La loi de sécurité globale est examinée au Sénat à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 18 mars. La commission des lois du Sénat a réécrit le fameux article 24 qui aurait pour effet de dissuader les citoyen-nes en général et les journalistes et lanceurs/ceuses d’alerte en particulier de filmer la police en intervention et de diffuser les images publiquement de peur d’être poursuivi-es pénalement. La proposition du Sénat de créer un nouveau délit de « provocation à l’identification » dans le Code Pénal n’est absolument pas une réponse acceptable par le mouvement de contestation lancé par la coordination Stop Loi Sécurité Globale à laquelle la FSU s’est associée pour les manifestations qui ont déjà eu lieu à ce sujet. Alors que des dispositions condamnant le harcèlement en ligne existent déjà, cet article et tout l’ensemble du projet de loi restent flous et aisément manipulables à des fins liberticides, et doivent donc être retirés au plus vite. Il est logique que la FSU, comme elle l’a fait précédemment, appelle à la manifestation du 20 mars mais aussi signe le texte proposé par la coordination à l’issue du CDFN.
Concernant la loi « confortant le respect des principes de la République », la FSU doit poursuivre son investissement dans le cadre unitaire initié par la LDH qui a légitimement mis en avant les nombreuses menaces que ce projet de loi fait peser sur les libertés associatives en tentant d’alerter l’opinion publique à ce sujet (tribune unitaire, webinaire…).
Mais à l’approche d’un examen par le Sénat (fin mars), le besoin se fait sentir de rendre cette opposition beaucoup plus visible pour peser dans le rapport de forces actuel. En effet, les propagandistes d’extrême droite et autres marchands de haine racistes saturent de leurs mensonges anxiogènes et de leurs invectives les chaînes d’info en continu ainsi que les chaînes youtube et les réseaux sociaux et alimentent en permanence des polémiques sur l’islam et les musulman-es pour mieux étouffer tout débat rationnel et argumenté sur le djihadisme, ses causes, ses mécanismes et ses effets mortifères.
Dans ce contexte, les ministres les plus convaincus de la pertinence d’une synthèse politique entre l’idéologie de la droite conservatrice et l’idéologie d’extrême droite, comme Darmanin ou Blanquer, ainsi que des figures opportunistes comme Vidal, puisent dans des motifs et des éléments de langage médiatiques pour lancer des attaques politiques virulentes qui participent à légitimer des lois comme la loi ex séparatisme. La dernière en date est la campagne de dénigrement à partir de la formule creuse et flottante « islamogauchisme », visant à criminaliser des courants des sciences sociales et des universitaires mais aussi plus largement l’université comme lieu d’élaboration et de diffusion des pensées critiques (par exemple en l’occurrence, celles à l’origine des études qui documentent la réalité et l’impact de l’islamophobie dans la société française) et au moins une partie de la gauche qui utilise ces pensées critiques comme outils pour dénoncer les discriminations et les inégalités et lutter contre elles.
Quand la stigmatisation des musulman-es est considérée largement non seulement comme une activité respectable mais encore comme une œuvre de salubrité publique, toutes les forces ou sensibilités qui ne l’acceptent pas et s’y opposent se retrouvent dans le viseur et subissent des anathèmes et par conséquent, les libertés collectives et individuelles se retrouvent mises à mal dans un périmètre toujours plus large. C’est en pointant en même temps la puissance de stigmatisation et de discrimination de cette loi ainsi que ses effets liberticides que la FSU doit affirmer sa disponibilité à des initiatives d’action publiques type manifestation contre la loi « confortant le respect des principes de la République » et même plus largement contre la dérive autoritaire du gouvernement actuel due à l’empilement de lois de ce genre. Alors que les conditions n’étaient pas réunies ni sur le fond ni sur le profil pour appeler de façon unitaire à la fois le 20 mars contre la loi « sécurité globale » et le 21 mars contre la loi ex séparatisme, il ne faut pas renoncer à ce que cela soit possible dans un futur très proche. C’est pourquoi la FSU doit signer le texte intersyndical intitulé « pour nos libertés et pour nos droits » que Solidaires vient de proposer, car il ouvre des perspectives essentielles en ce sens à court terme.
Grégory Bekhtary