École pour déconfiné-es : la pédagogie aux oubliettes

Les enseignant-es vont-ils et elles faire la garderie ? Mais à la garderie, on a encore le droit de jouer ensemble !


Le déconfinement à l’école s’annonce comme un fiasco…pour l’école : fiasco pour le vivre ensemble, fiasco pour la pédagogie, fiasco pour la santé… Le lieu de sociabilisation, le lieu de l’échange, de la construction, de l’expérimentation, des interactions, de la lecture, de la découverte, de la création et de l’émancipation, va devenir, selon le protocole sanitaire du ministère de l’Éducation, un lieu d’isolement et d’évitement.

Se croiser dans les couloirs, s’asseoir en classe, se rendre aux sanitaires… toutes ces actions habituellement anodines semblent devenir, pour le respect du protocole, l’objet central de l’école. Le temps et l’énergie que les uns et les autres vont y passer : le temps à attendre, faire la queue, calculer le bon geste barrière… l’école va perdre sa boussole.

Les enseignant-es ne s’y trompent pas : interrogé-es dans les médias ou s’y exprimant, ils et elles déplorent soit l’infaisabilité des mesures sanitaires préconisées, soit l’absence d’objectif pédagogique et d’éducation pour ces quelques semaines qui s’annoncent. Cette manière autoritaire de prendre une telle décision, au mépris de la sécurité sanitaire, c’est aussi pour les acteurs et actrices de l’école l’amer constat que l’on nie leur rôle de pédagogue et d’éducateur et éducatrice. Cette école si souvent critiquée pour ses aspects disciplinaires parfois autoritaires, inégalitaires, va, avec ces nouvelles règles de mai 2020, les renforcer comme jamais. La majorité du temps avec les élèves, va se passer à faire respecter la discipline et les consignes. « La consigne, c’est la consigne, Au revoir… »[[L’allumeur de réverbère dans Le Petit Prince de Saint-Exupéry]].

Adieu les classes en îlots, le travail en groupe, adieu le partage d’outils, on n’emprunte plus des livres, de revues, on ne s’entraide plus (« attends, là tu as fais une erreur, je corrige sur ta feuille ») : l’autre est exclusivement un porteur ou une porteuse potentiel-le de virus, contaminant-e éventuel-le. Aujourd’hui, le virus est la seule chose que l’on pense pouvoir « partager », et cette crainte nous isole y compris dans les endroits où le collectif est un objectif en soi. Paradoxe donc : pourquoi vouloir faire rentrer la moitié des enfants de France à l’école si c’est pour les détourner du vivre ensemble ?

Que deviendront, dans ce nouvel environnement de méfiance et d’évitement, les gestes pédagogiques et d’encouragement : lorsqu’on se baisse sur l’épaule d’un élève pour jeter un coup d’œil à son travail, pour le guider, le conseiller dans sa démarche… tout ce qui fait l’humain dans la relation pédagogique ? En restant lointain-es, au tableau ou derrière un ordinateur, pas sur l’estrade mais derrière un Plexiglas, ce nouvel hygiaphone, ce lien maintenu coûte que coûte pendant le confinement va se déliter.

L’absence d’objectif pédagogique à cette rentrée d’un 3e type fait craindre une énorme démobilisation des personnels et des élèves autour de l’enjeu de l’Éducation nationale. Les publics en difficulté ayant d’abord servis de prétexte pour promouvoir la ré-ouverture, ont été oubliés finalement pour l’organisation de cette échéance du mois de mai . Aujourd’hui, nous ne savons même pas parfois quels élèves vont retrouver les profs : au collège par exemple, aucune certitude de retrouver les élèves des classes habituelles. Que vont faire les enseignant-es avec elles et eux : des révisions ? De l’aide aux devoirs ? Des cours ? Ils et elles ne seront pas les mêmes que la semaine précédente et seront-ils et elles là la semaine d’après…?

Les méthodes managériales, l’objectif économique et financier priment une fois de plus sur l’humain.