qui nous aura permis de trouver le meilleur positionnement et d’appeler nationalement à la grève le 12 février. Ce n’était pas gagné ! Moi-même, je l’ai dit, je ne pensais pas au début de cette fameuse semaine, que les sections seraient très majoritairement favorables à un appel national. Mais la discussion collective, reflétant les attentes de la profession, a su nous faire prendre collectivement les décisions qui s’imposaient pour une grève, avec la réussite que nous connaissons tous !
Cette grève, si elle n’a pas tout réglé loin de là, aura permis de peser sur les discussions au niveau local, de montrer que les enseignants n’entendaient pas subir cette réforme qui allait dégrader leurs conditions de vie professionnelles et personnelles sans réagir. Il est dommage que nous n’ayons pas su en gérer correctement les suites nationales, ce qui peut laisser, au-delà des victoires locales, une impression de dilapidation du rapport de forces.
Alors, certes, tout n’est pas réglé. Cette bataille des rythmes sera encore au cœur des mobilisations du premier trimestre (en plus de tout le reste). Parce qu’au final, la mise en place de la réforme est un échec pour Peillon si l’on s’en tient au simple pourcentage de communes, d’écoles et d’élèves concernés par la mise en place en 2013.
Mais les leçons que nous devons tirer de cette expérience, de ces expériences, c’est la nécessité pour nous de bien garder le cap, notre cap dans la période qui vient.
D’une façon générale, nous devons dire que la politique éducative mise en place ne porte pas l’élan de démocratisation dont nous sommes porteurs et que d’autres mesures, d’autres orientations sont nécessaires pour répondre aux enjeux de réussite pour tous les élèves et aux revendications des personnels.
Nous devons sortir de la forme de paralysie dans laquelle nous a placé l’arrivée de ce gouvernement, nous devons redonner confiance aux personnels, nous devons proposer, avancer dans notre projet syndical, nous devons nous montrer capable de nous opposer et de créer les rapports de force nécessaires par les mobilisations.
Et pour cela nous appuyer sur ce qui fait la force du SNUipp, cette emprise sur tout le territoire, le nombre de nos syndiqués, de nos militants, la place prépondérante des sections départementales qui sont le lien, qui sont au plus près de la profession, qui « sentent » la profession. La force du SNUipp, c’est de savoir s’appuyer sur celles et ceux qui construisent, qui font vivre le syndicat dans tout son pluralisme. Savoir être à l’écoute et prendre en considération l’avis de toutes ses composantes, dans leurs diversités en organisant les meilleures synthèses pour les meilleurs mandats.
Et tout cela en prenant bien garde à maintenir notre indépendance et notre analyse critique, en développant le syndicalisme que nous défendons avec la FSU, un syndicalisme de transformation sociale.
Le SNU va sortir de ce congrès avec de bons mandats, j’en suis persuadée. Des mandats ambitieux et offensifs en cohérence avec notre projet syndical pour l’école et la société. Il en avait déjà de bons à la sortie du congrès de Brive. Nous restera à les mettre en œuvre avec détermination, en créant les rapports de force nécessaires.
La prochaine rentrée est déjà en ligne de mire pour cela : avec la bataille sur les rythmes à poursuivre pour une nouvelle écriture du décret qui est indispensable mais aussi et surtout avec la question des retraites pour laquelle il sera primordial de construire au plus vite le rapport de force en appelant certainement d’ores et déjà à la grève.
Juste un clin d’oeil pour terminer parce que j’entends déjà les critiques à mon intervention : « Tu ne dis pas ce que le SNU a fait de bien. »
J’aurais envie de répondre ceci : « D’autres le font si bien ! Il faut une intervention comme la mienne pour remettre les choses à l’équilibre. »
Pourtant ce n’est pas ça, la synthèse. Chacune et chacun d’entre nous doit pouvoir dire et porter ce qu’a fait le SNU, comment il l’a fait, pour se projeter au mieux.
C’est ça la force du SNUipp-FSU !