Retour sur plus d’un mois de mobilisation au cœur de la deuxième économie mondiale.
Ce territoire avait été cédé à la Grande-Bretagne par la Chine à l’issue des guerres de l’opium (1842).
Durant les 150 ans de colonisation, le Gouverneur de Hong Kong, chef de l’exécutif, était nommé par la couronne britannique. La population n’a pu participer (partiellement) aux élections législatives qu’à partir de 1991.
Le 1er juillet 1997, Hong Kong devient la première Région administrative spéciale (RAS) chinoise. Elle est régie par la « loi fondamentale » qui obéit au principe « un pays, deux systèmes » : Hong Kong conserve son système politique propre qui lui garantit une certaine autonomie jusqu’en 2047.
La moitié des membres du conseil législatif (LEGCO) est élue au suffrage universel direct par la population alors que l’autre moitié se compose d’élus de 28 catégories socioprofessionnelles, souvent pro-Pékin.
Le Chef de l’exécutif, est, quant à lui, élu pour cinq ans par un comité de 1 200 grands électeurs dominé par « l’élite » pro-Pékin.
Le 31 août, la Chine populaire a proposé l’instauration du suffrage universel pour cette élection, comme promis en 2007, mais limité à deux ou trois candidats choisis par ce comité.
C’est cette mesure qui a mis les étudiants dans la rue le 27 septembre, exigeant que cette élection soit réellement pluraliste. Cette réaction fait suite à d’autres événements qui révèlent un éloignement progressif de la jeune génération, scolarisée après 1997, d’avec la « mère-patrie ».
Dès 2003, le projet de loi anti-subversion avait provoqué des manifestations massives, avec 500 000 personnes dans les rues, aboutissant au rejet du projet.
La Chine populaire, sentant émerger chez une partie des Hongkongais la vision d’un destin qui ne se confondrait pas forcément avec celui du « continent », a cherché à imposer des cours de « patriotisme » en 2012.
La réaction ne se fait pas attendre : 100 000 personnes, surtout des jeunes, défilent dans les rues et cela se traduit, là aussi, par le retrait du projet. C’est lors de ce mouvement qu’est créé le groupe « Scholarism » mené par Joshua Wong qui n’a alors que 16 ans.
Ce groupe ainsi que la Fédération des étudiants, puis plus tard le groupe Occupy Central for Peace and Love (fondé en mars 2013 par deux professeurs d’université et un pasteur), ont joué un rôle important dans l’organisation du « mouvement des parapluies ».
Ce mouvement, démarré fin septembre, demande un véritable suffrage universel sans interférence de Pékin et la démission du chef actuel, CY Leung.
Le parapluie est un accessoire indispensable à HK, servant autant à se protéger du soleil que de la pluie, puis, depuis le 28 septembre, des gaz lacrymogènes et au poivre.
L’utilisation de ces gaz par la police a suscité un large émoi au sein de la population, y compris celle qui était jusque-là indifférente voire contre le mouvement. Les policiers ont dû faire preuve de plus de retenue, sous peine de voir le mouvement prendre encore de l’ampleur.
Plus tard, vers le 15 octobre, la police a également été prise en flagrant délit d’acharnement sur un manifestant roué de coups, qui était en fait un jeune député.
La scène, peu commune, a été filmée par une chaîne de TV locale et a immédiatement entraîné la suspension des policiers concernés. Ces excès sont d’autant plus mal perçus que les étudiants se sont montrés durant toutes ces semaines particulièrement soucieux d’éviter toute violence, affichant partout des appels au calme.
C’est très impressionnant de voir leur civisme, leur volonté de contrôler la situation, de maintenir la propreté des lieux, pratiquant même le tri sélectif, d’éviter toute dégradation et toute violence. Ils entrent dans leur 5e semaine d’occupation de grandes artères de circulation, gênant l’activité de ce grand centre financier qu’est HK.
Certains lieux d’occupation ont été dégagés par la police, redonnant un peu de fluidité à la circulation automobile, mais le quartier d’Admiralty abritant les activités du gouvernement et du Legco reste occupé par des tentes multicolores posées sur la chaussée.
Pékin reste très prudent, ne souhaitant sans doute pas gâcher sa vitrine protodémocratique qui sert de laboratoire dans son souci de séduire Taïwan avec des appâts qui ne soient pas qu’ économiques.
Mais il lui faut aussi veiller à éviter toute “contagion” à ses régions à l’équilibre précaire.
Des discussions avec le gouvernement n’ont eu lieu que trois semaines après le début du mouvement, sans résultat.
La question se pose au mouvement, qui entame sa 5e semaine d’action, de sa continuation. Quelle que soit l’issue de cette occupation des rues, il restera de grands acquis : toute une génération de jeunes se forme ici à l’action collective pour la démocratie. ●
J.B. (29 octobre)