Le mot « émancipation » ne revient pas si souvent dans nos textes de congrès, comme s’il était réservé aux noms des courants de pensée et par ce fait, exclu de la réflexion collective.
Il est pourtant fondamental pour, nous, les syndicalistes se réclamant de la charte d’Amiens. L’ « émancipation intégrale » y est déclarée être le but central du syndicalisme, qui lutte « pour la disparition du salariat et du patronat ». Même si le SNES aujourd’hui ne se pose pas les questions de manière aussi radicale, il reste un syndicat de transformation sociale qui aspire à l’émancipation des travailleurs.
L’émancipation, c’est aussi (et dans son sens latin premier) libérer de la tutelle parentale. Pour nous professeurs, c’est ainsi aider à grandir, permettre petit à petit à nos élèves de devenir adultes. C’est un des buts de notre travail.
Le syndicalisme dans l’Education Nationale se retrouve donc à la croisée de plusieurs problématiques autour de cette idée d’émancipation :
- En tant que syndicat, le SNES travaille à l’émancipation de ses membres (et de leur collègues) dans leurs soucis quotidiens (organisation des apprentissages des élèves et organisation du travail entre adultes, commissions paritaires…)
- En tant qu’organisation de transformation sociale, le SNES réfléchit et s’engage sur les questions sociales et sociétales (droits, libertés…)
- En tant que syndicat d’éducateurs, le SNES s’intéresse forcément à la manière dont chacun peut ou non pratiquer son travail d’émancipation auprès des élèves.
Se libérer, penser et agir librement, c’est un apprentissage de la vie entière. C’est un état d’esprit qui se partage, se pratique, s’apprend, s’enseigne. Apprendre à un enfant à s’autoriser à penser librement, demande un travail pédagogique particulier, qui refuse d’entrer dans la pédagogie-propagande d’idées toutes faites qu’on nous demande sans arrêt de mettre en place. Cela nécessite pour l’éducateur d’être lui-même dans des processus d’émancipation, d’avoir un espace de réflexion auto-organisée, collective et individuelle sur sa pédagogie.
Le SNES doit donc avoir pour mandat de lutter, nationalement et localement, pour mettre en œuvre, non seulement une culture commune, mais la possibilité d’organiser des conditions de travail qui laissent aux élèves le champ libre pour penser et apprendre, dans la suite par exemple des pédagogies issues de l’Education Nouvelle. C’est un domaine que le SNES a trop longtemps laissé de côté. Il est nécessaire de renouer avec les courants et organisations qui y réfléchissent !
C’est aussi au SNES de développer des formations syndicales faisant le lien entre les pratiques syndicales et les pédagogies émancipatrices, entre les luttes pour le droit quotidien et le partage d’expériences pédagogiques.
Isabelle Darras et Raphael Giromini