Intervention dans le débat introductif

Comme vient de le dire Frédérique, la période est compliquée sur le plan social, économique et sanitaire et cela rejaillit et se reflète dans l’éducation nationale.

Tout d’abord, au-delà du contexte international assez déprimant que je ne développe pas car un certain nombre de points seront abordés dans droits et libertés, il y a la situation nationale de l’état d’urgence sanitaire, sans cesse prolongé, auquel s’ajoute la proposition de loi « sécurité globale » qui s’inscrit dans une politique de répression et de surveillance de masse. La banalisation de l’exception, au nom de la lutte contre le terrorisme ou de la pandémie est une constante depuis quelques années mais cela représente une menace sur les libertés publiques, thématique que nous devons désormais prendre à bras-le-corps.

Et ce d’autant que le retour de l’Etat dans la vie économique cache mal une forme d’étatisation du capitalisme qui pose la question du rôle qu’ont à jouer les organisations syndicales pour faire émerger une alternative, comme nous essayons de le montrer dans notre texte que vous avez dû recevoir.

Côté gouvernement, le climat est volontiers nauséabond, même si les propos racistes, dans la période, ne lui sont pas réservés. Ces discours, en plein débat sur la loi contre le séparatisme, n’ont pas été de nature à doter les collègues d’un climat serein pour rendre l’hommage à Samuel Paty qui, de part la décision de dernière minute de Blanquer, a été sabordé. En choisissant de déposséder les personnels d’un temps de préparation et d’hommage digne de ce nom, le ministre a fini de perdre le peu de crédibilité et de respect qu’il avait dans la profession. C’est pourquoi il est temps de cesser de faire comme si ce ministre en valait un autre. Autoritaire, incompétent, méprisant : il doit partir. Les collègues ne s’y trompent pas d’ailleurs puisque circulent des pétitions qui demandent sa démission. Il est regrettable que les organisations syndicales ne les soutiennent pas car, même si cela ne remettrait pas en cause la politique libérale du gouvernement, tout le monde comprend qu’il s’agit d’une demande qui consiste à renvoyer, sur le plan symbolique, un des ambassadeurs de Macron. Et les symboles, parfois, ça compte, surtout dans des périodes comme celle-ci où le rapport de force est plus difficile à construire dans la rue.

Le texte que nous présentons essaie d’aborder tous ces aspects mais c’est la déclinaison concrète qui nous semble devoir être en jeu dans cette CAN car nous partageons sans doute l’essentiel de l’analyse critique de la politique ultra-libérale de ce gouvernement.

Alors que Blanquer ne cesse de répéter que tout va bien et qu’il n’ y a pas de risque à l’école, et nous savons que ce n’est pas le cas, certain-es chef-fes d’établissement refusent encore de faire les aménagements liés au protocole et/ou aux demandes des équipes : cela est le reflet d’une hiérarchie hors-sol, verticale, incapable d’être sur le terrain et d’apporter des réponses concrètes, préférant obéir à des protocoles, tous aussi insuffisants ou inapplicables les uns que les autres.
Comme si cela ne suffisait pas, Blanquer refuse encore d’alléger ou d’aménager les programmes et continue d’imposer à marche forcée ses réformes du lycée et du bac.

Les pistes envisagées pour la prochaine réforme de l’éducation prioritaire sont également très inquiétantes. Outre les dangers du label « Cité éducative », l’intégration d’établissements privés serait un scandale.

Ne parlons même pas de son Grenelle des enseignant-es et de sa soi-disant revalorisation dont on ne peut se satisfaire, elle ne concerne que 31% des enseignant-es. Le SNES et la FSU doivent continuer à exiger une revalorisation de tous les personnels par augmentation du point d’indice.

Tout cela nous amène à réfléchir aux mobilisations à construire.

Dans les établissements, la colère est montée et s’est cristallisée le 10 novembre, notamment dans les collèges urbains ou à fort effectif se sentant oubliés. De nombreux-euses collègues demandent la mise en place de demi-groupes qui doivent être accompagnés d’allègements de programmes et d’épreuves sur plusieurs années et d’aménagements pédagogiques, en particulier en langues et en sciences, où l’enseignement se fait souvent par regroupement de classes.
Dans le débat, il y a aussi le souci de ne pas renvoyer les élèves à leur solitude devant un écran, quand iels en ont un; la fracture numérique n’étant pas qu’un problème d’équipement mais aussi de maîtrise de différents logiciels, élément fondamental que les États Généraux du numérique devraient prendre sérieusement en compte s’ils avaient vocation à avoir une dimension « socio » et pas que de propagande ministérielle.
Mais les demi-groupes, c’est aussi un levier pour la mobilisation car c’est l’occasion de dénoncer les conditions de travail dégradées au fil des années et de rappeler la nécessaire baisse des effectifs, mandat historique du SNES, que les parents peuvent partager, dans une logique de mobilisation commune pour un service public d’éducation de qualité. Mais, pour autant, il ne faudrait pas que cela conduise à la mise en place d’un enseignement hybride. On le voit, la question est à la fois centrale et compliquée.

Par ailleurs, au vu des éléments que nous avons développés auparavant et pour ne pas laisser la rue aux seuls gouvernement et policiers, il ne faut surtout pas la délaisser, parce qu’elle permet aux collègues de se rassembler. Commençons par les mobilisations qui auront lieu la semaine prochaine dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes pour lesquelles le SNES doit relayer les initiatives locales.

Il y a également un besoin de rendre visible les questions éducatives. Pour cela, s’il y a une journée d’action en décembre, elle doit se faire de manière fédérale, a minima, et en intersyndicale de préférence, même si j’ai entendu les limites données, à la fois sur des revendications telles salaires, conditions de travail mais aussi plan d’urgence pour l’éducation, en lien avec le plan d’urgence pour la santé, afin d’avancer nos revendications en termes de services publics ce qui, au vu des échéances électorales à venir, est fondamental puisque, dans le cadre fédéral, il est prévu d’interpeller les candidat·es.