Dans le cadre de l’Institut de recherche de la FSU, Laurent Frajerman(1) anime un chantier « histoire et actualité du syndicalisme enseignant »(2). Les recherches sur le syndicalisme des personnels de l’enseignement, tant en histoire qu’en sociologie, sont aussi importantes que celles concernant la CGT et la CFDT, et bien plus que celles analysant les autres confédérations ou les grandes fédérations qui ont structuré le syndicalisme ouvrier (métallurgistes, mineurs ou encore électriciens).
En effet, les enseignants sont l’une des seules corporations françaises à avoir construit dans la durée des organisations puissantes, qui se sont ensuite ouvertes à bien d’autres professions, dans la recherche, la culture, l’administration… Leur « sur-syndicalisation » se conjugue au développement, avec la FSU, d’une culture contestataire affirmée.
La FSU et ses organisations s’inscrivent dans les traditions les plus fécondes du syndicalisme enseignant, dont la modernité provient notamment de la prise en compte précoce de l’individu. Toutefois elles sont confrontées aujourd’hui à des questions cruciales : place des syndiqués dans les structures, efficacité des actions syndicales, renouvellement du corps militant, identité de la fédération…
Ce chantier, ouvert en septembre 2011, se situe au carrefour de l’histoire et de la sociologie. Il n’entend pas seulement analyser les organisations en elles-mêmes, mais aussi étudier la mise en mouvement du milieu enseignant, à travers les traditions de lutte, les pratiques militantes et la structuration des professions. Il s’agit de croiser les regards des militants et chercheurs , lesquels peuvent d’ailleurs partager les deux dimensions. A cette fin, des partenariats sont noués aussi bien avec des instituts syndicaux qu’avec des centres de recherche et d’archives.
Le syndicalisme sera replacé dans un ensemble plus vaste de questionnements : la professionnalisation, la crise de l’engagement, la réception du discours pédagogique etc.. Les organisations syndicales constituent en effet un excellent prisme pour comprendre les enjeux sociaux et éducatifs au sens large.
Les deux premières initiatives du chantier seront le colloque « Grève enseignante » le 11 octobre à Paris et l’anniversaire des 20 ans de la FSU lors de son congrès en février 2013. ●
Jean-Michel Drevon
1) Chercheur associé au CHS. Professeur agrégé d’Histoire au lycée Apollinaire, Thiais.
Contact : laurent.frajerman@free.fr
2) Voir site www.institut.fsu.fr
3) Laurent Frajerman, Alain Dalançon,
Jean-Michel Drevon, Bernard Pharisien,
Gérard Réquigny, Raphaël Szajnfeld
Avec Martin Blanc, Alain Becker, Nada Chaar, Bertrand Geay, Jacques Girault, Springfield Marin, René Mouriaux, Michel Pigenet, André Robert, Danielle Tartakowsky, Serge Wolikow.
11 octobre 2012 Colloque
« Grève enseignante »
Les enseignants expriment régulièrement des critiques sur les grèves impulsées par leurs syndicats. Ils en discutent l’efficacité, se déclarent quelquefois prêts à faire d’hypothétiques grèves longues, mais pas la prochaine grève courte. Faut-il changer de logiciel gréviste ? Comment nos prédécesseurs ont-ils affronté des questionnements forts similaires ?
Ce colloque, qui réunit des historiens, des sociologues et des militants très divers, vise donc à analyser et à confronter des expériences de lutte échelonnées entre 1920 et 2010. Tous les degrés d’enseignement sont étudiés.
En effet, les mouvements sociaux de ces véritables « gréviculteurs » sont régulièrement vilipendés. Les enseignants font beaucoup plus grève que les salariés du privé. Pourtant, cette profession réputée prompte à l’action collective s’est longtemps placée en retrait sur ce terrain, considérant prioritaire son rôle d’éducation de la jeunesse. La grève était alors réservée au syndicalisme ouvrier. Comment expliquer cette radicalisation ? Le phénomène non gréviste annonce-t-il une évolution inverse ?
S’ils s’investissent dans les journées d’action des syndicats de fonctionnaires, les enseignants sont plus réticents à participer à des luttes plus larges. L’écart avec les modes d’action ouvriers persiste. En s’appropriant la grève, les enseignants ont inventé des pratiques militantes adaptées à leur situation de fonctionnaire et au fait qu’ils font gagner de l’argent à l’Etat-employeur lorsqu’ils cessent le travail. Très vite, ces pratiques ont suscité le débat au sein du syndicalisme enseignant. La grève de 24 heures n’est-elle qu’un rituel ? Peut-on se lancer dans des mouvements plus longs ?
Dès le début du XXe siècle, les enseignants ont cherché des formes d’action alternatives, ancrées dans la réalité de leur métier, comme les grèves d’examen. Quel bilan tirer de ces expérimentations ? La répression étatique est-elle insurmontable ?