L’enjeu est de savoir si le SNES national va en rester à un appel alambiqué, appelant à participer aux manifestations mais renvoyant au local la pertinence de faire grève, ou prendre position pour un appel carré à faire grève et à manifester, comme de nombreuses sections départementales et académiques l’ont déjà fait.
C’est un débat récurrent au sein du SNES, à tous les échelons, de la pertinence de nous associer pleinement à un mouvement dont nous ne sommes pas à l’origine et que le calendrier est serré.
Nous connaissons les arguments qui incitent certain.e.s à la réserve et à la prudence : nous aurions dû être consultés avant par la CGT, un mouvement se construit dans la durée, cela risque d’être un échec et donc de nous couper des salles des profs…
Nous savons aussi, et nous le rappelons souvent à l’É É, que pour rester fidèle à notre statut de syndicat de transformation sociale, il faut savoir prendre des risques et impulser les luttes.
Aujourd’hui, la situation exceptionnelle vient modifier profondément le cadre de ce débat.
Le mouvement des « gilets jaunes », malgré les réserves qu’il peut susciter, a déclenché un électrochoc dans la société française. Il a permis de poser de manière centrale le problème de la répartition des richesses et a mis fin à un long cycle de résignation sociale du plus grand nombre. Surtout il met en difficulté, pour la première fois depuis longtemps, un gouvernement au service exclusif des riches. Néanmoins, son absence de cadre théorique rend d’autant plus imprévisible ce qui va sortir de cette séquence.
Cela rend indispensable que notre syndicat s’inscrive d’urgence dans la lutte et y porte fortement ses revendications pour une plus grande justice sociale.
Parmi les enseignant.e.s, ce mouvement divise et interpelle mais il amène un nombre croissant de collègues à penser que le retrait des réformes du lycée et du bac est aujourd’hui possible, ce qui était inimaginable il y a peu. La mobilisation lycéenne, centrée sur l’opposition à ces réformes et l’aspiration à de meilleures conditions d’études, vient évidemment nourrir cette dynamique.
Le SNES doit profiter de cette fenêtre inespérée pour agir vite avant qu’elle ne se referme.
Un appel timide aux manifestations du 14 décembre serait un mauvais signal.
La journée d’action du 19 décembre, cantonnée à l’éducation nationale, avec des rassemblements de témoignage devant les rectorats, à deux jours des vacances, ne peut, à elle seule, offrir de vraie visibilité à nos revendications, ni ouvrir de réelle perspective de gagner.
Cette journée ne prend de sens que si elle s’inscrit dans un plan d’action plus large.
Le SNES-FSU doit faire un appel clair à grève et manifestation le 14 décembre.
Il doit communiquer sur la possibilité de convergence avec les « gilets jaunes» et faciliter ainsi les prises de contact, le samedi 15 décembre, entre syndicalistes enseignant.e.s et manifestant.e.s.
L’organisation des « gilets jaunes », en particulier leur réactivité, grâce à l’utilisation des réseaux sociaux, doit nous inspirer pour repenser la temporalité de la construction de nos mouvements.
Après le 14 et le 15 décembre, se pose la question de la manière de s’emparer de la semaine précédant les congés d’hiver. Si on décrypte le préavis de grève posé par le SNES pour couvrir tous les jours jusqu’aux vacances et le constat, fait par Frédérique Rolet dans son introduction, que la force des « gilets jaunes » réside dans leur capacité à mener des opérations continues d’occupation des chaussées, ponctuées par des temps forts, il nous faut en tirer les conclusions et que le SNES-FSU appelle à la grève reconductible, dès le lundi 17 décembre, partout où cela est possible.
Ensuite, pourquoi ne pas envisager de participer à des actions de blocage qui compliqueraient les départs vers les sports d’hiver ?
Enfin, un consensus apparait sur la nécessité de continuer l’action en janvier, sans qu’il soit facile de se mettre d’accord sur la base (Education, Fonction Publique, Interprofessionnelle) pertinente de mobilisation. Mettons tout le monde d’accord en nous appuyant sur la comparaison, fréquente, de cette contestation avec celle de mai 68 et œuvrons à massifier le mouvement pour être en mesure de tendre vers la grève générale.