Le volet programmation de la loi Peillon prévoit la création de 27 000 postes de stagiaires et 14 000 postes dans le premier degré.
Moins de 17 000 stagiaires seront sur le terrain à la rentrée 2014 (près de 800 postes n’ont pas été pourvus au concours 2014 exceptionnel), pour moitié sur poste entier, pour moitié à mi-temps.
À la rentrée 2013, 3 344 postes avaient été créés, à la rentrée 2014, 2 355 seront créés…
De 2008 à 2012, 28 462 élèves supplémentaires avaient été comptabilisés dans le premier degré. À la rentrée 2013, ce sont 42 276 élèves de plus et à la rentrée 2014, 38 227 élèves de plus qui sont attendus.
Ces chiffres expliquent qu’entre 2008 et 2012, le nombre moyen d’élèves par classe est passé de 23,44 à 23,67 et qu’il a continué de grimper – à 23,71 – à la rentrée 2013 !
Les économies budgétaires annoncées par le gouvernement remettent en cause les créations de postes annoncées pour l’éducation, mais même sans tenir compte de ce repli, la hausse démographique consommera la plus grande partie de ces créations.
L’éducation prioritaire est à ce titre symptomatique : le ministre a annoncé « des mesures d’une ampleur inédite » pour sa nouvelle réforme. Mais pas un mot sur les effectifs…
C’est pourtant le levier principal sur lequel jouer pour réduire la fracture entre l’éducation prioritaire et les zones plus favorisées.
Le cadre budgétaire contraint montre aussi ses limites : au lieu de définir d’abord les critères, le ministre a défini un nombre de réseaux d’éducation prioritaires (REP et REP +), les critères, sous la forme d’un « indice unique », viendront après. On voit déjà le flou, voire l’arbitraire qui a présidé à la désignation des quelque 102 REP + qui seront mis en place à la rentrée 2014.
Scolarisation des moins de trois ans, pour atteindre 30 % seulement en 2017, ce qui sera encore inférieur au taux national d’avant 2005 !
Implantation de maîtres supplémentaires dans les écoles des futurs REP soit 7 000 écoles ! De la formation continue… à hauteur de trois jours annuels !
Mais les mesures les plus emblématiques seront réservées aux quelque 350 REP +. Le doublement de l’indemnité ZEP et surtout les fameux allégements de service devant élèves : 9 jours annuels dans le primaire.
Certaines autres mesures sont dans la continuité de la politique Éclair : pilotage renforcé par la hiérarchie, recrutement sur profil pour les directions d’école et surtout création d’un grade à accès fonctionnel (GRAF) qui s’inscrit dans une individualisation et une vision « méritante » de la carrière, et représente une entorse supplémentaire au statut sur fond de gel salarial.
Autre point à souligner : la formation continue et son pendant, M@gistère.
Là aussi, les contraintes budgétaires pèsent : pas de créations de postes de remplaçants, donc pas de possibilité de relancer la formation continue sur le temps de travail.
Les trois jours supplémentaires d’animation/formation se feront donc à distance… avec évaluation permanente, comparaison, flicage…
En tout état de cause, il s’agit maintenant de mettre en musique le mandat du SNUipp-FSU : la formation continue « ne peut être remplacée par de la formation à distance qui ne peut se faire que sur la base du volontariat des personnels. »
Sur le fond, le projet syndical d’une « école progressiste » ne peut que marquer le pas devant l’évident manque de moyens. Le plus inquiétant, ce sont les orientations qui transparaissent de plus en plus.
Si le SNUipp-FSU a pu écrire : « la loi [Peillon] n’est ni une refondation, ni une rupture nette avec les politiques précédentes… », deux rapports, celui de Terra Nova sur l’école commune et celui des IG sur la grande difficulté scolaire, même si ce ne sont que des rapports, montrent que les forces réactionnaires sont à l’offensive.
Le « tous capables » que nous défendons n’est pas qu’un slogan, même si le Think Tank du PS et les IG n’y croient pas.
Dans ce contexte, la mise en place du maître supplémentaire à la sauce Peillon reste un affichage résumé pour l’essentiel aux seuls REP.
De même, la mise en place du conseil école/collège, instance imposée, ne sera, au mieux, qu’une coquille vide obligeant à des réunions supplémentaires non défrayées.
Enfin, sur le sujet toujours sensible des rythmes scolaires, il faut encore et toujours creuser le sillon de la suspension pour une réécriture complète des textes encadrant cette réforme.
Si des actions de masses ne semblent pas envisageables aujourd’hui, la rentrée risque d’être chaude… À quelques mois des élections professionnelles, les collègues ne comprendraient pas que leur syndicat abandonne ce combat. ●
Nathalie Blanqui