Débat action : faire le lien entre lois Séparatisme et Sécurité globale – Intervention de Grégory Bekhtari
Pour ce qui est de répondre à la peur des collègues née des attentats terroristes, pour les rassurer face au djihadisme et au fondamentalisme religieux, je ne crois pas que cela passe de façon efficace et juste par le fait de mitiger notre opposition à une loi parce qu’on pense que nos collègues l’investissent comme une forme de réponse à leur besoin de protection. Il me semble que notre travail de syndicaliste revient davantage à armer intellectuellement nos collègues, à leur rendre intelligible ces phénomènes que sont le terrorisme et le fondamentalisme ainsi que leurs mécanismes concrets, parce que comprendre permet de sortir de la peur, de sortir de l’impuissance et de regagner du pouvoir par rapport à ce qu’on a subi. La FSU pourrait ainsi contribuer utilement à relayer et faire circuler largement les travaux des sciences sociales sur ces sujets, comme ceux de Fabien Truong et d’Olivier Roy par exemple.
Nous regrettons l’évolution du texte action entre ce matin et cette après-midi sur ce point précis : le lien étroit entre loi de sécurité globale et loi séparatisme. Refuser de faire ce lien, refuser également de dénoncer l’esprit général de la loi séparatisme (parce qu’on apprécierait positivement une poignée d’articles dans une loi qui en fait pour l’instant 57), c’est sous-estimer le contexte politique menaçant, sous-estimer la dangerosité des objectifs politiques du gouvernement et de la loi séparatisme elle-même, et inverser l’ordre des priorités dans la façon dont on la caractérise.
Ce problème de caractérisation a des conséquences concrètes dans nos propositions. Parce qu’on ne voit qu’en partie les effets liberticides et racistes (un mot qui n’apparaît pas dans le texte à ce sujet), on s’abstient de dénoncer la dissolution du CCIF qui lutte depuis des années contre les discriminations qui touchent les musulman-es. Une association qui fait partie des consultants du Défenseur des Droits depuis des années. Et qui face aux calomnies et aux anathèmes sur son prétendu islamisme ou sa prétendue collusion avec le terrorisme, est défendue par Amnesty International, Attac, La Quadrature du Net, des avocat-es et des universitaires, bref des gens qui la connaissent, eux, de près, pour travailler régulièrement avec. Je ne sais pas si ces organisations qui tiennent à ma connaissance autant à leur respectabilité et à leur crédibilité que la FSU sont des idiots utiles de l’islamisme, mais si tel était le cas, il faudrait au moins que des camarades qui partagent cet avis le démontrent par des arguments informés et rigoureux, ce qui n’a pas été fait pour l’instant. J’ai donc un problème avec la façon dont on construit une synthèse sur ce sujet, je vois comme un dysfonctionnement dans la façon de débattre parce qu’il n’a pas été possible de réellement confronter les points de vue. Je le regrette et j’espère qu’on avancera positivement à l’avenir, parce que d’autres organisations, elles, avancent dans leur compréhension à ce sujet. En effet, vendredi, il y aura une conférence de presse pour exprimer une opposition à la loi séparatisme : aux côtés du CCIF, on trouvera entre autres Attac, Solidaires mais aussi la CGT. La FSU a selon moi toute sa place dans ce type de conférence de presse.