CN de rentrée du SNES : texte ÉÉ DU 14/09 sur la réforme de l’évaluation des enseignantEs

Une réforme de l’évaluation des enseignant•e•s pointe son nez en toute fin du mandat de F. Hollande. Notre analyse de la version ministérielle de la semaine passée.

Révolution culturelle à l’Education Nationale :

Ils ne se lassent pas d’évaluer, ne nous laissons pas dévaluer !

Malgré l’absence d’accord majoritaire par les organisations syndicales, M. Valls a décidé de mettre en œuvre le protocole PPCR. Les mesures de revalorisation ne permettent pas de rattraper les pertes de pouvoir d’achat accumulée ; quant aux nouvelles grilles d’avancement, si elles intègrent en partie un avancement unique pour la classe normale, elles s’accompagnent de la création d’un troisième grade, dit « classe exceptionnelle », qui ne concernera pas plus d’un dixième de la profession récompensant des parcours professionnels plus qu’un supposé mérite. Ce sera un redoutable outil de gestion par la carotte… Ou le bâton.
Compléments de ce volet rémunération, les documents de travail du Ministère concernant la réforme de l’évaluation des enseignant-es ne laissent plus de doutes quant à sa volonté de gérer les carrières au « mérite », en multipliant les outils dits de « gestion de carrière » permettant de faire le tri pour les passages au 7ème et 9ème  échelon de la classe normale, passages à la hors-classe puis à la classe exceptionnelle. Derrière un discours paternaliste sur l’accompagnement des enseignant-es par des IPR et des chefs d’établissements qui pratiquent rarement à l’endroit de nos collègues la bienveillance qu’ils exigent d’eux à l’endroit des élèves, c’est une vraie révolution dans notre culture professionnelle qui se profile. 

  • Sur le contenu de ce qui est évalué : c’est le chef d’établissement qui verrait son pouvoir prescripteur grandir à travers les compétences qu’il lui reviendrait d’évaluer. « Coopérer au sein d’une équipe, contribuer à l’action de la communauté éducative, agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques, s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » : on n’est plus dans ce que nous appelons le « cœur de métier », et cela va bien au-delà de l’obscur « rayonnement » qui prévaut actuellement sur nos fiches de notation administrative. Alors que les décrets métiers ont déjà offert aux chefs d’établissement des appuis pour exiger des enseignant-es qu’ils et elles se plient aux injonctions de l’institution, que restera-t-il de liberté pédagogique aux collègues quand ils et elles seront sommé-es de « coopérer au sein de leur équipe » sur les devoirs communs, les EPI, etc… Les chefs auront les textes pour eux, le rapport de forces sera en notre défaveur rendant les refus individuels et collectifs plus susceptibles de sanction. Comment le SNES-FSU pourrait-il dès lors entraîner les collègues dans un mouvement de résistance pédagogique ?
  • Quant aux modalités d’évaluation, ce projet d’évaluation est l’application aux enseignants de ce qui se pratique dans le privé et dans le reste de la fonction publique. Or elles ont déjà prouvé à quel point elles étaient destructrices des individus et des collectifs de travail. Seulement 4 rendez-vous de carrière nous dit-on, mais la pratique de l’entretien d’évaluation par le chef d’établissement serait en fait généralisée et rentrerait dans les mœurs. Ces entretiens seront « réguliers » dit le texte, dans le souci « d’accompagner », il va sans dire, mais dans ces face-à-face les deux parties ne sont pas à égalité. Les expérimentations déjà menées dans certaines académies et ex-ECLAIR démontrent, si besoin était, la visée strictement managériale de telles pratiques. Pis encore, le support de ces entretiens serait le « bilan de carrière » que l’enseignant-e devra rédiger en forme d’auto-critique et de projets pour améliorer ses « performances » à l’intention de sa hiérarchie. Infantilisant, déstabilisant, culpabilisant, dangereux, cet exercice placera les collègues devant un redoutable dilemme : écrire que tout va bien conduira à se voir reprocher de ne pas avoir de recul critique sur sa pratique, avouer des manques ou des difficultés pourra servir à l’instruction de procès à charge. Que pourra faire le syndicat, déjà bien impuissant face aux abus de pouvoir de certain-es IPR et chefs d’établissement, contre cela ? Croit-on vraiment qu’une consigne syndicale de ne rien écrire serait massivement suivie une fois le décret adopté ? Et quand les réfractaires se retrouveront une poignée, que leur arrivera-t-il ? Le syndicat ne pourra pas les protéger.
    Le SNES-FSU n’a pas fait de cette question un axe de la journée du 8 septembre et n’a pas informé les collègues des dangers de ces propositions, qui seront discutées à la mi-septembre. Défendre la double évaluation et le cadrage national des attendus évalués ne saurait suffire. Il faudra se battre avec la dernière énergie contre le « bilan professionnel » et contre le pouvoir donné aux chefs d’établissement d’imposer des entretiens individuels et de prescrire des actions et conduites professionnelles. Les chefs d’établissement ne doivent pas avoir le pouvoir de juger davantage que notre ponctualité et notre assiduité. Les « entretiens de carrière » des personnels administratifs peuvent nous éclairer sur la nature de ces « rendez-vous » avec le chef. Par ailleurs, il est grand temps de réfléchir au rôle et objectifs des IA-IPR. On ne peut être juge et partie, accompagner et sanctionner. Il faut donc ouvrir d’urgence un groupe de travail fédéral sur le sujet et envisager de mobiliser la profession contre ces textes.