Découvrant à quelques mois de la présidentielle la majestueuse grâce du corps enseignant là où son père ne voyait
que « crassouillards […] et fumeurs de shit aux savates éculées », Marine Le Pen prétend dissiper un malentendu depuis
trop longtemps installé et enterrer
« cette vieille guéguerre [aujourd’hui] derrière nous ».
Dans un discours à ranger au Panthéon des brosses à reluire(3), la candidate frontiste a renchéri sur ce qui semble s’apparenter à une volte-face. Cette nouvelle posture serait-elle le signe d’une rupture avec les fondamentaux de l’extrême droite en matière d’éducation ?
Nouvelle posture
et claire continuité
Pointant tout d’abord les causes du mal-être au sein de la profession, la présidente du FN avance ensuite des propositions pour « redresser l’école », propositions qui, nous le verrons ici, passent par sa réorganisation mais également – prochain épisode – par une intervention directe sur les apprentissages et valeurs qui devraient prédominer dans les salles de classe…
Partant d’un constat d’échec, Marine Le Pen souligne tout d’abord que « l’école de la République ne joue plus son rôle d’ascenseur social ». S’emparant des thèses exprimées par Bourdieu et Passeron en 1970(4), le parti d’extrême droite attribue pèle-mêle les causes de cette situation à ces élites « imbibées de l’esprit de 68 » qui du jack-langisme au sarkozysme (!) s’évertuent à la détruire, notamment en en faisant un « lieu de vie ». Complices de ce plan machiavélique, les « pédagogistes » emmenés par Philippe Meirieu, et qui sévissent entre autres au sein des IUFM, semblent avoir détrônés dans l’abject l’ancienne INRP.
Si, contrairement à son père, Marine Le Pen épargne l’école maternelle, ménageant ainsi l’électorat féminin, elle se déclare déterminée à réformer le primaire en profondeur et plaide… pour la création « d’un nouveau type d’établissement public, doté de la personnalité juridique et d’une autonomie administrative et financière » et « managé » par un directeur d’école au statut renforcé. Invoquant le libre choix, le programme prône ensuite la fin de la carte scolaire(5) et, conséquence logique, l’instauration d’un chèque scolaire qui « prendra en charge les salaires des personnels hors enseignants […] des 10 000 établissements de l’enseignement privé sous contrat ». Plus prolixe, le programme de 1993 dans lequel figurait déjà cette tartufferie précisait bien évidemment que « chaque établissement […] déterminera les conditions d’admission des élèves […] et de recrutement des professeurs dans la limite des crédits(6) », ce qui conduira toutes et tous à une saine émulation… au nom de l’égalité ! En somme, c’est cher mais au moins c’est nul !
Réorganiser pour tout casser
Poursuivant sur sa lancée, la candidate frontiste entend, à l’instar d’une extrême droite qui pendant un demi siècle a torpillé l’école unique, enterrer définitivement le collège unique, « démonstration de tout le mépris de nos élites pour les métiers manuels » et donc revaloriser les cursus techniques, alternative pour ces « enfants qui végètent dans des filières qui ne sont pas faites pour eux ». En outre, via un nouvel allègement des cotisations patronales, le salaire des apprenti-es serait revalorisé.
Côté enseignant-es enfin, sans doute « parce que les talents sont là », « une place plus grande sera faite au mérite » et les IUFM, « ces centres de déstructuration et d’endoctrinement » seront supprimés au profit d’obscurs Centres pédagogiques régionaux. Pour contrôler tout ce petit monde, le nombre d’inspecteur sera multiplié… par 5 !
Tout en caressant abondamment les enseignant-e- dans le sens du poil, le FN entend bien en la « réorganisant », accentuer la casse de l’école publique, tous niveaux confondus. Ce programme réactionnaire se manifeste également dans les valeurs et les apprentissages dont le parti d’extrême droite aimerait bourrer la tête des potaches.
A suivre… ●
Clara Wood
Et toujours, pour approfondir :
– L’extrême droite, l’école et la République, Jean-Michel Barreau, 2003 Éditions Syllepse.
– Les dossiers du CRIDA,
L’extrême droite à l’école, n°2 novembre 1997.
1) In Défendre les Français,
programme du Front national, 1973.
2) In « École et extrême droite: le scolaire de la peur », L’École émancipée N°31, septembre 2011.
3) Lors d’un colloque cherchant « Comment redresser l’école de la République » organisé à Paris le 29 septembre 2011 par le Club Idées Nation de Louis Alliot, n°2 du FN.
4) In La reproduction. Éléments pour une théorie
du système d’enseignement, Bourdieu et Passeron, 1970, Ed de Minuit.
5) Le premier programme du FN de 1973
le revendiquait déjà…
6) 300 mesures pour la renaissance de la France, programme du Front national, 1993, Ed. Nationales.