Depuis plusieurs années, malheureusement, il est un thème qui figure dans nos débats de façon régulière, c’est la question des migrant-es, avec son lot de drames humains, de polémiques et de décisions politiques souvent iniques, voire inhumaines. Son lot de réactions haineuses, mais aussi de formidables actions de solidarité. Cet été n’a pas dérogé à la règle.
Le gouvernement a présenté le 12 juillet son plan « migrants », qui n’a pas trompé les associations de défense des droits humains. La LDH en particulier parle « d’une France frileuse et xénophobe (…), bien loin de la France accueillante et fidèle à son histoire que le Président Macron nous avait promise. » Le dispositif prévoit clairement une recrudescence des expulsions. Eric Fassin analyse les différents volets de cette politique : « empêcher les migrants de quitter l’Afrique ; les empêcher d’entrer en France (comme à Vintimille) ; puis les empêcher de rester en France en leur rendant la vie invivable ; mais également les empêcher d’atteindre l’Angleterre ! ».
Edouard Philippe annonce vouloir « favoriser la stabilisation de la situation en Libye », et l’Europe travaille à un accord similaire à celui passé avec la Turquie. Mais selon un rapport du HCR, les camps de détention libyens sont le théâtre de toute sortes d’exactions, détention arbitraire, travail forcé, viols, torture !
Il réaffirme son opposition à la réouverture de structures d’accueil à Calais pour éviter un « appel d’air », ce que conteste le Défenseur des droits : « Cette théorie est fausse. Les migrants ne quittent pas leurs pays par choix mais par nécessité vitale. »
Rappelons aussi la réalité de l’asile en France, qui, loin des des fantasmes d’invasion véhiculés par l’extrême droite, entre autres, n’accueille qu’une infime minorité des réfugiés, par exemple 1,4 % des demandes d’asile syriennes en Europe !
Alors forcément, des citoyen-nes s’appliquent à pallier les défaillances humanitaires de l’État en secourant et en accompagnant des migrant-es, et donnent à voir l’inaction des pouvoirs publics. Cédric Herrou a ainsi été condamné en appel à 4 mois de prison avec sursis. C’est la même peine que celle infligée à un viticulteur qui avait tiré sur des Roms… le parallèle est effrayant. Ce qui relève de l’assistance à personne en danger a été qualifié d’aide à l’immigration illégale. La CNCDH a réagi : « Il est urgent que le délit de solidarité soit véritablement abrogé ! »
Quand, suite à la saisie d’ONG, le tribunal administratif de Lille ordonne l’installation à Calais de sanitaires et points d’eau, le ministre Collomb et la maire font appel ! Et quand le Conseil d’État le rejette, la maire Natacha Bouchart proclame haut et fort qu’elle ne respectera pas l’injonction de la justice – sans pour autant s’exposer à la moindre sanction, ni même à la moindre critique du ministre, moins soucieux de légalité lorsqu’il s’agit d’attaquer les migrants que de les défendre.
La même logique guide les politiques européennes face à l’afflux de migrant-es en Méditerranée : la surveillance prime sur le sauvetage en mer, les ONG font ce qu’elles peuvent pour compenser… Et le même argument est utilisé pour les discréditer voire bloquer leurs bateaux : on tente de les assimiler à des trafiquants d’êtres humains, alors mêmes qu’elles sauvent des milliers de vies.
Il est en revanche un bateau qui a navigué cet été sans être inquiété par les autorités européennes, c’est le C-star, affrété par les Identitaires de plusieurs pays, dont Génération Identitaire. Si leur périple s’est révélé plus pitoyable que dangereux au final, nous devons être pleinement conscient-es de leur volonté de nuire, de laisser mourir, voire de faire mourir.
Heureusement, les nazidentitaires ont trouvé sur leur route des mobilisations antiracistes et antifascistes, à Malte, en Sicile. Ils ont connu cinq jours de blocage au large de la Tunisie, où des pêcheurs et le puissant syndicat UGTT, Nobel de la Paix, s’opposaient à leur ravitaillement.
Oui, l’extrême droite est nuisible, elle tue, elle l’a encore prouvé dans l’attentat de Charlottesville, qui a causé la mort d’une manifestante antiraciste et de nombreux blessé-es. Mais outre-Atlantique aussi le monde syndical a su se positionner, et de manière forte : le 26 août, un groupe suprémaciste blanc avait prévu de défiler à San-Francisco. Le syndicat des dockers a alors appelé à faire grève et à marcher sur le lieu du rassemblement, et je conclurai avec un extrait de leur motion :
« La section de San-Francisco, s’inscrivant dans la meilleure tradition de notre syndicat qui combattait déjà l’extrême droite lors de la grande grève de 1934, appelle à cesser le travail ce jour-là et à (…) empêcher cette tentative d’intimidation raciste et fasciste de se tenir dans notre ville natale. Nous invitons tous les syndicats, toutes les organisations antiracistes et antifascistes à se joindre à nous pour défendre nos organisations, les minorités raciales, les immigré-es, les personnes LGBTQ, les femmes et toutes et tous les opprimé-es. »