Intro Congrès Perpignan – 23-27 mars 2009
Jeudi dernier, le 19 mars, nous étions 3 millions dans la rue ! Une mobilisation puissante, énorme qui a rassemblé largement le public et le privé, contre la politique gouvernementale !
Et pourtant, il y a deux ans, Sarkozy arrivait à la tête du pays.
Il n’a pas tardé à mettre sa politique en place, il n’a pas déçu son électorat, et les coups se sont mis à pleuvoir : chasse indigne aux sans papiers, contrôle renforcé des chômeurs, criminalisation et répression du mouvement social, de la jeunesse, des pauvres, casse du code du travail, RGPP… Précarisation accrue, paupérisation galopante et destruction systématique et organisée des droits sociaux, de la protection sociale, de tout ce qui fait de notre société une société solidaire et égalitaire.
Le gouvernement met en œuvre de façon méthodique et déterminée une politique néo-libérale.
Pourtant, il n’a fallu que quelques mois pour que le mouvement social ne reprenne de la vigueur, à commencer par la grève interpro du 18 octobre 2008, pour la défense des régimes spéciaux de retraite, et en même temps avec les étudiants, en lutte contre la LRU… Un premier RV qui aurait pu – qui aurait dû – être un premier « tous ensemble »…
Mais même si l’on a tardé à enclencher la machine des mobilisations, il n’empêche qu’elles ont bel et bien eu lieu, et toutes les batailles ont montré la détermination des citoyens : durant l’année dernière, il y a eu des grèves, il y a eu aussi des combats de fond, d’endurance, à travers les RESF, notamment, il y a eu des mobilisations citoyennes pour empêcher la création du fichier Edvige, par exemple. Pas de renoncement, pas de résignation de la part de la population, mais au contraire, une envie de reprendre la main….
Cette année, la Crise apporte son lot de drames au plan économique et social : les plans sociaux se succèdent, et ce n’est qu’un début ; la situation de l’emploi est extrêmement dégradée, le chômage partiel se généralise et dépasse le secteur de l’automobile, la précarité s’étend de façon exponentielle. Les mal logés, les mal soignés, les maltraités par le système libéral ne se comptent plus ; le nombre de ceux qui vivent grâce aux minima sociaux et le nombre de travailleurs pauvres ne cessent d’augmenter. Une crise qui touche les fragiles alors que les puissants, seuls responsables, persistent dans leur politique de « profitation »…
Justement, « profitation », pauvreté et inégalités insupportables ont atteint un point culminant en Guadeloupe, et cette situation a poussé la population à la révolte, derrière le LKP et ses 49 organisations dans un mouvement de grève générale, dur et exemplaire.
Cette crise, cette pauvreté auraient pu empêcher toute réaction de la population, et engendrer du découragement : on constate au contraire qu’il y a une attente, une volonté de se battre et de ne pas courber l’échine. Et cela donne une responsabilité accrue au monde syndical, car il lui faut regrouper, organiser, faire converger les luttes, être à la pointe, les mener, pour créer les conditions d’une alternative au tout libéral, les conditions d’une opposition qui gagnerait face à ce gouvernement de guerre sociale…
Pensons à nouveau à la Guadeloupe :
Un mouvement puissant, déterminé, engageant toute la population ; un mouvement qui fait de la négociation non pas un objectif mais une traduction de la mobilisation : nous négocions ce que le mouvement social veut, non pas ce que nos adversaires sont seulement prêts à céder …
Tout cela doit nous interroger sur le syndicalisme que nous voulons, et dont nous avons besoin face au gouvernement Sarkozy. Les formes d’unité des organisations autour de platerformes fortes, le rôle des manifestations lors des négociations, le rôle des consignes, des mots d’ordre du collectif… La grève générale ne se décrète pas mais en Guadeloupe, elle s’est imposée parce que les organisations du LKP l’ont proposée…
En métropole, aujourd’hui, et depuis le 29 janvier, les organisations syndicales avancent dans l’unité, et c’est très bien : mais elles avancent vers quoi ? Elles sont unies pour quoi faire ? De journée de grève de 24h en journée de grève de 24h, tous les deux mois, elles comptent obtenir quoi ? Elles espèrent infléchir la politique gouvernementale, c’est un fait ; mais c’est aussi la stratégie pour l’inverser à laquelle elles doivent travailler résolument et pour cela des accélérations doivent avoir eu lieu.
Et nous ne sommes pas dans cette logique d’accélération quand, après le succès du 19 mars, elles appellent à une prochaine réunion le 30… Et avec quelles perspectives ? Pour décider que le 1er mai, oui le 1er mai, dans 1 mois ! doit être la prochaine étape de la mobilisation… Qui ne peut pas voir que ce genre de communiqué est en réalité un appel à enterrer le mouvement ! Un appel qui, en plus, néglige la portée des mobilisations du secteur privé qui s’amplifient.
On s’attendait, après tous les rendez-vous manqués, après la mobilisation d’exception de ce 19 mars qui a surmonté le rythme de sénateur imposé à ce mouvement social à une mobilisation rapide, forte, d’ampleur… pour confirmer poursuivre et amplifier le mouvement.
Au lieu de cela, on a l’impression que dès qu’il pourrait se passer quelque chose, dès que le rapport de forces est en notre faveur et que l’on peut gagner, eh bien, on recule ! Rappelons-nous l’an passé, l’unité syndicale que nous avions au printemps, et qui s’est décomposée au moment où certaines organisations ont sifflé la suspension du mouvement… Quant au Snes, c’est le moment qu’il a choisi pour signer les points de convergences et entrer en discussion avec Darcos sur le lycée… Belle unité syndicale, on a envie de dire « tout ça pour ça ».
Au terme d’une année de luttes, le Snes signe un protocole… Evidemment, un syndicat doit discuter, c’est un de ses rôles, évidemment, il doit négocier mais encore faut-il savoir sur quelles bases il le fait. Pour l’Ecole émancipée, il ne peut y avoir de négociations que sur la base du rapport de forces. Or, Darcos venait d’annoncer 13500 suppressions de postes pour le budget 2009, après les 11200 suppressions de 2008 : il aurait fallu, pour le moins, exiger l’annulation de ces suppressions pour entrer en discussion.
Au cours de l’automne, le Snes s’est enlisé, il s’est fourvoyé dans ce simulacre de dialogue social! Oui, car c’est incompréhensible pour les syndiqués, les collègues qui assistent impuissants à cette situation : un Snes qui prétend discuter avec un ministre qui ne le reçoit pas, qui ne l’écoute pas, et qui avance des pistes, par l’intermédiaire du recteur Gaudemar qui sont vivement critiquées par le Snes, et ce même Snes qui reste dans ce cadre contraint des discussions ! Si la stratégie était de faire évoluer le projet vers du « moins pire », nous pensons, à l’EE, que c’était perdu d’avance, et qu’il ne fallait pas s’engager sur ce terrain ; mais au-delà de notre courant de pensée, cette stratégie, même pour ceux qui en partagent le bien fondé, cette stratégie était à l’époque totalement illisible ! Il faut aujourd’hui que le Snes l’admette, afin de ne pas commettre à nouveau une telle erreur dans les mois à venir, pour que la question du lycée, restée en suspens, ne subisse pas le même traitement avec Descoings ! Le Snes ne doit discuter, négocier que sur la base d’un rapport de forces, dans la plus grande transparence et surtout, surtout, sans aucune illusion sur ce gouvernement, et sur ce qu’il est prêt à lâcher…
Parce que le Snes dit qu’il a gagné sur le lycée… ? Disons qu’il n’a pas perdu, pas encore… Et merci aux lycéens qui ont donné un sérieux coup de main !
En décembre, ils étaient dans la rue, les lycéens : nous, les enseignants, nous avions fait après le 7 octobre, le 19, cette grève puissante du 20 novembre, nous avions manifesté par milliers mais surtout, nous avions à nouveau (depuis 2003) réinvesti les AG ce jour-là ; les grévistes sont venus en AG le 20 novembre pour débattre des suites, pour réclamer que cette journée ne reste pas lettre morte… Est-ce que cet appel est arrivé jusqu’aux directions syndicales ? Sans doute, pourtant, elles n’ont rien fait, rien décidé, rien proposé, au risque de décourager les collègues et peut-être même de les perdre en route ; car il fallait poursuivre, il fallait continuer ce mouvement qui commençait à s’ancrer et à devenir un vrai mouvement de fond pour l’éducation : on avait eu la manif du 19 octobre, et puis cette grève massive du 20 novembre, il fallait absolument continuer et lutter aux côtés de nos élèves, de nos enfants, aux côtés des lycéens, comme le premier degré a su le faire avec les parents d’élèves, et le supérieur avec les étudiants. Pourquoi le SNES est-il incapable de lutter avec les lycéens et les parents ? Pourquoi est-il incapable de s’inscrire dans les collectifs et les coordinations qui sont, on le voit bien aujourd’hui, des outils décisifs pour étendre les luttes et faire monter le rapport de forces ? Le Snes n’a pas participé à la mobilisation lycéenne de décembre, il l’a timidement soutenue et à peine relayée ; pourtant, à ce moment, avec le 1er et le 2nd degré, et avec la jeunesse, nous avions des conditions favorables et nous pouvions peut-être gagner : mais nous n’avons pas lutté !
Nous avions des conditions de lutte et de résistance « tous ensemble » avec les lycéens, mais aussi avec les professeurs des écoles engagés dans la désobéissance, avec les enseignants-chercheurs, peu de temps après, en lutte contre la réforme de leur statut mais aussi contre celle du recrutement des enseignants qu’on appelle « mastérisation »… Quand le Snes a-t-il cherché à favoriser les convergences de revendications et de lutte avec ces différents syndicats, au sein de la FSU ? Au sujet de la masterisation, notamment, le Snes s’est accroché à son mandat d’élévation du niveau de recrutement, et il a refusé de voir que tout ce que cette masterisation entraînait était contraire à ses valeurs et néfastes à l’avenir du métier ; de telles œillères sont catastrophiques, elles l’ont conduit à se trouver en porte-à-faux avec le plus grand mouvement social que les universités ont connu depuis bien longtemps ! Le Snes se montre ainsi sous un jour purement corporatiste, comme un syndicat qui se limite aux intérêts du seul second degré, et encore… dans un très court terme.
Après le 20 novembre, il a fallu attendre le 29 janvier, deux mois plus tard : une journée massive, une grève interpro et unitaire, et à nouveau, pas de suites immédiates, rien dans la foulée…. On attend deux longs mois, jusqu’au 19 mars ! Pourquoi ? On nous dit qu’il faut attendre les déclarations de Sarkozy à l’issue d’une si puissante journée de grève et voir s’il faut poursuivre … Est-ce que sincèrement, on y croit ? A-t-on le moindre doute sur ce qui va sortir des déclarations de ce gouvernement ? Mais ce gouvernement nous ment, il ment sur tout ! Il ment sur les Capa, il ment sur les suppressions de postes, il ment sur les réformes !
Pourtant, depuis quelques semaines, les choses bougent : la Guadeloupe, la Martinique, …la mastérisation… Le gouvernement fléchit, oui, il est mis en difficulté. Alors, quel choix avons–nous aujourd’hui si ce n’est de mener le bras de fer? Il faut aller à l’affrontement, parce que c’est grâce à l’affrontement créé par les guadeloupéens, les enseignants chercheurs, que les reculs ont lieu. On n’a pas d’autre choix, et ça permettra à l’action syndicale de retrouver toute sa crédibilité.
Mais l’affrontement, ce n’est pas une fin en soi : c’est d’abord la conséquence de cette politique gouvernementale qui correspond à une véritable rupture, et il faut en prendre la mesure. L’affrontement, c’est aussi le moyen de faire valoir nos valeurs, et de promouvoir le projet éducatif, et le projet de société que nous portons, au Snes et à la FSU ; renforcer ce projet, et se battre pour le faire gagner, c’est là l’enjeu pour nous, et c’est grâce à la lutte que nous y parviendrons.
Un projet éducatif fort, ambitieux mérite mieux que le simulacre de dialogue social que ce gouvernement entend nous imposer ; par conséquent, le Snes doit refuser d’entrer à nouveau dans de pseudo discussions sur le lycée sur les mêmes mauvaises bases qu’en juin dernier, et ce, pendant que se met en place l’expérimentation de la réforme qui a été soi disant repoussée… Pour l’Ecole émancipée porter ce projet ambitieux, c’est d’abord le placer au sein de la fédération, et n’aborder les questions que de façon globale – puisque les réformes sont cohérentes- sans s’en tenir au seul 2nd degré ; ça veut dire refuser de gagner quelques miettes, pour le Snes, alors qu’on sait qu’elles auront été grignotées sur le dos des autres secteurs de l’Education… ça veut dire refuser de parler de revalorisation sur les bases du ministère, refuser d’entrer dans son cadre contraint, mais au contraire imposer des préalables ; ça veut dire lutter contre les Heures supplémentaires et pour la restitution des postes.
Ca veut dire aussi répondre à la nouvelle donne qu’est l’explosion de la précarité ; il n’est plus question aujourd’hui de traiter cette question comme une question mineure : aujourd’hui, face à cette dégradation du statut de salarié, face à cette précarisation galopante, il n’y a plus qu’une solution, il faut imposer une titularisation immédiate des précaires : c’est la seule réponse à même de mettre un coup d’arrêt définitif au recours à l’emploi précaire, et donc la seule à même de sauver le statut de tous, y compris des titulaires !
Même si ce choix paraît radical, il s’impose aujourd’hui : parce que le contexte a changé, parce qu’à travers la RGPP, le gouvernement impose de nouvelles règles, en s’attachant à détruire méthodiquement et les missions, et les statuts des fonctionnaires… parce que le gouvernement est un gouvernement de guerre sociale, et parce qu’il faut en prendre la mesure pour proposer les réponses adaptées.
Guerre sociale, oui, et non pas, comme il le prétend, dialogue social ! Aujourd’hui, on le constate tous, le gouvernement cherche à limiter, voire à décrédibiliser le rôle des syndicats : c’est ce qu’il fait, par exemple, à travers les attaques contre le paritarisme. Le syndicalisme est attaqué, bafoué. Il est donc en danger, et il faut repenser la stratégie syndicale, pour conserver la confiance de la profession… Si l’offre syndicale se réduit considérablement, si le « service » qu’offrait le syndicat aux personnels a aujourd’hui du mal à exister, tant les droits sont attaqués, c’est qu’il est temps de renforcer et développer l’autre aspect de l’action syndicale : le syndicalisme, c’est la défense individuelle, certes, mais aussi et surtout, c’est un outil de transformation sociale ! A l’Ecole Emancipée, nous pensons qu’il faut résolument engager le syndicalisme dans la lutte. Une lutte que nous devons mener avec d’autres organisations, de façon volontariste, en oeuvrant le plus possible aux rapprochements qui nous permettront de penser de façon constructive, et non en les subissant, les nouvelles règles de représentativité. Il faut s’unir, en effet, mais pas pour « faire joli » : s’unir pour constituer une nouvelle force, dans le but de peser davantage. S’unir malgré nos différences, et dans le respect mutuel de nos valeurs, à condition, bien entendu, qu’elles ne soient pas contradictoires.
C’est aussi ce que nous portons, à l’interne de la FSU, à travers le pluralisme ; ce pluralisme est une richesse pour le Snes, il permet à chacun de se reconnaître dans le syndicat majoritaire, dans le respect de la diversité des appréciations et des sensibilités…. A l’Ecole émancipée nous revendiquons à travers l’existence des courants de pensée la possibilité de prendre toute notre place dans le syndicat, pour en renforcer l’action et l’audience. Le Snes, la FSU ont besoin de toutes ces composantes : le pluralisme ne doit pas être un vain mot, un slogan voire une caution démocratique : le Snes doit s’attacher à le favoriser en donnant aux courants de pensée les moyens de vivre.
Malgré des divergences parfois, des différences de sensibilité souvent, nous allons travailler ensemble de façon constructive, dans ce congrès national, comme nous l’avons fait dans certains congrès académiques ; au-delà, nous avançons ensemble pour peser davantage contre les attaques sans précédent que nous subissons ; nous ne lâchons rien, nous défendons bec et ongle les Services Publics, nous nous battons pour la défense d’une société solidaire, avec une protection sociale renforcée, avec de nouveaux droits, … Nous luttons contre le néolibéralisme, pour imposer un autre modèle de société, défendre les salariés et les travailleurs précaires, être aux côtés des « sans », les sans papiers, les sans logement, les sans emploi, les sans droits.
Et pour cela, nous n’avons pas d’autre choix aujourd’hui dans l’ère Sarkozy : il nous faut un syndicalisme de transformation sociale, un syndicalisme de gauche, mais ça ne suffit pas. Il nous faut avant tout et surtout un syndicalisme de lutte !
Nous sommes dans une période que nous n’avons pas connue depuis longtemps en termes d’actions et de possibilités de gagner. Une fenêtre s’est ouverte ces dernières semaines avec les différentes mobilisations et différents reculs, nous nous devons de ne pas passer à côté de ce qui pourrait être enfin le renouveau du mouvement social…
A l’Ecole Emancipée, nous espérons que cette orientation combative sera celle qui sera résolument choisie par le Snes ; nous souhaitons à toutes et tous un bon congrès !