L’été continue d’être une saison propice pour certains politiciens
qui souhaitent susciter l’émotion et afficher une fermeté sans faille afin de « rassurer » nos concitoyens. Les Roms semblent être
les victimes idéales de cette politique, qu’elle soit affichée de gauche ou de droite. Du célèbre discours tenu à Grenoble, prononcé
par Nicolas Sarkozy, qui annonçait une vaste campagne
de démantèlement des « campements illicites » de Roms
à celui de fermeté tenu par le nouveau ministre de l’intérieur,
Manuel Valls, l’ennemi ou la victime, selon, reste le même.
Ces deux dernières années résument 20 ans de politique imbécile, absurde, inefficace aux effets dévastateurs. Chaque jour, des femmes, des hommes de tout âge, des enfants se font évacuer d’un territoire à un autre au gré de décisions politiques. Tous les indicateurs sont au rouge : protection de l’enfance, santé, respect des droits de l’Homme…
Faut il encore le rappeler, le marteler ? Les Roms sont des femmes, des hommes, des enfants avec des parcours différents, des histoires singulières. Ils ne constituent pas un groupe homogène : ils n’ont pas la même nationalité (80% des Roms présents sur le territoire français sont d’origine roumaine), n’ont pas le même profil migratoire, n’ont pas le même statut administratif(1), peuvent avoir des confessions religieuses différentes….
Seul le mode vie est commun à l’ensemble de ces populations. La migration de ces familles ne traduit en rien un mode de vie itinérant. S’ils se déplacent en France, c’est généralement sous la pression des expulsions. S’ils retournent périodiquement dans leur pays, c’est comme d’autres migrants pour faire vivre des liens d’appartenance (visites à la famille, fêtes…), pour se replier temporairement face au harcèlement policier en France, après une expulsion de leur lieu de vie ou encore en exécution d’une mesure d’éloignement du territoire.
Une volonté d’intégration
Précaires, vivant dans des bidonvilles par défaut, ils souhaitent pour la majorité s’intégrer en France pour fuir les discriminations subies dans leur pays ou échapper à la misère économique imposée par les politiques ultra libérales. Peut-on leur en vouloir ? Doit-on continuer à les empêcher de pouvoir accéder aux droits les plus basiques ?
Ce maintien dans la précarité les contraint de recourir à la mendicité ou au travail au noir comme beaucoup de sans papiers, pour assurer les besoins quotidiens de leur famille. Cette situation renforce l’image fabriquée par les pouvoirs publics du Rom a.social délinquant et « justifie » toutes les politiques du contrôle, de fichage, de harcèlement des personnes. Ces discours relèvent du fantasme et continuent de libérer les comportements xénophobes et racistes à l’égard des Roms et des Tsiganes. Ils permettent de dissimuler un enjeu de société majeur : comment en finir avec la pauvreté et les discriminations dans ce pays et en Europe ?
Les politiques mises en œuvre depuis plus de 20 ans, basées sur une gestion sécuritaire des étrangers, doivent cesser et laisser place à des vraies politiques publiques basées sur la reconnaissance des droits collectifs et individuels (circulation, éducation, santé …) et non sur des présupposés ethniques, faux, dangereux et liberticides.
La réunion interministérielle du 22 août et la circulaire publiée quelques jours après sur l’accès au travail ouvrent le champ d’une nouvelle politique à destination de citoyens, pour la plupart européens, retranchés dans nos interstices urbains. Il faudra veiller à ce qu’elle soit réellement appliquée.
De Matignon aux petites communes de France, tous les élus sont concernés. Mais les Roms et leurs soutiens sont impatients que s’exprime clairement une rupture avec le passé et qu’une politique nouvelle, d’inclusion des Roms au sein de l’Union européenne soit impulsée, dont nous n’ayons pas honte !
Alexandre Leclève (Romeurope)
1) Les roms de nationalité roumaine ou bulgare sont des citoyens européens,
les roms issus des Balkans ne sont pas des citoyens de pays membres de l’Union Européenne.
Le CNDH Romeurope a été créé en 2000 à l’initiative de Médecins du Monde et le réseau Romeurope dans six pays de l’Union européenne pour favoriser le respect des droits fondamentaux pour les Roms migrants en France et leur inscription dans le droit commun.
C’est à la fois :
– Un observatoire du respect des droits fondamentaux pour les Roms d’Europe de l’Est en France : qui publie notamment un rapport annuel, diffusé en France et en Europe, qui développe une veille juridique au niveau du droit national et communautaire.
– Une plateforme d’échange et de confrontation des expériences. Le CNDH Romeurope mobilise les compétences qui, au sein de son réseau ou en dehors, sont susceptibles d’apporter une aide en fonction de la situation.
– Une structure militante qui a vocation a interpeller les responsables politiques et institutionnels à l’échelle nationale et européenne.