Pour commencer, tordons le cou au mythe des hordes qui nous envahiraient : l’Europe n’accueille qu’une infime partie des réfugié-es, par exemple 400 000 Syrien-nes, quand la Turquie en reçoit 2 millions, et le Liban 1 million. Certes, le nombre de migrant-es a augmenté significativement ces derniers mois : près de 340 000 depuis début 2015, soit moins de 0,05 % de la population européenne.
Mais, au-delà de la froideur des chiffres, ce sont d’insupportables drames humains, avec parfois la mort au bout du voyage. Ainsi les naufrages en Méditerranée ont causé la mort de 2000 hommes, femmes et enfants depuis le début de l’année ; ainsi des migrants perdent la vie sur les autoroutes de Calais ou en montant dans les trains de l’Eurotunnel.
Les accords de Dublin, qui imposent que les demandes d’asile soient traitées dans le premier pays européen traversé, constituent un fardeau pour certains pays, dont l’Italie et la Grèce, débordées depuis longtemps. La réponse doit être européenne, mais la nécessaire coordination ne sera pas simple.
Car l’accueil réservé aux migrant-es dans les différents pays est au pire hostile, au mieux indigne. La Grande Bretagne déplace sa frontière à Calais, derrière les barrières de la honte décrites par des militant-es FSU : « double rangée de grillages de 4 m de haut surmontée de lames de rasoirs ».
Les pays d’Europe centrale, après avoir refusé d’accueillir des réfugié-es, ont déclarer n’accepter que des chrétien-nes ! La Hongrie construit un mur de 175 km sur sa frontière avec la Serbie. Des manifestations racistes et des violences xénophobes ont lieu dans plusieurs pays, notamment en Allemagne où le parti néonazi NPD attise la haine.
Violence aussi pour les démantèlements de campements et expulsions de squats. Notre « douce France » invente même le concept de rafle humanitaire, « d’opération sanitaire et d’accès aux droits ». Quels droits ? Quand on sait que les personnes déplacées auront tout perdu de leurs maigres affaires ? La préoccupation de la France n’est pas de les héberger dignement, mais de les disperser pour les rendre le moins visibles possible, et leur ôter toute envie de rester.
Politiques et médias continuent d’opposer la libre circulation des personnes à la sécurité des nationaux, de construire la figure de l’étranger indésirable, « étrange étranger »… y compris parmi la population française, comme l’atteste encore dernièrement l’idée brillante du secrétaire d’état aux transports de réaliser des contrôles « aléatoires », autrement dit au faciès !
L’Europe semble maintenant prendre la mesure de l’urgence, mais les futurs centres d’accueil en Italie et en Grèce auront (dixit Hollande) « comme obligation de faire la distinction entre les demandeurs d’asile qui doivent être enregistrés et les migrants qui viennent pour d’autres objectifs mais qui ne peuvent être acceptés en l’état. » Les réfugié-es seraient donc plus légitimes que les migrant-es économiques ? Et quid des réfugié-es climatiques dont le nombre va aller croissant ? S’agit-il d’offrir quelques places dans le « monde d’en haut » ou de garantir le respect des droits humains universels, dont la liberté de circulation et d’installation ?
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Un migrant témoigne : « Quand ta maison brûle, tu sautes par la fenêtre. Même si tu habites au dixième étage, tu vas te jeter dans le vide plutôt que de te faire dévorer par les flammes. Nous, c’est pareil : nos pays brûlent, à cause des guerres, de la misère, des persécutions. Alors on s’est jeté dans le vide et on a atterri chez vous. Vous gouvernements ne veulent pas de nous, vos policiers nous expulsent. Mais personne ne pourra jamais empêcher un homme ou une femme de sauter par la fenêtre pour échapper au feu. »
Et l’Europe entend donc traiter différemment les sinistré-es selon l’origine de l’incendie ?