Colloque « Racisme et discrimination raciale de l’École à l’Université »

Fin septembre 2018 s’est tenu à l’Université Paris Diderot le premier
colloque international et interdisciplinaire sur « Racisme et
discrimination raciale de l’École à l’Université ». Réunissant des
chercheurs et des chercheuses, des enseignant-es, mais également des
militantes et des militants.

L’ambition de ce colloque était de documenter la réalité du racisme et
des discriminations en éducation, un impensé et peut-être un
impensable de l’École républicaine, mais également de rendre compte
d’actions de formation effectuées. Dans un contexte marqué par des
résistances énormes à la tenue de ce type d’initiative − Le Figaro a
publié à cette occasion un article dénonçant la manière dont le «
racialisme indigéniste gangrène l’université » − le colloque s’est
déroulé sans encombres et a été un véritable succès dans la mesure où
il a réuni plusieurs centaines de personnes sur trois jours.

Articulant des conférences, des tables rondes et des interventions
plus classiques, il a notamment posé la question des expériences de la
discrimination et du racisme ordinaire en France, des pratiques
scolaires de racisation − altérisation d’une catégorie de personnes
sur la base de caractères naturalisés − et des différences de
traitement existantes, de la culturalisation et de la racisation dans
le regard des enseignant-es sur les publics mais également de la
manière dont le racisme et l’ordre social racial pouvaient être vus
par les enfants, ou encore des luttes antiracistes et
anti-discriminatoires dans et autour de l’école. Ainsi, des politiques
publiques,enpassant par les pratiques enseignantes et les
comportements entre pairs, du racisme au quotidien au racisme
systémique, différentes dimensions de la production et de la
reproduction du racisme ont été appréhendées. De façon transversale,
la perspective intersectionnelle, envisageant la manière dont
s’articulent les rapports sociaux de race avec la classe ou le genre,
a été évoquée à plusieurs reprises. Enfin, la dimension historique et
coloniale n’a pas été laissée de côté puisqu’une table ronde y a été
consacrée pour penser les transferts et/ou les héritages dans l’école
d’aujourd’hui.

Pour finir, ce colloque a permis de rassembler, de donner confiance et
d’ouvrir de nouvelles perspectives militantes et de recherches. Il a
montré à quel point il était crucial de rendre visibles ces questions,
y compris au niveau local, tant les discriminations et le racisme en
éducation sont puissants et se reproduisent, même malgré
nous. Écouter, se former à ces sujets, se remettre en question est
aujourd’hui une des conditions essentielles dans la fabrication d’une
école pour l’émancipation.

Des enfants roms?

Dans le cadre de l’enquête EVASCOL −https ://evascol. hypotheses. org−
Alexandra Clavé-Mercier a réalisé une étude: l’évaluation de la
scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) et des
enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (EFIV). Elle se
demande si les « Roms/Tsiganes » peuvent être considéré-es comme des «
prisonniers de l’école ». Elle montre comment un glissement sémantique
s’est opéré des « enfants itinérants » aux « migrants roms », ce qui a
conduit à ce que les Roumains ou les Bulgares soient identifiés comme
Roms. Cette catégorisation conduit, par exemple, à un enseignement
particulier qui s’appuie sur des ouvrages montrant des roulottes ou du
cirque pour réutiliser les marqueurs identitaires des enfants alors
même que les Roumains, les Bulgares ou les gens du voyage français
n’ont absolument pas la même culture.

Le Front des mères: pour une école inclusive!

Lissel Quiroz présente l’objectif du Front des mères qui est de
défendre une école publique bienveillante et inclusive qui refuse
l’infériorisation des enfants comme des parents. Pour ce faire, ce
cadre militant part des préoccupations des parents des quartiers
populaires, en particulier autour de l’alternative végétarienne à la
cantine, des questions de discrimination à l’école que subissent les
enfants et les parents ou encore des représentations positives
d’origines noneuropéennes dans la littérature de jeunesse par exemple
ou dans les programmes scolaires de façon à ce qu’apparaissent des
figures anticoloniales ou issues de l’immi- gration post-coloniale. Le
Front des mères organise donc des initiatives militantes comme ce fut
le cas le 15 septembre dernier à la Parole Errante à Montreuil où des
ateliers de discussion ont été organisés autour de ces thématiques.

Des modèles d’intégration aux effets contrastés

Elodie Druez se demande pourquoi les Britanniques font état de plus de
racisme à l’école que les Français-es. Elle revient sur les deux
modèles d’intégration imposés, le multiculturalisme d’un côté et
l’assimilationnisme de l’autre et souligne que si la question de la
race est explicite d’un côté, elle est totalement occultée de l’autre,
ce qui produit des effets dans la dénonciation du racisme. Dans le cas
britannique, les enquêté-es rapportent spontanément leurs expériences
de racisme, assumant l’utilisation du terme quand, en France, très peu
de personnes en parlent et quand elles le font, c’est dans des termes
hésitants en partie parce qu’elles ne souhaitent pas se présenter
comme victimes, leur expérience étant construite comme singulière.

Fanny Gallot