Tout groupe a besoin de repères pour que ses membres puissent vivre ensemble. Dans une société, le repère suprême des citoyens est la loi qui organise et structure les rapports entre eux. Ainsi, dans une démocratie les lois doivent garantir les droits fondamentaux de chacun et l’intérêt général. Sont-elles pour autant incontestables ?
L’histoire de la démocratie française a largement démontré que les lois répondent à l’idéologie du pouvoir en place, à un choix de société. Les gouvernements successifs n’ont pas accordé la même place aux principes d’« égalité » et de « fraternité » qui font théoriquement partie des piliers de notre République. Aujourd’hui, le gouvernement Sarkozy pose le principe de « liberté » (économique) comme premier, le libéralisme s’impose aux principes de solidarité et renforce les inégalités. Alors quelles sont les limites de l’acceptable ? Peut-on / doit-on désobéir à une loi ? s’opposer à l’autorité, à la hiérarchie ? Pourquoi à chaque époque certains citoyens ont-ils fait le choix de la désobéissance civile ? Quelles en sont les formes actuelles ? Se poser ces questions, prendre position, c’est exercer son esprit critique, c’est participer à faire vivre la démocratie.**Obéissance, hiérarchie… des concepts culturels
Les lois contribuent à modeler la culture d’une société, en imprégnant au fil du temps les citoyens de « normes » dont il est difficile de s’émanciper même lorsqu’elles sont contradictoires avec leurs aspirations profondes. C’est le cas de la société française qui est ancrée dans une organisation hiérarchisée, dans laquelle patrons et supérieurs hiérarchiques commandent aux « exécutants » (les premiers réputés « prendre les risques », les autres moins « méritants », ce qui justifie les inégalités de revenus et de droits à prendre des décisions). Si l’Education ne se charge pas de former des individus critiques, capables de mobiliser les moyens de faire des choix pour être acteurs de leur vie… alors la démocratie reste un idéal difficile à mettre en œuvre. En particulier, le « chef », le « responsable » restent des repères, et le mot « désobéissance » a dans le sens commun une connotation péjorative. Dans l’inconscient collectif, l’obéissance est généralement considérée comme « juste », la désobéissance comme un comportement « déviant ». Pourtant, pour ne citer qu’un exemple très fort dans la mémoire collective, les « résistants » de la seconde guerre mondiale, considérés à l’époque comme traîtres à la Patrie, sont aujourd’hui consacrés aux rangs de justes et de héros. La désobéissance civile changerait-elle de définition en fonction du contexte politique ?**Désobéissance civile…
Le concept de désobéissance civile en tant que « refus de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique » a été formulé pour la première fois par HD Thoreau, enseignant et philosophe américain du 19ème siècle (Résistance au gouvernement civil, 1849). Sa philosophie de résistance non violente a influencé Tolstoï, Gandhi et Luther King.En France, l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen définit « la résistance à l’oppression » comme droit naturel et imprescriptible de l’homme. Ce n’est donc pas seulement un moyen d’action mais un but en soi, et la désobéissance est un mode d’action parmi d’autres. Elle s’appuie sur la transgression consciente et intentionnelle d’une règle, revendiquée comme un acte public pacifique, à vocation collective et visant la modification de la règle, s’appuyant sur des principes supérieurs lui donnant une certaine légitimité. Mais l’affirmation de ce droit reste théorique, il n’est pas juridiquement reconnu ; il est en principe illégal mais il existe de nombreux moyens de droit pour acquitter le prévenu ou modérer sa peine : état de nécessité, légitime défense, erreur de droit, circonstances atténuantes, interprétation restrictive de la règle…