Verre à moitié plein ou à moitié vide ? Comme après le Grenelle de l’environnement,
la conférence environnementale des 14 et 15 septembre laisse au mieux un goût d’inachevé,
au pire, celle d’un grand moment de discours creux où l’absence de volonté politique écologiste est patente, n’en déplaise à Cécile Duflot, émue à l’écoute du discours de clôture
de François Hollande.
Si certaines décisions méritent approbation, comme la création en 2013 d ’une agence de la biodiversité et d’un Conseil national de la mer et du littoral ou le classement en parcs naturels de nouvelles zones, reste à mesurer le pouvoir réel de telles administrations : stopperont-elles les projets destructeurs d’écosystèmes ou l’agriculture productiviste ? Rien n’est moins sûr. A coté de telles mesures, il y a des actes : poursuite du nucléaire, dont la part doit certes diminuer, mais prendre tout de même une place prépondérante dans le futur bouquet énergétique. Mais c’est tout autant l’obstination à poursuivre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui est le plus symptomatique d’une absence de réelle rupture dans l’orientation gouvernementale.
Le gouvernement choisit Vinci
Depuis le 16 octobre, les habitants de la Zone d’Aménagement Différé (ZAD), rebaptisée Zone A Défendre, sont expulsés de leurs maisons, leurs jardins potagers détruits ou pollués par les lacrymogènes. Symboliquement, la décision gouvernementale est forte : quelques dizaines de personnes, soutenues par des centaines ou des milliers d’autres, s’organisant pour vivre mieux et préserver un bocage du bétonnage, sont semble-t-il de trop pour un gouvernement rose et vert, face à Vinci, une des premières multinationales du BTP au monde, responsable de nombreux chantiers destructeurs d’écosystèmes (l’autoroute Moscou-Saint Petersbourg…). Que pèsent alors les conclusions de la conférence environnementale quand un projet aussi inutile que celui cet aéroport se poursuit ? L’absence d’évaluation des évolutions du trafic aérien, l’existence d’aéroports à Nantes et à proximité, sans parler des habitants, des paysans qui vivent sur place, ni de la richesse de l’écosystème local, tout ça semble n’avoir aucune incidence sur l’alliance entre l’État et Vinci, le premier se chargeant de protéger les intérêts du second.
Une consultation pour changer quoi
Ce dossier qui nous fait douter de la capacité du gouvernement à enclencher une réelle transition énergétique ne doit pas faire oublier les autres questions. Certes, une grande consultation s’engage, en trois étapes : une phase d’information jusque fin 2012, puis une participation du grand public de janvier à avril et enfin, la phase de synthèse devant conduire à un projet de loi de programmation en juin 2013. Cet élan démocratique n’est pourtant pas à même de cacher déjà des lacunes dans les objectifs du gouvernement qui dit vouloir « rompre avec le tout nucléaire pour la production d’électricité (…) mais aussi avec le tout pétrole pour les transports ». La nuance est dans le « tout ». On a vu la faiblesse des objectifs en matière de nucléaire, seule la fermeture de centrale de Fessenheim étant programmée pour 2016. Pour le pétrole, aucun objectif précis de réduction n’est établi et surtout, aucun changement d’ampleur de la politique des transports n’est pensé. On se réfugie alors derrière des jokers technologiques, les voitures devant émettre de moins en moins de CO2. Mais la diminution des consommations par véhicules pris à l’unité ne résout rien tant qu’on n’inverse pas la logique du toujours plus de véhicules sur les routes. Peu de détails sont apportés quant aux transports de marchandises, qui constituent une grande partie des émissions de gaz à effet de serre. Les réduire implique une part de relocalisation des productions, de consolidation des circuits courts de distribution, un certain nombre d’interdictions de transports par poids lourds, etc., bref, le contraire d’une conception selon laquelle « l’écologie n ’est pas un frein ou une contrainte mais un puissant levier de croissance, de compétitivité de nos entreprises et d’amélioration de notre bien-être collectif » (J.M Ayrault).
L’ampleur des défis en matière énergétique fait parfois peur. Si certaines questions pourraient être réglées rapidement par décision politique, comme l’arrêt du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, d’autres impliquent des choix essentiels quant à la façon de répondre à la crise écologique et économique, de s’attaquer aux inégalités sociales et de s’en prendre aux pouvoirs des actionnaires. Toutes choses qui concernent l’ensemble des mouvements sociaux et les organisations syndicales en premier lieu.
Vincent Gay