Marie Haye (Secrétaire Nationale, Nantes)
Avec le même opportunisme que lors de la crise sanitaire, le président des ultra-riches et son gouvernement profitent de la double crise sociale et climatique pour dérouler les réformes de leur agenda libéral en les présentant avec un certain cynisme comme des réponses.
Le texte action l’explique très bien en évoquant le rachat des RTT de la loi pouvoir d’achat. Ce que le texte pourrait dire plus clairement, c’est la manière dont Macron, dramatisant les projections du COR, vient d’annoncer son intention de faire passer sa réforme des retraites. Nous devons nous y opposer, mais en montrant en quoi le retour à une retraite à 60 ans serait parfaitement soutenable, et juste.
Dans notre secteur touché par des difficultés de recrutement, le gouvernement a promis « un enseignant devant chaque classe » et s’est lancé dans une course contre la montre. Mais le pouvoir a pêché par excès d’orgueil et en cette rentrée, c’est bien le SNES-FSU qui a gagné la bataille des chiffres et de l’opinion. Cependant, nous sommes loin d’avoir gagné la guerre : parler de « pénurie » d’enseignant·es, que les réformes du précédent quinquennat ont largement contribué à aggraver, permet de légitimer les réponses politiques d’urgence fondées sur la flexibilité accrue du système, au détriment de solutions plus pérennes mais aussi plus coûteuses.
C’est le sens des annonces de rentrée d’un Ndiaye sous la tutelle de Macron : « nouveau pacte », « grands débats », « débats locaux » dans les lycées professionnels, dispositif « Avenir » en collège… ripolinées à grand coup de démocratie participative, ces soit-disant « solutions » aux problèmes de l’école sont des attaques libérales supplémentaires qui passent toutes par la contractualisation des personnels et des établissements.
A cette école en forme de startup nation, opposons des revendications et des mots d’ordre forts, qui fédèrent en même temps qu’ils distinguent le SNES : continuons à revendiquer des augmentations de salaire pour toutes et tous, sans contrepartie. Revendiquons le retour à un mouvement en une seule phase, sous contrôle paritaire et expliquons pourquoi, comme le suggère le secteur emploi.
Appelons aussi, à l’instar de la FSU-SNUIPP, et comme nous le faisons dans le texte au sujet des « grands débats », à refuser les évaluations d’établissements et revendiquons leur arrêt immédiat. Elles participent des techniques manageriales visant l’investissement des acteur·rices pour mieux les assujettir aux besoins de l’employeur (en l’occurrence, la baisse des moyens). Une des premières difficultés syndicales se situent là : elles peuvent créer l’illusion d’une liberté plus grande. À cela s’ajoute le fait que le déploiement de ces évaluations se fait sur 5 ans, n’impliquant que 20 % des collègues chaque année. L’information des collègues, la popularisation de mots d’ordre d’actions, leur coordination et leur visibilisation, si possible à l’échelle fédérale, sont évidemment des tâches prioritaires, en considérant que les prises de conscience peuvent se faire à des rythmes différents.
De façon plus générale, avançons le projet éducatif du SNES-FSU en centrant nos campagnes sur la démocratisation scolaire, comme le propose à juste titre Orléans-Tours. Oui, il faut dénoncer l’orientation précoce. Oui, comme le dit Rennes, il faut caractériser plus clairement la politique éducative de la macronie pour ce qu’elle est : une politique libérale de casse de l’école publique.
Ce CN doit inscrire le SNES-FSU dans la combativité à trois mois des élections professionnelles. Les difficultés du mouvement social, la montée de l’extrême droite, les menaces sur les droits, la situation internationale, l’urgence écologique, l’accélération de l’agenda libéral… sont autant d’impératifs dont notre syndicalisme doit s’emparer.
A ce titre, parmi les nombreuses perspectives d’action tracées dans le texte, il ne faut pas oublier la Marche pour la Paix du 21 septembre, dans le contexte de guerre en Ukraine. Mobilisons pour le droit à l’avortement le 28 septembre et contre les violences faites aux femmes le 25 novembre, mais inscrivons ces dates dans un plan permettant la construction de la grève féministe du 8 mars, sur laquelle il faut se projeter dès maintenant.
Quant au 29 septembre, cette date n’est pas encore dans les têtes et le matériel spécifique pour les établissements que le texte prévoit sera le bienvenu. Ce matériel doit présenter la grève du 29 comme une étape incontournable pour imposer d’autres choix à Macron et son gouvernement. Pour cela, il faut insister sur le contexte, faire le lien entre le combat pour la justice sociale et le climat, en expliquant comment le libéralisme détruit tous les biens communs, dont le service public d’éducation, au bénéfice de quelques-un·es.
Préparons dès maintenant les suites, et le rebond que le texte évoque pourrait se situer autour du vote du budget de l’Education : la question d’une journée de grève dans notre secteur se pose, comme l’a souligné Créteil. Il faut d’ores et déjà articuler notre plan d’action sectoriel avec celui à venir sur les retraites. Favorisons les synergies avec toutes les forces de notre camp social : cela passe notamment par laisser la porte ouverte à la marche du 16 octobre, malgré les difficultés, et par renforcer le cadre de travail unitaire qui s’est constitué autour de cette démarche, en l’articuler avec Plus Jamais ça.