L’enchainement de la LRU (2007)
et de la (mal nommée)
« mastérisation » (2009), accompagnée de l’intégration
des IUFM aux universités,
a littéralement pulvérisé
la formation des enseignants (FDE).
Et maintenant,
que voyons nous venir ?
La « refondation de l’École » annoncée par l’actuel gouvernement se traduit, au plan de la FDE, par la création d’Écoles supérieures du professorat et de l’Éducation (ESPE), une par académie, rattachées à une université ou à l’une des futures « communautés d’universités » prévues dans le projet de loi sur l’ESR du gouvernement (cf. l’article sur la régionalisation de l’ESR).
Les ESPE seront donc, pour les universités dont elles dépendent, les opérateurs en charge de la formation initiale de tous les personnels enseignants des 1er et 2nd degré (PE, PCL, PLP), de vie scolaire (CPE) mais aussi des enseignants-chercheurs (EC, contrats doctoraux). La définition des parcours de formation incombera aux secondes et sera par conséquent variable selon les établissements. Le ministère a néanmoins présenté une maquette générique commune à tous les parcours, organisée en cinq blocs : « Disciplinaire, Didactique, Contexte d’exercice du métier, Recherche, Mises en situation professionnelle » ; pour les CPE, est ajoutée la mention « SHS » au bloc 1, et le bloc 2 est renommé « Pratiques et éthique professionnelles ». Pour la formation des EC, le contenu comme l’organisation de la formation sont à la discrétion des établissements, et donc sans cadrage national. Quant à la formation continue, elle sera sous la responsabilité des rectorats, qui solliciteront les ESPE. Signalons enfin une extension de l’offre de formation aux autres métiers de l’éducation, qui semble d’abord s’adresser à celles et ceux qui échoueraient aux concours de l’enseignement mais sans articulation avec une refonte du champ de la formation péri/para-éducative (EJE, AS), ni intégration au service public de l’ESR.
À l’instar du changement, la refondation annoncée est donc ténue et manque singulièrement d’ambition. La substitution des ESPE aux IUFM (depuis leur rattachement aux universités) semble ne changer que peu de choses.
Tous les projets d’ESPE insistent en effet sur la nécessité d’être une structure de coopération entre les différentes composantes intéressées à la FDE (formation et recherche) de l’université dont elles dépendent ainsi que des établissements et du rectorat de leur académie. Le périmètre de la formation est élargi aux EC et aux autres métiers de l’éducation, mais un élargissement conjoncturel et restreint puisque, par exemple, les personnels qui concourent aux missions de formation et de recherche (ITRF) – qui ne bénéficient d’aucune réelle formation, le stage de titularisation consistant à « faire le job » – en sont absents, tout comme les CO-Psy.
La formation malmenée…
Pour ce qui est de la formation proprement dite, elle demeure effectivement dépendante des universités, en particulier de leurs moyens matériels et humains en constante diminution sous le fouet conjugué de la LRU et de l’austérité, amenuisant ainsi l’offre des formations.
Cela est aggravé par le fait que le principe d’accréditation renforce la fonction « d’opérateur » (cf. la LOLF) et par ce biais le poids des corps d’inspection (via le rectorat) dans l’élaboration des contenus et le pilotage des formations. En outre, le risque d’une régression à un gouvernement disciplinaire de la formation au détriment de la dimension professionnelle est patent, et cela d’autant plus que la loi actuellement en discussion pose le principe d’une participation des formateurs 1er et 2nd degré aux ESPE sur le seul mode du temps partagé…
Aussi, les ESPE apparaissent-ils comme des cadres formels, des dispositifs flexibles et corvéables. La restructuration d’un véritable service public de l’ESR, avec la nécessaire abrogation de la LRU, est l’une des conditions d’une refonte de la FDE qui, outre l’organisation de la formation entre le disciplinaire et le professionnel, doit affronter d’autres questions importantes comme la place de la recherche, en éducation notamment. Soufflons sur les cendres… ●
Vincent Charbonnier