- Intervention de Grégory Bekhtari au CDFN de novembre 2022
La défaite de Bolsonaro fin octobre a été un véritable soulagement : le président d’extrême droite d’une des plus grandes puissances émergentes était mis hors d’état de nuire. Ce coup de frein dans la montée du nationalisme ultraréactionnaire, autoritaire, voire néofasciste, était nécessaire… mais malheureusement pas suffisant.
Ce que nous confirme le score très serré du second tour ou encore le fait que le parti de Bolsonaro reste majoritaire à la chambre des député·es c’est que dans les pays où l’extrême droite parvient au pouvoir, elle s’installe dans la durée : les atteintes aux acquis démocratiques, la remise en cause des droits, notamment des femmes, l’autoritarisme auquel elle donne libre cours radicalise une base sociale prête à la reconduire au pouvoir par la suite. En Hongrie, Orban quitte le pouvoir en 2002 et le retrouve en 2010 pour faire voter des lois qui musèlent les médias, affaiblissent la cour constitutionnelle et remodèlent les institutions à sa convenance. Après avoir passé 12 ans au pouvoir à cibler et harceler les sans abris, les LGBT, les Roms, les Juifs et les migrant·es, il se permet d’affirmer sans honte « Nous ne voulons pas être une race mixte », qui se mélangerait avec « des non-Européens », de faire une blague sur les chambres à gaz et de licencier les profs qui font grève.
Plus près de nous en Italie, après la chute de Salvini en 2019, la victoire récente de Méloni confirme le retour de l’extrême droite. A peine arrivée au pouvoir, Méloni publie un décret loi de répression des raves parties condamnant leurs organisateurs jusqu’à 6 ans d’emprisonnement. Le texte a été rédigé de telle manière que l’opposition craint qu’il puisse « s’appliquer à n’importe quel rassemblement jugé dangereux par l’autorité publique » et selon elle, il résonne comme « une limite à la liberté des citoyens et une menace préventive contre la contestation ». Tout porte à croire qu’il vise aussi les squats et les centres sociaux autogérés qui sont des points névralgiques de protestation politique dans ce pays. Pendant ce temps, le rassemblement à la gloire du fascisme et de Mussolini pour commémorer les 100 ans de la marche sur Rome est autorisé sans être considéré comme une menace contre l’ordre public ou la démocratie.
Terminons sur les Etats-Unis, plus lointains mais dont la place reste prépondérante dans les rapports de forces internationaux. Les élections de mi mandat qui ont lieu aujourd’hui confirment l’incrustation du trumpisme. Le président Joe Biden lui-même a dû concéder qu’« on ne peut plus considérer la démocratie comme allant de soi » aujourd’hui devant « la montée alarmante de gens qui cautionnent la violence politique dans ce pays ». Chuck Idelson, responsable syndical reconnu du NNU, le syndicat majoritaire des infirmier·es, vient de mettre en garde contre la prolifération de discours de haine et de menaces violentes qui ont abouti à la tentative de kidnapping de Nancy Pelosi, présidente démocrate de la chambre des représentant·es, et à la tentative de meurtre de son mari. Il relève que 60 % des candidat·es républicain·es affirment que les élections présidentielles ont été truquées et qu’ils/elles remettront en cause les résultats s’ils/elles devaient perdre aujourd’hui. Il dénonce la banalisation de la rhétorique raciste d’une partie grandissante du personnel politique républicain et cite « Anatomie du fascisme » de l’historien Robert Paxton pour éclairer le contexte actuel. Paxton définit le fascisme comme « un comportement politique marqué par une préoccupation obsessionnelle pour le déclin de la communauté, l’humiliation ou la victimisation… dans lequel un parti de masse composé de militants nationalistes engagés, travaillant en collaboration instable avec les élites traditionnelles, abandonne les libertés démocratiques et poursuit [ses objectifs anti-démocratiques répressifs ] avec une violence rédemptrice et sans contraintes éthiques ou légales ». A l’heure où le racisme décomplexé s’exprime jusque dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale, comme le NNU, la FSU doit continuer son travail dans les cadres existants comme par exemple VISA (cadre auquel l’ensemble des SN et SD sont invité·es à adhérer) et s’inscrire dans les cadres unitaires les plus larges, sans exclusive, qui assureront la défaite de l’extrême droite dans les têtes mais aussi dans les urnes et cela, dans la durée.