L’Europe est en période de fortes turbulences. Le chômage et la pauvreté explosent.
Les conditions de travail et de vie de millions de salariés se dégradent. Plus d’austérité entraîne plus de crise et plus de crise sert de prétexte à plus d’austérité.
Dans les pays où la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI) permet à la Commission européenne d’intervenir sans contrepoids politique, le désastre social est indéniable.
Les taux de chômage atteignent jusqu’à 27 % de la population active en Grèce, en Espagne et pour les moins de 25 ans, jusqu’à 64 % en Grèce, 57 % en Espagne, 42 % au Portugal et 38 % en Italie. Les droits sociaux fondamentaux des salariés sont subordonnés aux libertés du marché intérieur.
C’est aussi une véritable crise démocratique que connaît l’Europe : au cours des cinq dernières années, des institutions échappant à tout contrôle populaire, telles la BCE et la Commission européenne, ont ainsi dicté leur feuille de route aux peuples.
Le trouble est encore plus fort quand les Hollande, Valls and co, qui étaient censés contrecarrer la vague réactionnaire, antisociale après Sarkozy, reprennent en boucle les règles du néolibéralisme à la sauce européenne : réformes structurelles, baisse du coût du travail et compétitivité…
Repli, rejet, désarroi, il y a comme une pluie fine qui nous mouille jour après jour. Cette crise a bouleversé l’idée même d’une possibilité d’Europe sociale et solidaire. Désobéir, rompre, sortir, le débat stratégique se poursuit au sein de la gauche sociale et politique mais sur fond de faible et inégale mobilisation des peuples.
**Le mouvement syndical est à la peine
Il est l’objet d’énormes attaques dans l’Europe d’aujourd’hui. La Cour européenne de justice a limité le droit de grève. Un pourcentage croissant de travailleurs n’est plus couvert par des conventions collectives. Près de la moitié des travailleurs européens n’ont accès à aucune forme de représentation organisée.
Avant la crise, Commission et États se montraient soucieux de doubler l’unification économique d’un « volet social », avec des directives (sur le temps de travail, la santé et la sécurité au travail, etc.).
Il s’agissait de donner du « grain à moudre » à une Confédération européenne des syndicats (CES) complètement intégrée aux institutions. Avec la crise, cette façade s’est écroulée. La CES elle-même dénonce cet état de fait, mais, en dehors de l’appel à la mobilisation du 14 novembre dernier, les réactions ne dépassent pas les mobilisations « parades » des années précédentes.
La CES et la plupart des confédérations syndicales semblent dépassées, sans vision stratégique sur la façon d’affronter la puissante offensive antisociale.
**De nouvelles formes
de luttes et de résistances
La Grèce a connu plus d’une vingtaine de journées de grève générale et de nombreux mouvements de grèves sectorielles et « d’occupations des places ».
Dans l’État espagnol, il y a eu dans le sillage du mouvement 15M-Indignados, les « marées humaines ». La marche pour la dignité du 22 mars à Madrid a représenté un sérieux pas en avant en rassemblant tous les secteurs en pointe dans le 15-M (jeunes, santé, enseignant-es, indignados) et les salarié-es de la sidérurgie, de la métallurgie, du commerce, les chômeurs-euses.
En Allemagne, devant le siège de la BCE, les mobilisations “Blockupy Francfort” dénoncent l’Europe de la finance. En Grande-Bretagne, la Coalition of Resistance, qui rassemble syndicats, mouvements citoyens et les No cuts, est à l’origine de manifestations massives.
La grogne sociale monte aussi en Europe centrale et orientale (Slovénie, Roumanie, Hongrie…). En Bosnie Herzgovine, c’est un véritable soulèvement social et démocratique qui est parti de Tuzla et s’est répandu dans toute la région.
**Résister ici et là-bas… ensemble
Face au ravage et au désarroi que provoquent les politiques de la Troïka, face à la course de vitesse pour défendre la planète, le défi consiste à avancer vers une solidarité concrète, une coordination indispensable, une convergence des résistances qui soient capable d’affronter l’adversaire. Construire un tissu de résistances au niveau européen doit nous aider pour renforcer les résistances dans chaque pays. ●
Sophie Zafari