Les 150 000 « emplois avenir » peuvent-ils être un outil efficient pour endiguer
le chômage des jeunes et notamment celui, reparti à la hausse, des moins qualifiés.
Les derniers chiffres disponibles estiment à 668 000 les jeunes de moins de 26 ans au chômage,
soit un taux de près de 23%. Arithmétiquement insuffisant donc, mais pas que…
Le dispositif gouvernemental vise l’embauche de jeunes de 16 à 25 ans « sans qualification, ou peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi » avec une priorité pour ceux résidant dans les zones urbaines sensibles (Zus), dont le taux de chômage atteint 42%. Les habitants de Zus sont déjà sur-représentés parmi les bénéficiaires de contrats aidés (11% du volume total pour 7% de la population) avec toutefois des missions différentes, moins présents dans l’éducation nationale mais beaucoup plus dans le nettoyage).
Ces contrats de droit privé dans le secteur non-marchand sont une adaptation des emplois aidés existants de type CUI (contrat unique d’insertion) et non une déclinaison « moderne », parfois mise en avant dans les médias, des emplois jeunes de 1997. Ils reprennent les caractéristiques du CUI avec un public visé en difficulté d’insertion professionnelle et une aide de l’Etat conditionnée à une formation, tout en portant leur durée maximum à 3 ans à la place de 2 pour le CUI « classique ».
Insertion professionnelle déficiente
Ce type d’emploi aidé a été l’objet de diverses études et d’un rapport assez cinglant de la Cour des comptes en octobre 2011. Cette dernière juge « difficilement conciliables » les deux objectifs poursuivis par la politique des emplois aidés : l’insertion professionnelle de personnes en grande difficulté sociale ainsi que la lutte contre le chômage de masse.
Selon une étude du ministère du travail, seuls 25% des emplois aidés ont bénéficié d’une formation « allant au delà de l’adaptation au poste de travail » pourtant définie de façon large et englobant l’aide à la construction du projet professionnel, la préparation à un concours, la remise à niveau, la formation bureautique, comme la formation pré-qualifiante ou qualifiante. Pour justifier cette carence, les employeurs interrogés estiment que le salarié n’en a pas besoin pour assurer ses fonctions… Dans l’éducation nationale, le taux chute à 12% ! L’engagement de contribuer à la réalisation du projet professionnel du bénéficiaire en échange d’une aide financière de l’Etat couvrant 70% du salaire n’est donc globalement pas respecté, au seul profit de l’employeur.
Cette quasi-absence de formation nuit bien évidemment à l’insertion professionnelle. Une autre étude du ministère du travail montre que, six mois après la fin de leur contrat, seulement 41% des emplois aidés du secteur non-marchand possédaient un emploi et 28% un contrat de plus de 6 mois. L’âge ainsi que le diplôme influent fortement. Les moins de 26 ans, les plus de 50 ans et les moins diplômés ont un taux d’emploi encore inférieur. La nature de l’employeur influe également, les emplois aidés de l’éducation nationale retrouvent ainsi moins facilement un emploi que ceux des associations et ceux des collectivités territoriales.
Arithmétique du chômage
et effets d’aubaine
La Cour des comptes pointe des effets d’aubaine pour les employeurs privés en estimant qu’« une partie des emplois aurait été pourvue même si le dispositif d’aide n’avait pas existé ». On peut légitimement extrapoler ces effets dans le secteur non-marchand et la Fonction publique, où des emplois aidés se substituent à des postes qu’il aurait fallu créer., Les auxiliaires de vie scolaire pour l’accompagnement des élèves handicapés n’en sont qu’un exemple.
La Cour aborde l’impact des emplois aidés sur les chiffres du chômage avec une mathématique indiscutable. Il est « nul si le nombre de contrats aidés est constant, l’effet n’étant positif que si les entrées l’emportent sur les sorties ». Donc 150 000 créations d’emplois aidés vont diminuer d’autant le chômage mais ne permettront pas aux 700 000 jeunes concernés d’accéder à ce dispositif.
Une petite partie de ces emplois, 18 000, serait réservée aux étudiants boursiers se destinant aux métiers de l’enseignement. Bien loin d’un quelconque pré-recrutement pourtant plus qu’indispensable aujourd’hui, ces embauches posent question sur les modalités de recrutement, la conciliation travail-études, la hauteur de la rémunération, la logique selon laquelle les étudiants les moins favorisés devraient travailler pour financer leurs études…
Ces nouvelles embauches d’emplois aidés risquent fort de servir une nouvelle fois de soupape conjoncturelle face au développement du chômage lié à la crise. Le gouvernement doit enrichir son projet en donnant de véritables garanties de formation et d’accès à un emploi stable pour ces jeunes.
Arnaud Malaisé