Quelques éléments pour contribuer à élaborer une stratégie syndicale pour reprendre la main
La politique de Macron s’articule autour d’une seule logique : servir la classe dominante, celle qui réussit et qui fait de la réussite économique l’alpha et l’oméga de la reconnaissance sociale. Cette logique, incarnée dans le même temps par la loi Travail 2 et la baisse de l’ISF, entérine en premier lieu la baisse de la valeur du travail et sacrifie des droits sociaux collectifs. Les différentes baisses d’impôts diminuent de facto la participation des plus riches à la solidarité creusant ainsi les inégalités. La hausse de la CSG et la diminution des cotisations sociales bouleversent, dans un premier temps, le financement de l’assurance maladie et chômage avant de diminuer les prestations.
S’il est admis que l’élection de Macron est avant tout une élection par défaut, la chute de sa popularité quelques mois seulement après son accession au pouvoir est inédite. Ce contexte devrait logiquement être propice aux mobilisations. Pourtant…
Des mobilisations qui peinent à s’amplifier
Si la journée du 12 septembre a été une réussite, l’amplification de la mobilisation à la hauteur attendue et nécessaire n’a pas eu lieu. Les stratégies syndicales, dans un climat de rejet des mesures gouvernementales sont souvent difficilement lisibles et peu efficaces.
Deux types de stratégies sont en présence, un syndicalisme de lobbying pour modifier à la marge les projets gouvernementaux et un syndicalisme volontariste se lançant dans une course parfois solitaire avec une succession de journées d’action. Aucune des deux ne peut faire gagner les salarié-es dans ce contexte. Mais la seconde, malgré ses défauts, a le mérite de tenter de répondre à la hauteur des attaques d’un gouvernement qui frappe tout azimut et n’entend rien négocier.
Sans nier les difficultés de mobilisation dans cette période ni le paradoxe du poids de la « légitimité politique » d’un Macron pourtant très impopulaire, il nous faut rapidement proposer d’autres stratégies syndicales.
L’enjeu pour le mouvement syndical est de rendre audibles toutes les alternatives aux politiques libérales, particulièrement dans le contexte où l’extrême droite, même divisée, reste toujours en embuscade.
Favoriser l’unité syndicale
L’unité syndicale bien évidemment en fait partie. Elle a pesé fortement dans la réussite de la mobilisation Fonction publique le 10 octobre en légitimant les revendications d’un secteur lourdement attaqué. Si cette unité syndicale est toujours un levier puissant de la réussite d’une action, il n’est pas pour autant possible de subordonner l’engagement dans la mobilisation à cette seule variable.
A défaut de retrouver une unité syndicale identique à celle du 10 octobre, la journée du 16 novembre bénéficie d’un profil bien plus unitaire que les journées des 12 et 21 septembre, avec de plus une plateforme revendicative élargie permettant un début de convergence entre privé et public et une entrée de la jeunesse dans la mobilisation. Mais sa date trop tardive la pénalise.
L’unité syndicale des 9 organisations de la Fonction publique peut être préservée mais n’est pas impérative ou exclusive dans la construction d’un rapport de force contre le gouvernement sur le terrain de la Fonction publique. Par ailleurs, les perspectives d’une mobilisation en janvier suite à celle d’octobre ne sont clairement pas dans le bon tempo. L’unité est donc un combat qui n’exclut pas la prise d’initiatives. Cela n’a pas empêché la FSU de se mobiliser par exemple pour un plan contre la précarité dans la Fonction publique. Rien n’aurait dû s’opposer non plus à ce que la FSU soit signataire de l’appel commun des fédérations de la Fonction publique CGT-FO-Solidaires pour la journée du 16 novembre, appel s’inscrivant notamment dans une perspective de convergence des luttes du public et du privé.
Reprendre la main sur notre travail
Si c’est bien à un projet politique global auquel le syndicalisme est confronté, ce sont aussi ses déclinaisons sur le terrain professionnel qui peuvent permettre aux enseignant-es de se mobiliser. C’est le sens de notre campagne syndicale « Reprenons la main sur notre métier » : dénoncer les dégradations des conditions de travail et reconquérir le pouvoir d’agir. C’est le sens de notre campagne syndicale « Reprenons la main sur notre métier ». En ce qui concerne les APC, il s’agira de déterminer collectivement comment agir à la fois à la poursuite et à l’élargissement de notre action pour exiger la baisse du temps de travail.
Les effectifs, les conditions de l’inclusion, la création d’un statut pour les AESH, la formation continue, la direction et le fonctionnement de l’école avec notamment la fin programmée de l’aide administrative… sont autant de sujets brûlants dans les écoles.
Quelle mobilisation des personnels, sous quelle forme, quelle portée, à quel rythme… ? Les questions restent nombreuses mais cette campagne est un défi syndical à prendre à bras le corps et dont les retombées peuvent être extrêmement positives en termes de rétablissement de la confiance des personnels dans l’action collective mais aussi d’audience, de syndicalisation, d’influence et d’amélioration des conditions de travail des personnels…
Par ailleurs, l’intensification du travail, la dégradation des conditions d’exercice du métier, le mépris de notre employeur ne nous considérant pas comme de véritables professionnel-les dignes de ce nom, la montée de la précarité… ne sont pas des caractéristiques propres aux enseignant-es mais sont globalement communes à l’ensemble des salarié-es. Il y a, là aussi, matière à convergence- pour les salarié-es comme pour le syndicalisme.
L’éducation est une réponse aux violences faites aux femmes
Depuis octobre, les témoignages en cascade de femmes ayant subi agressions ou harcèlement sexuels se multiplient : la honte est en train de changer de camp, enfin ! Toutes les cultures, tous les milieux sont tou- chés, l’ampleur du phénomène met en évidence son caractère systémique. Apparait de plus en plus claire- ment la nécessité de lutter contre la domination masculine et contre la « culture du viol » qui imprègnent nos sociétés, de déconstruire les stéréotypes de genre et les assignations que subissent les filles et les gar- çons, les femmes et les hommes, afin d’œuvrer à une société plus égalitaire et émancipatrice. L’éducation à l’égalité et à la sexualité est une réponse déterminante et urgente à mettre en œuvre. Le syndicalisme a son rôle à jouer dans l’accélération du processus. Face aux levées de bouclier des réactionnaires, il n’y a pas de demi-mesure possible : nous devons assumer la radicalité de nos revendications et nous engager de toutes nos forces dans ce combat.
Catalogne : s’opposer à la répression par le dialogue
A cette heure, la situation de l’autre côté des Pyrénées évolue quotidiennement. Bien qu’il ne nous appar- tienne pas de juger du bien-fondé de l’indépendance de la Catalogne, nous ne pouvons rester indifférent- es lorsque des dirigeant-es démocratiquement élu-es sont emprisonné-es, des administrations mises sous tutelle, nos collègues discrédité-es dans leurs fonctions.
A l’image de ce que disent les organisations syndicales catalanes et de l’État espagnol, il ne peut y avoir de réponses répressives à des problèmes politiques : seule une reprise du dialogue y répondra. Il faut partout construire des cadres unitaires pour exiger l’arrêt de la répression comme des poursuites judiciaires. Cette sortie de crise passera nécessairement par l’application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et donc par l’organisation démocratique d’un référendum à l’image de ce qui s’est passé l’an dernier en Écosse.