Les politiques néolibérales
opèrent de façon méthodique
pour tout détruire, tout ravager : acquis sociaux, code du trvail, protection sociale…
Et l’éducation est bien sûr
en ligne de mire, Chatel préconise que « l’on passe de l’école
de la réussite pour tous à l’école
de la réussite de chacun ».
Tout un programme !
Le service public d’éducation est laminé : RGPP oblige, on supprime encore et toujours des postes (de nouveau 16 000 en 2011), sans pouvoir invoquer une baisse démographique qui aujourd’hui n’est plus réelle… La politique du gouvernement s’attaque aussi aux « cadres » nationaux : au profit d’une autonomie douteuse (qui décide, à quel échelon ? La région, le rectorat, les équipes éducatives ou le seul chef d’établissement ?), au nom d’une expérimentation débridée (notamment à travers le dispositif E-CLAIR(1)), le cadrage national tend à disparaître à tous les niveaux (reste-t-il encore des horaires nationaux, des programmes, et bientôt, restera-t-il des diplômes nationaux ?). Les « cadres », les « communs » disparaissent et laissent la place à la « personnalisation », maître mot de la circulaire de rentrée… Au niveau des personnels, la nouvelle évaluation laisse une grande place au mérite, et donc à l’arbitraire ; le recrutement local dans les établissements E-CLAIR s’affranchit des règles nationales (le barème, le paritarisme) et les fiches de postes consacrent la « mise au pas » des personnels, que visent ces différentes mesures… Personnalisation aussi au niveau des élèves (aide, accompagnement, projets « personnalisés » à tous les étages… mais aussi et surtout, diversification des parcours scolaires) et des « destins » scolaires (pré-apprentissage, alternance en entreprise dès la 4ème, dispositif d’initiation aux métiers en alternance DIMA, 3ème prépa-professionnelle)… Le collège se transforme en une gigantesque gare de triage, et les enseignants en opérateurs de tri social.
Un nouveau métier ? Ou la négation de la professionnalité ?
Sous prétexte de « modernisation », le ministère entend faire évoluer les métiers : il brouille toutes les pistes, mélange les missions des uns et des autres, nie la spécificité des métiers. Ainsi, un préfet des études en E-CLAIR est-il à la fois enseignant, CPE, personnel de direction… chargé de pédagogie et d’administration, de surveillance des élèves et de « management » des enseignants… A tous les niveaux, les personnels se doivent d’être polyvalents, la professionnalité est niée (voir les dégâts causés par la masterisation et la disparition de la formation) ; le recours à l’emploi précaire est décomplexé, et même médiatisé à travers l’opération de recrutement par le biais de Pôle emploi.
Et ce n’est qu’un début : à travers les « écoles du socle » les personnels deviendront interchangeables de la maternelle à la fin du collège, la flexibilité étant un des « gisements d’efficience » repéré par Chatel pour supprimer encore et toujours des postes. Quant à la réforme annoncée des rythmes scolaires, au-delà de la réduction des congés d’été, elle vise à allonger le temps de service, à l’annualiser et à inclure dans les missions des enseignants des tâches nouvelles.
Une rentrée ? Quelle rentrée ?
Les attaques répétées contre l’école publique suscitent réactions et résistances en cascade. Tout au long de l’année, les personnels se sont mobilisés : refus des DHG dans le second degré, refus des suppressions de postes et de classes et même refus des distinctions honorifiques (150 personnes refusent les palmes académiques !). Les maires de la majorité eux-mêmes s’élèvent contre les fermetures de classes primaires, à tel point que Chatel est contraint d’annoncer « un traitement différencié du primaire afin de fermer le moins de classes possible ». Du 1er au 2nd degré, Chatel l’illusionniste…
La résistance s’opère aussi sur le fond des politiques éducatives : les personnels s’opposent au LPC (livret personnel de compétences), dénoncent les E-CLAIR, se mobilisent contre la destruction de la formation des enseignants. Des actions locales se multiplient et l’énergie que déploient les équipes ne doit pas rester sans perspectives. Cette année, cette situation dégradée n’a suscité qu’une grève (une seule !) le 10 février, restée sans lendemains, si ce n’est le fiasco que l’on sait des manifestations du 19 mars…
La rentrée prochaine franchit un degré supplémentaire dans l’anéantissement programmé du service public d’éducation. Jusqu’où iront-ils ? Jusqu’au bout, si on les laisse faire. Cette rentrée ne doit pas avoir lieu normalement. L’action nationale de grève décidée par les fédérations de l’éducation, quoique tardive, est nécessaire pour enclencher la mobilisation, un plan d’action est indispensable pour construire le rapport de forces et empêcher la mise en place de cette école que nous refusons. ●
Véronique Ponvert
1) Voir la revue n°29, de mai-juin 2011.