Il souffle actuellement sur notre pays un fort vent de contestations. Mais parfois, ce vent charrie de vieilles idées nauséabondes. On peut dire que certain-es se trompent de colère ; il en est d’autres qui savent très bien où ils vont et qui brouillent volontairement les repères. Ne nous y trompons pas : si un « ras-le-bol fiscal » populaire s’exprime, parce que la réforme d’ampleur qui avait été promise, permettant une fiscalité plus juste, n’a pas eu lieu (pas encore ?), l’anti-fiscalisme traditionnel et réactionnaire est aussi bien présent, avec l’extrême-droite en embuscade.
Ce n’est pas en prêtant une oreille complaisante au Médef, en faisant des cadeaux fiscaux aux entreprises tandis que la poursuite des politiques d’austérité fragilise toujours les plus faibles, ce n’est pas en stigmatisant les Roms et les sans-papiers, -et en les expulsant-, afin de flatter un certain électorat, qu’on lutte contre le FN. Au contraire, on lui ouvre un boulevard. Et à force de gros nuages menaçants, on risque d’avoir une météo « Marine ».
Les xénophobes de tous poils, racistes, sexistes, homophobes, ont particulièrement le vent en poupe, et la parole décomplexée. Je ne reviendrai pas sur les attaques ignobles visant Christiane Taubira, dont elle dit elle-même : « Il s’agit très clairement d’inhibitions qui disparaissent, de digues qui tombent. » Je me contenterai de souligner que les mots « guenon », « gouine », ou « quenouille » qui symbolise le sexe féminin ont la même étymologie, et je vous laisse y réfléchir…
Les « veilleurs », issus de la sinistre Manif pour tous, sont maintenant vent debout contre ce qu’ils nomment l’introduction de la théorie du genre à l’école : nous en avons déjà parlé, ils prennent pour cibles le dispositif ABCD égalité, et, de nouveau, le SNUipp. Le « printemps français », qui n’a de frais et printanier que le nom, a même créé une « brigade des snuipp » qui s’est manifestée à Bordeaux au début du mois, et à Paris vendredi dernier.
Face à ces attaques, le ministère de l’éducation nationale préfère ne pas faire de vagues… Au lieu de dire haut et fort que la « théorie du genre » n’existe pas, Vincent Peillon et Jean-Marc Ayrault ont assuré qu’elle ne rentrerait pas à l’école, alimentant par là-même les discours de ceux qui crient au complot. On attendait de notre ministre qu’il maîtrise mieux le concept de genre, et non qu’il participe à son discrédit…
La remise du rapport de Michel Teychenné sur la lutte contre l’homophobie à l’école s’est faite plutôt discrètement, le 12 juillet, alors que le rapport, auquel nous avions participé au titre du collectif « éducation contre les LGBTphobies en milieu scolaire », était prêt depuis longtemps. Ce jour-là, Vincent Peillon nous a fait des promesses, en particulier concernant le contrôle des futures maquettes des ESPE. Dans les faits, plusieurs universités qui assuraient déjà cette formation alertent sur la réduction des heures dédiées au genre… Lors de la première réunion de suivi du 15 novembre, que nous avions réclamée à maintes reprises, les annonces sont floues, lointaines, décevantes : un projet de site pour mutualiser les ressources et proposer des e-formations, des actions tournées essentiellement vers les lycées… signes évidents de frilosité ! Les belles paroles ne suffisent pas ! On aurait aimé que le ministre fasse preuve sur ce sujet de la même détermination que pour les rythmes scolaires !
Le SNUipp-FSU continuera de porter ses revendications en exigeant que la lutte contre toutes les discriminations, racisme, sexisme, LGBTphobies, soit inscrite dans la formation initiale et continue, ainsi que dans les programmes ; il poursuivra aussi la promotion des outils qu’il a élaborés, et notamment le document « éduquer contre l’homophobie à l’école primaire ». Heureusement, nos publications ne sont pas lues que par des fanatiques, des collègues nous disent leur satisfaction de trouver nos outils, en particulier pour accueillir dans leur classe des enfants de familles homoparentales.
Je voudrais pour finir vous lire une citation tirée d’un roman d’Amin Maalouf :
« Tu as tort [de ne pas croire aux revenants]. Je ne parle pas de ces cadavres griffus qui somnambulent au voisinage des cimetières. Je parle des idées revenantes, tout aussi griffues et sanguinolentes ; tu les rencontreras à tous les âges de ta vie, et tu pourras d’autant moins les tuer qu’elles sont déjà mortes. »