C’est le bilan que l’on peut collectivement tirer des deux mois passés : 2 journées de grève suivies, parfois plus dans certains départements, des AG réinvesties, des manifestations importantes, et partout des réunions publiques, des occupations d’écoles, des journées école morte…
Depuis deux mois donc, enseignants et parents ont, face à l’inscription dans la loi des déterminants de la politique éducative menée par Jean-Michel Blanquer, hissé le niveau de conflictualité et d’auto-organisation à un niveau jamais atteint ces dernières années.
Si les EPSF ont été la mesure qui a mis le feu aux poudres, l’importance du travail militant d’explicitation de la loi et l’inscription dans la durée de la mobilisation a permis d’élargir la critique, d’affirmer massivement une vision politique de ce que cette loi entend faire à l’école. Elle est à juste titre vécue comme une loi contre l’école, qui affronte directement l’idée d’émancipation, de justice sociale. Loi manifestant la volonté d’assujettir les personnels, loi approfondissant le caractère ségrégatif de notre système scolaire, avec les EPSF bien sûr, mais aussi les EPEI, engageant ainsi d’un point de vue législatif une rupture avec la logique d’unification du système scolaire qui prévalait depuis le plan Langevin Wallon jusqu’à la fin des années 90. Loi en parfaite cohérence avec les éléments les plus libéraux des politiques éducatives menées ces dernières années qui ont conduit à l’augmentation des inégalités scolaires et du poids des déterminismes sociaux dans la réussite scolaire.
Enseignant-es et parents se sont levé-es donc. Et leur mobilisation a permis d’arracher des premiers reculs : l’article 6 quater est sur la sellette.
Mais les réponses apportées tant par le Sénat que par le gouvernement à la mobilisation restent engluées dans le paradigme libéral, inégalitaire et autoritaire dominant, qui a fait de notre système scolaire un des plus inégalitaires des pays de l’OCDE.
Le Sénat entend placer les enseignant-es sous l’autorité de directeurs-trices qui participeraient à leur évaluation,leur conférant ainsi un statut hiérarchique. Les principaux et proviseurs pourront exercer un droit de regard sur la nomination des professeurs. Les possibilités d’expérimentation seront élargies, permettant ainsi de déroger au cadre des ORS, la maternelle est mise en concurrence avec les jardins d’enfants… Et j’en passe.
Et puis il y a tout ce qui reste : le financement du privé, la disparition de toute instance indépendante permettant d’évaluer les politiques éducatives, le poids de l’évaluation sur les élèves, les enseignant-es et les établissements… Et le maintien des EPEI, scolarisant les élèves du primaire jusqu’au bac, et, dont l’objectif est, je cite, de « permettre de mieux valoriser des parcours d’excellence orientés vers l’international ». Ce qui constitue en soi un pas scandaleux de plus vers la ségrégation scolaire.
Face à cela, deux choses. D’abord battre le fer tant qu’il est chaud. Après la journée de grève du 9 mai pour les services publics et contre la loi Blanquer, et avant la manifestation du 18 mai, nous devons maintenir pendant toute la semaine la pression sur les débats du Sénat, en multipliant les actions dans les écoles et en faisant du 14 mai une nouvelle journée de grève contre cette loi. Nous devons aussi construire un calendrier d’actions pour les semaines à venir , en mettant dès le 9 mai en débat la grève reconductible, pour obtenir l’abandon intégral de la loi pour une école de la confiance.
Et puis réorienter en partie notre discours : affirmer que la loi Blanquer est une loi qui augmentera les inégalités scolaires et le poids des déterminismes sociaux dans la réussite scolaire doit être un des axes majeurs de nos interventions. Cette loi est faite pour cela.
Si cette loi passe, amendements du Sénat ou pas, il y aura deux victimes : nos professions, et les élèves des classes populaires. Profitons du rapport de force que nous avons contribué à construire pour prendre une revanche contre ces politiques éducatives ,distillées depuis 20 ans, qui entendent faire de nos métiers ceux du tri social.