Les politiques néolibérales imposent des orientations qui sont en passe de détruire l’école :
difficile dans ce contexte d’être force de propositions, tant le repli défensif, face aux agressions répétées,
s’impose en premier réflexe. Pourtant, porter un projet éducatif est aujourd’hui essentiel.
Le livre « Faites chauffer l’école »(1) s’y essaie…
L’employabilité des élèves est la finalité de l’école néolibérale : ainsi, dans un contexte de fort chômage se développent les notions de « compétences » et de « formation tout au long de la vie », qui font de l’école un élément parmi d’autres du grand marché de la formation.
Ce système
n’est plus réformable
Les contre réformes successives ont abouti à un système éducatif qui a atteint ses limites : les auteurs, José Tovar et Bernard Calabuig, dénoncent l’illusion de certains, tentés d’aménager cette école-là à travers des logiques de compensation. Ils proposent, eux, un projet global : « construire un système éducatif qui assure la réussite scolaire de tous et favorise les postures et démarches d’émancipation, sans attendre que la société ait complètement changé pour devenir une société égalitaire, ne relève […] pas de l’utopie : c’est avant tout affaire de volonté politique ». Leur projet s’articule autour de deux axes : l’école commune et la formation des enseignants.
Une école commune
de 3 à 17 ans
Ils dénoncent : « La sélection sociale qui se faisait autrefois à l’entrée dans le système scolaire [et qui] passe aujourd’hui par l’école et l’orientation selon les voies et filières hiérarchisées du lycée ». Ils estiment que, pour échapper à un système sélectif, il faut rompre avec les évaluations sommatives, chiffrées, et avec le redoublement, afin de s’affranchir des logiques sociales d’orientation… Et mettre en place l’école commune, en offrant à tous les élèves jusqu’à la fin de la classe de première, un parcours commun. Il faut, disent-ils, repenser les contenus de la culture scolaire, y intégrer une culture technique, ouvrir les champs culturels au-delà des attendus classiques, afin de développer « l’intelligence critique » et permettre à tous d’évoluer dans un même parcours jusqu’à 17 ans. Ils préconisent, à l’issue de la première, un bac de culture générale et en terminale, une année de pré-professionnalisation et un bac de spécialité. Fin des filières et des voies différenciées au lycée: les parcours ne sont plus socialement marqués… Prenons l’exemple des élèves titulaires d’un bac pro : seuls 10 à 15 % poursuivent leurs études, insuffisamment préparés en terme de culture générale ; l’élévation globale du niveau profiterait, en premier lieu, à celles et ceux qui sont exclu-es de la réussite par notre système éducatif.
Une formation de haut niveau pour un métier rénové
La recherche en sciences de l’éducation ne profite pas aux enseignants dont la formation est indigente. Pourtant, les enseignants doivent reprendre la main sur leur métier qui requiert un haut niveau de qualification (Master avec pré-recrutements, et entrée progressive dans le métier du type IPES). Ils doivent être intégrés dans un corps unique, de la maternelle au lycée, bénéficier d’une formation commune (sociologie des publics scolaires, psychologie de l’enfant et de l’adolescent, connaissance du système éducatif) et acquérir une maîtrise disciplinaire de haut niveau.
Cela suppose une réflexion sur la question des disciplines : moins de polyvalence au primaire, ce qui revient à ajouter des intervenants pour les élèves, à obtenir « plus de maîtres que de classes ». Alors que le gouvernement impose la polyvalence au collège (enseignement intégré de science et technologie-EIST) sous prétexte de réduire les référents pour les élèves et qu’il efface les entrées disciplinaires à travers le socle, pour Tovar et Calabuig, le maître doit bénéficier d’un haut niveau de formation en langues, en maths, et dans une discipline dite « dominante ».
Ces questions sont sensibles : le lycée « unique », position historique de l’EE, fait débat, le recentrage sur quelques disciplines en primaire agite le spectre du « retour aux fondamentaux »…
Pourtant, s’emparer sans tabous de ces questions est essentiel : avancer un projet éducatif alternatif est décisif pour en finir avec celui qu’on nous impose et qui correspond à la volonté de la bourgeoisie qui « met en oeuvre un système qui prend en compte les inégalités […] et se donne les moyens d’une sorte d’« assignation à résidence sociale » : chacun à sa place, avec pour objectif essentiel la formation et la préservation des « élites ».
Et cela n’est plus supportable. ●
Véronique Ponvert
1) Faites chauffer l’école,
principes pour une révolution scolaire
de Bernard Calabuig et JoséTovar, Syllepse 2011.