On connaissait le racisme quotidien qu’aliment les peurs, les rejets : les pauvres contre les plus pauvres… Déferle maintenant sur l’Europe une vague brune qui, pour venir de loin, n’en est pas moins inquiétante ! Une vague qui renvoie à l’absence d’une réelle alternative à la droite néolibérale et à la gauche social-libérale. Une inquiétude qui nous incite à une analyse plus systématique, dans une rubrique de notre revue, de ce danger pour nous armer et préparer les contre-offensives…
Vingt sièges (5,8 %) en Suède, 47 en Hongrie (16 %), 24 (15 %) en Hollande… Les formations d’extrême droite qui ont fait leur entrée dans divers parlements européens pour la seule année 2010 viennent s’ajouter aux 56 députés autrichiens, aux 15 lituaniens et au même nombre de députés grecs. En Italie, elles participent à la coalition gouvernementale du « Peuple de la liberté » menée par Silvio Berlusconi. Au Danemark, fortes de leurs 25 députés, elles orientent nettement la politique du gouvernement en matière d’immigration et de droits des étrangers.C’est d’ailleurs cette thématique, associée à celle du danger que représenterait l’islam, qui “paie” dans les urnes. Exit les références explicites au fascisme et à ses avatars : les partis s’en réclamant directement sont pour l’heure en perte de vitesse.
Dans l’Europe de l’Ouest, la « résistance » à la fiction d’une invasion de l’islam décrit comme intrinsèquement incompatible avec les valeurs du vieux continent amène ces droites extrêmes à d’étonnantes contorsions. Reprenant en partie la théorie du « choc des civilisations », ces organisations s’érigent désormais en défenseurs des droits des femmes ou prétendent lutter contre l’homophobie. Elles n’hésitent pas à remiser au vestiaire leurs traditionnelles références à une Europe chrétienne et se découvrent une soudaine passion pour la laïcité… [**Des thématiques récurrentes…*]
Outre le fonds de commerce raciste, l’extrême droite s’empare d’autres thématiques : la dénonciation du « mondialisme », vocable fourre-tout qui permet d’éviter soigneusement de stigmatiser le capitalisme. Et pour cause : ces partis le défendent et s’échinent à détruire acquis sociaux et solidarité ! Protectionnisme à l’échelon national et corporatisme interclassiste dans les entreprises sont ainsi des constantes dans les programmes des extrêmes-droites européennes qui prétendent néanmoins se poser en défenseur des classes populaires.
Le nationalisme et le racisme à l’égard du voisin prenant cependant le pas sur les thématiques communes, cette émergence devenue poussée des droites radicales à l’échelon européen n’a pas, fort heureusement pour l’heure, débouché sur la constitution d’une « internationale brune » dont l’installation durable serait un réel danger. [**Et par chez nous ?*] Centrée sur un singulier parti qui fêtera ses 40 ans l’année prochaine, la situation de l’extrême droite française s’inscrit également dans cette inquiétante dynamique européenne. Remportant en janvier 2011 les premières primaires organisées au Front national pour désigner « son président », Marine Le Pen se réfère abondamment à “la République” (son père conspuait “la Ripoublique”…), à l’État, défend la laïcité, condamne elle aussi le règne de l’argent-roi et la marchandisation de la culture et nomme un « Monsieur Ecologie » au Bureau politique de son parti.
Soignant son image médiatique, elle entend se débarrasser des nostalgiques de Pétain et autres catho-traditionalistes. Si ce discours peut sembler nouveau à première vue, il n’en demeure pas moins que les références aux fondamentaux de l’extrême droite restent inébranlables : la xénophobie est toujours là. A la lutte contre « l’immigration-invasion », la nouvelle présidente du FN substitue peu à peu celle contre l’islam avec, au centre de son propos et comme éternel remède aux maux qui rongent notre société, la préférence nationale. Pour Marine Le Pen, la fracture aujourd’hui n’est plus seulement sociale (ces élites qui s’opposent au bon sens populaire…), elle est également ethnique. C’est bien à une civilisation musulmane incompatible avec les valeurs occidentales qu’il s’agirait de s’opposer !
Contrairement à son père, Marine Le Pen entend bel et bien faire du Front un parti de pouvoir. Son discours s’adresse non seulement aux déçus du sarkozysme à droite mais également à toutes celles et ceux qui rejettent l’ensemble des partis politiques.
Elle est aidée dans sa quête de crédibilité par la politique mise en œuvre par Nicolas Sarkozy qui, au fil de son mandat, a ouvert toujours plus les vannes du racisme d’État. Bénéficiant pleinement des stratégies à la petite semaine de l’ex-candidat bien décidé à « remettre la France au travail », la toute nouvelle présidente du FN s’adresse également aux victimes de la crise économique, y compris aux fonctionnaires. Les tentatives d’infiltrer les syndicats en disent long sur un projet qui vise bel et bien à diviser les salarié-es.
En luttant pour une alternative au capitalisme, la plus grande vigilance s’impose donc aux travailleuses et aux travailleurs, à leurs organisations qui doivent dénoncer l’imposture du discours frontiste et combattre dans la plus grande unité le danger qu’il représente.