Grèves du climat : à quoi bon faire « comme si » ?

Le 27 août dernier, Greta Thunberg, suédoise de 15 ans, décidait de ne plus aller à l’école le vendredi. À la place, elle se rendit devant le parlement, munie d’une pancarte en carton sur laquelle elle avait inscrit « grève de l’école pour le climat ». Contre l’avis de ses propres parents, elle annonçant sa volonté de réitérer son action chaque semaine. Rapidement, en Australie, en Belgique, en Suisse, en Allemagne, au Canada et désormais en France et partout dans le monde – des Fidji à la Colombie, en passant par les Hong-Kong, les Philippines, l’Afrique du Sud, l’Ouganda, le Nigeria, et les États-Unis, des dizaines de milliers de collégien.ne.s, de lycéen.ne.s et d’étudiant.e.s participent à ce mouvement mondial des grèves du climat. Depuis, des enseignant.e.s (entre autres via les organisations syndicales) ont appelé à rejoindre ces grèves.

Des mobilisations d’un type nouveau assurément : il ne s’agit pas de grèves classiques, dans le sens où les revendications ne concernent pas directement les conditions de travail et d’enseignements, pas plus qu’il ne s’agit de s’opposer à une réforme de l’enseignement supérieur, du bac, etc.
Cette mobilisation se construit sur l’affirmation d’un refus fort. Celui de continuer à faire « comme si » : refus de continuer à étudier, à travailler, à enseigner, à apprendre, à aimer, à créer « comme si » tout allait bien, comme si les adultes avaient pris la pleine mesure du problème que pose le changement climatique. Par ces grèves, les jeunes générations nous interpellent et nous demandent, à notre tour, de cesser de faire semblant, de cesser de faire comme si de rien n’était.

Ce que Greta, et, à ses côtés, des dizaines de milliers de jeunes, demandent est aussi simple que radical : laisser les combustibles fossiles dans le sol. Mais ces jeunes affirment clairement qu’il n’est plus temps d’attendre – comme l’expliquait Greta au forum de Davos en janvier dernier : « les adultes répètent sans cesse qu’ils ont une dette envers les jeunes, qu’il faut leur donner de l’espoir. Mais je ne veux pas de votre espoir. Je ne veux pas que vous soyez plein d’espoir. Je veux que vous paniquiez. Je veux que vous ressentiez la peur que je ressens tous les jours. Et je veux que vous agissiez. (…) Certains disent qu’il ne faut pas prendre la voie de l’activisme, que nous devrions laisser cela aux politiciens et juste voter pour des changements. Mais que faire quand il n’y a pas de volonté politique ? Que faire quand les politiques nécessaires ne sont mises en œuvre nulle part ? ».

La puissance de ce mouvement spontané réside notamment dans sa capacité à proposer une tactique simple, réplicable à l’infini, mais toutefois collective : en se réunissant chaque vendredi, les collégien.ne.s, lycéen.ne.s et étudiant.e.s cessent de penser et d’agir comme des individus, et s’organisent collectivement. C’est une étape décisive pour sortir du sentiment d’impuissance face à une problème aussi vaste et complexe que le réchauffement climatique – et c’est un geste d’une maturité incroyable, qui rompt clairement avec les petits pas individuels (dont on connaît l’importance mais dont on éprouve depuis trop longtemps les limites).

Il y a là une candeur stratégique formidable. Pendant des années, les militant.e.s de ma génération ont poussé le mouvement pour la justice climatique, consacrant une énergie déraisonnable à construire des mobilisations, à arracher des victoires – tout en reconnaissant que nous ne gagnions pas assez vite, et qu’en matière climatique, les victoires lentes et partielles sont malheureusement des défaites. Nous devons désormais apprendre à suivre cet élan – sans chercher à l’orienter dans telle ou telle direction : « le changement est en cours, que vous le vouliez ou non », expliquait Greta lors de la dernière conférence de l’ONU sur le climat.

Bien sûr, comme tout mouvement spontané, l’épreuve de la durée sera décisive. La question est donc de savoir ce que nous pouvons faire en tant qu’adultes, pour nous assurer que l’élan ne se brise pas – multiplier les conversations, en classe comme à l’extérieur des classes sur la question du réchauffement climatique, mais aussi sur l’importance des mobilisations citoyenne apparaît ici comme essentiel.

Nicolas Haeringer