Création d’un nouvel outil syndical, volonté de réunifier le syndicalisme de transformation sociale, fusion-absorption… Le processus de travail engagé actuellement entre la CGT et la FSU nourrit des discussions syndicales et quelques articles dans la presse. Quel est précisément ce travail dont le rythme apparaît soutenu après des années d’inertie et dont un des partenaires « naturels », Solidaires, est absent ?
La question d’un nouvel outil syndical prend sa source au congrès FSU de Metz qui avait suscité un fort espoir en février 2022. Les formulations du texte adopté se situent dans la continuité de la réflexion fédérale engagée depuis plus de 20 ans tout en l’affinant et la précisant avec la volonté de « réunir le syndicalisme de transformation sociale en débattant pour cela avec CGT et Solidaires des étapes allant dans le sens de la construction d’un nouvel outil syndical, sans exclusive des forces qui seraient intéressées ». Le congrès y a également contribué avec les interventions des représentant·es au plus haut niveau de la CGT et de Solidaires qui résonnaient avec la proposition de la FSU et montraient une réelle convergence entre les trois organisations syndicales (OS).
Le mouvement social contre la réforme des retraites du printemps dernier a, malgré la défaite sociale, débouché sur une victoire morale du syndicalisme avec le retour d’une intersyndicale fonctionnant et mobilisant ensemble. Il a également souvent permis aux sections locales de ces trois OS d’approfondir leur travail en commun pour organiser concrètement les initiatives de mobilisations unitaires de l’intersyndicale, comme d’autres initiatives, complémentaires et plutôt propres aux organisations, par exemple les opérations de blocage de l’économie et les meetings avec les partis de gauche.
Une absence de taille
Deux éléments viennent contredire en partie cette dynamique. Le congrès de la CGT de mars dernier a marqué un recul par rapport aux textes préparatoires, qui citaient explicitement FSU et Solidaires dans la perspective d’une unification syndicale. Les textes adoptés mentionnent simplement la nécessité d’un « travail commun et démocratique avec les organisations syndicales qui souhaitent en finir avec l’éparpillement syndical ».
De son côté, avant son congrès au printemps, Solidaires rencontre de réels freins internes pour mettre en œuvre son mandat de lever le tabou de « se fédérer, discuter de la possibilité de la recomposition intersyndicale à la base, dans les territoires et les secteurs ». Freins qui s’expliquent en partie par une situation de concurrence syndicale avec la CGT bien plus frontale et large que pour la FSU, contribuant ainsi à tendre les relations entre les deux OS dans plusieurs secteurs professionnels, privés comme publics. La concurrence entre FSU et CGT pèse moins, n’étant forte principalement que dans les collectivités territoriales.
Après une double rencontre avec la CGT puis Solidaires, à la demande de la FSU en 2023, cela a conduit à une proposition de la CGT d’un travail commun avec la seule FSU. L’absence actuelle de Solidaires de ce processus est regrettable : sa participation permettrait logiquement de le faciliter, en l’équilibrant avec deux, et non plus une seule, organisations « moyennes » et une « grosse ». Elle permettrait également de dynamiser ce processus en ouvrant à d’autres forces militantes.
Il est souhaitable que les débats dans Solidaires fassent évoluer sa position et permettent ainsi, avec l’appui de la FSU, son arrivée dans cet attelage, qui peut entraîner plus largement.
Élaborer un projet syndical commun
Néanmoins, malgré cette absence, c’est la première fois que le mandat de la FSU trouve un réel écho avec une autre organisation, et dépasse dans sa concrétisation la seule construction d’initiatives ponctuelles communes, à travers par exemple des stages syndicaux nationaux comme en 2009. Cela engage un travail avec la perspective de refonder en partie la structuration syndicale actuelle tout en interrogeant les pratiques. Une perspective avec quelques nuances sur ce dernier objectif, la CGT évoquant une « unification » syndicale aux contours moins définis que le « nouvel outil syndical » de la FSU. Cette nuance a son importance, personne ne concevant que la FSU soit absorbée ou fusionnée dans une CGT qui a besoin, comme l’ensemble du syndicalisme, d’interroger ses pratiques pour espérer se renforcer. Cela devra être clarifié au fil des échanges pour construire une dynamique positive, ouverte au salariat, et non un jeu de mécano institutionnel.
Tout cela nécessite également d’élaborer de concert un projet syndical global commun même si différentes questions pourront se révéler parfois « épineuses ».
Par exemple, la structuration organisationnelle avec les deux entrées classiques possibles, syndicats de métier ou d’industrie. La première étant davantage l’apanage de la FSU avec notamment ses syndicats enseignants et la seconde étant historiquement celle de la CGT : elles ont toutes les deux avantages et inconvénients… À ce choix s’ajoute la réflexion à mener sur la façon d’organiser concrètement, pour peser sur les rapports de force, les pans entiers du salariat actuellement vierges, ou quasi, de toute activité syndicale quotidienne.
Autre exemple, les revendications portées. Bien que très majoritairement partagées par l’ensemble du syndicalisme de transformation sociale, certaines d’entre elles divergent car elles entrent en tension avec d’autres considérations, notamment liées à l’emploi. Plus globalement, le rapport au productivisme qu’entretient la gauche syndicale doit être interrogé tant les méfaits des crises environnementales sont devant nous.
Dernier exemple, la question de la démocratie interne sera un enjeu décisif. Les pratiques actuelles sont très différentes. La CGT prend ses décisions à la majorité simple, ne reconnaît pas un quelconque fonctionnement en tendances et ses congrès récents ont montré des limites dans l’organisation des débats. De son côté, la FSU fonctionne avec une majorité qualifiée de 70 % qui oblige à la pratique de la synthèse et ses tendances sont institutionnalisées, puisqu’elles sont un des éléments du trépied fédéral avec les syndicats nationaux et les sections départementales. Même si cela induit parfois quelques effets indésirables dans les débats, les tendances contribuent, pour les deux principales, largement à la recherche de synthèse.
Irriguer tout le salariat
Pour ces différentes parties du projet syndical à élaborer, il s’agira de favoriser un débat exigeant et ambitieux permettant de surmonter ce qui pourrait apparaître comme antagoniste actuellement. Un débat qui ne peut se limiter à des rencontres au sommet entre quelques représentant·es de chacune de nos organisations, mais qui doit irriguer nos équipes syndicales. Cet objectif est aujourd’hui partagé, il reste à trouver les pistes concrètes pour associer très largement les syndiqué·es.
La proposition d’états généraux du syndicalisme de transformation sociale portée par la FSU, déclinés à l’échelon local, et au niveau interprofessionnel pour dépasser les éventuelles concurrences syndicales et animosités en découlant : cela pourrait être par exemple le vecteur d’une campagne locale et nationale au long cours avec des débats et d’autres initiatives rassemblant de nombreux syndiqué·es et salarié·es intéressé·es par cette dynamique. L’échelon local jouera un rôle prépondérant car il est le lieu essentiel de rencontre des équipes militantes sur le terrain interpro et dans tous les contextes unitaires où CGT et FSU sont motrices ensemble. En effet, cette démarche ne peut relever des seules directions nationales, elle doit se nourrir des dynamiques de terrain et en susciter de nouvelles. Il convient donc de poursuivre les travaux communs engagés localement et de les enclencher là où cela existe peu ou pas.
Les prochaines élections dans la fonction publique pourront être également l’occasion de bâtir des listes et des projets communs de défense des personnels et des services publics. Cela pourrait permettre également, si Solidaires n’a pas rejoint d’ici là ce travail en commun, de l’intégrer dans cette perspective.
L’enjeu pour le syndicalisme de transformation sociale est de montrer sa capacité à se rassembler pour de très bonnes raisons, être capable d’organiser et donc de mobiliser davantage de salarié·es afin d’accroître le rapport de force en leur faveur. Mais aussi en réaction à des événements extérieurs, pour faciliter sa capacité à faire front face à la possible accession de l’extrême droite au pouvoir.
Cette perspective de rassemblement produirait certainement par elle-même une forte dynamique, à amplifier tout au long du processus, propre à créer un effet boule de neige entraînant des équipes syndicales combatives issues d’autres organisations syndicales comme des salarié·es. Une dynamique à insuffler dès maintenant et à tous les niveaux. ■
■ Par Les élu·es École émancipée au BDFN
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