Le congrès du SNES-FSU
s’est ouvert au lendemain
des élections municipales catastrophiques pour la majorité gouvernementale, alors que chacune et chacun attendait
le remaniement ministériel.
Il suivait aussi, à quelques jours, le comité technique ministériel (CTM) statuant sur le projet
de décret relatif au statut
des enseignants du second degré,
sur lequel le SNES-FSU s’était abstenu. Cette décision avait été prise contre l’avis de l’École Émancipée et de certaines sections académiques et non des moindres : Bordeaux, Créteil, Lille, Orléans, Versailles. On pouvait donc espérer que les débats soient vigoureux et permettent de faire un peu bouger les lignes, ce à quoi même les secrétaires généraux s’attendaient, comme le reconnaît en creux Frédérique Rollet dans une interview post-congrès : « les débats ont été moins houleux que je ne le pensais ». Effectivement à l’issue de ce congrès, il faut bien voir qu’il n’y a pas eu d’aggiornamento au SNES-FSU.
Dès le premier jour, les débats ont paru très verrouillés. La direction a d’abord refusé que le thème introductif soit reporté après le débat sur le rapport d’activité, puis s’est opposée à la plupart des amendements qui avaient été déposés. Les conditions mêmes du débat de ce thème ne favorisaient ni une expression démocratique ni un vote ouvert : aucune commission préparatoire, des amendements envoyés par mail ou distribués au début de la séance et dont la tribune n’intégrait que des fragments. La méthode n’était pas bonne !
Le débat sur le rapport d’activité a certes permis que soient exprimées les oppositions, mais les réponses des secrétaires généraux ont été une fin de non recevoir : ils ont expliqué à ceux qui critiquaient les nouveaux statuts et la position du SNES-FSU qu’ils n’avaient tout simplement rien compris.
Un débat verrouillé dès l’entrée
Le décor était planté et pour l’essentiel les sections académiques se le sont tenues pour dit ! Cela ne les a pas empêchées d’exprimer des désaccords sur des points de plus ou moins grande importance. Mais jamais elles n’ont voulu prendre le risque d’une crise de direction en votant contre le texte d’un thème. Si l’unité programmatique d’Unité et Action (UA) dans le SNES est parfois difficile à trouver, l’accord de direction qui sous-tend cette tendance est bien toujours là.
Cela s’est vérifié d’abord dans le thème sur la situation des personnels qui comportait la question statutaire. Les critiques ont certes été nombreuses mais la position majoritaire n’a finalement pas été menacée. Par ailleurs le refus d’UA de comprendre que l’élévation du niveau de recrutement est une des causes de la crise de ce même recrutement, l’empêche de trouver des réponses au manque d’enseignant-es. Finalement le seul point sur lequel la direction nationale a dû reculer face à l’opposition de nombreuses sections académiques et de toutes les tendances minoritaires est sur le Grade à Accès Fonctionnel (GRAF). Alors que le texte distribué à l’entrée en commissions, envisageait clairement que le SNES-FSU accepte le principe de ce dispositif, cela a finalement été retiré du texte définitif. Il s’agit là d’un revers important pour la direction dans sa stratégie d’accepter des mesures indemnitaires face à son incapacité à obtenir une véritable revalorisation salariale. Cela a malheureusement suffi pour que les sections académiques « contestataires » votent le thème sans même demander de dissociation du paragraphe concernant le décret statutaire.
Diversification des parcours, la pierre angulaire
Sur les questions éducatives, la problématique est finalement peu différente. Nous avons pu faire évoluer le texte sur plusieurs points dont la caractérisation de la politique Peillon qui n’a pas rompu avec les politiques précédentes : conceptions libérales, idéologie des dons et des talents, individualisation, autonomie des établissements, néo-management, école du socle. Le texte final affirme aussi la nécessité d’introduire des objets d’études communs dans les programmes des trois voies du lycée ; le refus du conseil école-collège et du cycle CM1-CM2-6ème ; la reconnaissance de l’efficacité du travail collectif des enseignants et la revendication de temps pour cela ; l’affirmation du droit d’accès de tous les élèves en situation de handicap à la totalité des enseignements de collège et de lycée contrairement à ce qui se pratique dans de nombreuses ULIS ; la suppression du label ÉCLAIR et des mesures liées.
Mais nous avons été mis en minorité lorsque nous avons voulu repousser toute forme de diversification des parcours au collège. La diversification a même été présentée comme un outil pour construire la culture commune par la majorité UA, sans qu’il soit possible de la circonscrire à la diversification des pratiques pédagogiques. Nous n’avons pas pu non plus obtenir que le SNES FSU s’oppose à toute forme de socle, la direction considérant qu’il est possible de s’inscrire dans le débat qui s’ouvre pour le faire évoluer. Sur l’éducation prioritaire, nous n’avons pas réussi à renverser la vision optimiste d’UA à propos du nouveau label REP + qui pourtant ne rompt en rien avec les logiques du label ÉCLAIR, voire les entérine.
Au final, nos inquiétudes à la lecture des rapports préparatoires se sont révélées fondées et nous devons nous rendre à l’évidence que les nouveaux mandats s’inscrivent dans le cadre du système actuel, concurrentiel et inégalitaire. Le SNES-FSU ne s’est donc pas doté d’un projet alternatif capable de répondre aux difficultés que rencontrent enseignant-es et élèves.
La CGT au cœur des débats
Sur les questions de société, les avancées ont été un peu plus conséquentes, le congrès décidant de remettre la partie initialement écrite par la majorité du groupe femme et refusée dans un premier temps par le rapporteur. Le thème 3 est le seul thème que l’EE a appelé à voter. Dans le thème 4 (syndicalisme), les questions essentielles étaient celles de l’analyse de la situation syndicale, de l’appréciation du rôle et de la place de la FSU, des objectifs d’unité syndicale structurelle dans le cadre d’une confédération, existante ou à trouver et dans une moindre mesure, de l’action internationale.
Sur les deux premiers points, les interventions conjuguées de l’École Émancipée et de certaines sections académiques, en particulier Montpellier, ont permis d’améliorer le texte et de gommer un peu les passages les plus négatifs à l’égard de la FSU. Un des moments les plus importants a été le vote de l’amendement que nous proposions sur l’ajout de Solidaires, au lieu de ne citer que la CGT comme organisation avec laquelle travailler. Cet amendement a été majoritaire. Ce vote traduisait le rejet de la perspective tracée par les rapporteurs d’entrer avec armes et bagages dans la CGT présentée ès qualités comme la seule issue au mouvement syndical, mais aussi une opposition latente de la salle à l’égard de la tribune qui n’avait pas réussi à s’exprimer jusque-là. La salle a longuement applaudi ce vote.
Le congrès s’est terminé par le débat sur l’action qui n’était qu’une perspective vague et lointaine. Tellement vague et lointaine que finalement un tiers du congrès a voté contre le texte.
L’École Émancipée,
plus qu’une minorité
Si le bilan global que l’on peut tirer de ce congrès est tout sauf positif ; si le SNES-FSU en sort sans projet véritable et sans que les problèmes internes soient réglés ; nous pouvons, en revanche, être satisfait-es du travail et de la place prise par l’École Émancipée. À ce congrès, la délégation EE, en grande partie renouvelée, est apparue comme la seule véritable opposition à la direction. Dès l’entrée, la déclaration de l’École Émancipée a été très écoutée. Nos interventions, nombreuses et portées de façon paritaire par nombre de camarades, ont su mettre l’accent sur les questions essentielles qui se posent au syndicalisme enseignant. Lors du débat sur l’action, nous avons été les seules à soumettre au vote des amendements, qui ont toujours réuni plus de voix que celles des seules minorités. Pour la première fois au SNES, un amendement présenté par l’École Émancipée (celui sur Solidaires) a été majoritaire ! Dans la tradition de fonctionnement majoritaire du SNES, ce n’est pas rien.
Enfin, grâce au travail accompli dans les académies, notre amendement statutaire demandant d’intégrer : « tendre vers la parité dans les instances », a recueilli la majorité qualifiée de 66 %. Bien sûr tout cela peut paraître dérisoire, mais nous pensons que cela trace des perspectives de travail intéressantes.
Il convient maintenant de renforcer cette place de l’EE dans le SNES-FSU par le vote pour les directions nationales et académiques ! ●
Equipe nationale éé-snes