L’évaluation fait partie intégrante de la stratégie de réforme de l’Etat : déréglementation, réduction des coûts, augmentation de la productivité, performance, mise en concurrence… Ce que le ministère tente de faire passer pour une mesure objective, s’appuyant sur la prétendue neutralité des chiffres, n’est en réalité qu’un simple exercice de pouvoir qui vise à exercer son emprise sur les savoirs et savoir-faire en prétendant définir la « norme ».
Dans l’Education comme dans les domaines de la santé ou la recherche, cette logique tend à s’imposer comme un système parallèle et à s’imposer au travail quotidien des professionnels.
Dans les pratiques usuelles, chaque enseignant dans sa classe juge les travaux de ses élèves, apprécie les progrès, souligne les difficultés, cherche à identifier les obstacles auxquels font face les élèves. A contrario, comme le dit Nathalie Mons, les évaluations nationales ou internationales standardisées « fondent une nouvelle régulation des systèmes éducatifs et s’intéressent désormais, au-delà des résultats scolaires des élèves, aux performances des établissements scolaires, des systèmes éducatifs ». En effet, les évaluations nationales CM2/CE1 sont centrées sur des objectifs quantitatifs (d’où le codage binaire) ; elles orientent et tendent à uniformiser les pratiques des enseignants par le recentrage sur la transmission des « fondamentaux ». L’évaluation des enseignants en fonction des progrès des élèves, son rôle dans la gestion des carrières, l’individualisation des salaires, le développement des primes incitent à orienter les pratiques pour obtenir de bonnes statistiques. Enfin, ces évaluations ont une fonction de tri social, elles servent à gérer les flux d’élèves vers l’aide personnalisée ou les stages de remise à niveau et permettent la reconstitution de filières.
Parce qu’elles modifient en profondeur le sens du travail enseignant et tendent à évacuer tout débat qualitatif en fixant à la fois la norme et le cadre du débat, il est indispensable et urgent de s’opposer fermement à leur mise en oeuvre. Nous devons dès aujourd’hui nous préparer à la bataille contre les évaluations CE1.