Le congrès se tient à un moment clé pour le syndicalisme : son rôle est amoindri par les réformes successives – loi Travail et réforme de la Fonction publique – son efficacité est questionnée par le mépris et les assauts répétés qu’il subit de la part du gouvernement, son utilité même est interrogée par le mouvement des Gilets jaunes qui accapare le débat social et crée la dynamique de mobilisation depuis des mois, sans lui. C’est dire la gravité des enjeux pour la fédération.
L’architecture des textes ne change pas : dans le thème 1, les questions d’éducation seront abordées à la lueur des réformes Blanquer et apporteront des mandats offensifs en écho aux mobilisations. Les clivages internes devront être dépassés pour affronter ensemble tout projet régressif, comme la réforme de la formation par exemple. Enfin, il n’est pas concevable d’amoindrir le bilan des politiques éducatives du précédent quinquennat sous prétexte que les attaques sont aujourd’hui plus graves. L’enjeu du thème 2 sera d’obtenir une analyse de la nocivité des mesures contenues dans la réforme de l’Etat et de la Fonction publique et d’y opposer des alternatives pour conforter un projet de société solidaire basé sur les services publics. Il faudra aussi s’interroger sur la pertinence d’une participation inconditionnelle au dialogue social comme seul moyen de porter les droits des personnels. Dans le thème 3, les textes devront munir les militant-es de mandats pour combattre un pouvoir de plus en plus autoritaire, notamment sur tous les reculs des droits et libertés, et pour lutter contre les inégalités, les discriminations. Les questions d’écologie, l’avenir de l’Europe et la montée de l’extrême droite, l’immigration sont également centrales. Le thème 4 traitera de la place des retraité-es, du syndicalisme hors de nos frontières, du fonctionnement interne de la fédération, mais aussi de la nature du syndicalisme à faire vivre, des alliances ponctuelles aux rapprochements permanents avec nos partenaires syndicaux.
Une fédération pour quoi faire ?
Le syndicalisme traverse une crise profonde : poids des défaites
successives, accumulation d’agressions caractérisées envers les salarié-es, mépris du pouvoir, perte de confiance des personnels… Les bouleversements sur l’échiquier politique ont brouillé les repères ; la division syndicale témoigne d’orientations divergentes, mais aussi des difficultés que toutes les organisations rencontrent pour apporter une réponse, en termes de stratégie syndicale, aux attaques du gouvernement. Au lieu de naviguer à vue, la FSU doit poser certaines questions et décider d’une ligne. A quel rythme faut-il lutter, selon quelles modalités ? Pour quelle la finalité ? Il n’est pas question d’abandonner la lutte au prétexte que la mobilisation est difficile et la victoire incertaine, mais plutôt affirmer que témoigner de l’opposition, la construire, la renforcer, c’est changer l’avenir.
Pour ce faire, une autre question se pose : avec qui lutter, quel-les allié-es ? La FSU a toujours cherché l’unité d’action, gage d’efficacité notamment sur les luttes sectorielles, elle doit continuer à le faire pour peser. Mais elle n’a pas résolu la question posée notamment par le mouvement des Gilets jaunes, celui de la convergence des luttes. Le mouvement social est ancré aujourd’hui autour de problématiques générales : défendre un projet de société et combattre un ennemi commun clairement identifié, le libéralisme, incarné de façon présente par le gouvernement. La marche est haute et un front d’opposition est indispensable pour créer un véritable rapport de forces. S’allier avec la société civile, les organisations syndicales, les associations, mais aussi les forces politiques qui partagent la même analyse et le même objectif est indispensable. Le congrès ne doit pas faire l’économie de cette question.
Enfin, comment ne pas interroger le périmètre du syndicalisme que nous connaissons aujourd’hui ? L’échelon Fonction publique est-il pertinent au regard des luttes interprofessionnelles, et face aux défis sociétaux ? L’échelon « éduc », le syndicalisme de métier est une réponse nécessaire, mais est-elle suffisante ? Les enjeux globaux pour le syndicalisme ne nécessitent-ils pas de repenser sa structuration, et de poser dès maintenant des jalons qui construiront l’unification syndicale des forces de lutte et de transformation sociale ?
L’enjeu de ce congrès est de renforcer la fédération, y compris en faisant vivre le pluralisme. Pour ce faire, et éviter l’éclatement de la fédération, la FSU n’a pas le choix : elle doit s’engager clairement dans les luttes interpro, dénoncer les violences policières et combattre ce pouvoir autoritaire. Les dérives passées (texte du 6 décembre et interview du 1er mai dans le Parisien, entre autres) devront être dénoncées et le congrès devra affirmer l’orientation combative de la fédération.
Véronique Ponvert, Denis Thomas
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