Au printemps passé, lors de la formation du nouveau gouvernement, les forces politiques composant la nouvelles majorité parlementaire (Lega de Salvini et Mouvement 5 étoiles) avaient maintenu les promesses faite au sujet de l’abrogation de la réforme introduite par le gouvernement Renzi en 2015.
La réforme Renzi de la “Buona Scuola” (la bonne École) renforçait à l’extrême le processus de corporatisation et privatisation engagé par le gouvernement de centre gauche au milieu des années 90 et depuis, poursuivi par tous les gouvernements et tous le ministres suivants, de centre gauche et de centre droit. Les coupes dans les budgets de l’instruction publique ont été faites, bien qu’à divers degrés, par tous les gouvernements, tandis que les financements des écoles privées, formellement interdits par la Constitution Italienne, ont augmenté d’année en année.
La réforme Renzi avait surtout comme objectif d’accroître l’autorité et le pouvoir des directeurs de chaque établissement en leur permettant d’embaucher et licencier enseignants et personnels, ainsi que de récompenser discrétionnairement avec des primes en argent les enseignant-es « méritant-es ». Elle élargissait à tous les établissements supérieurs la pratique de « l’alternance école-travail », en rendant obligatoires quelques centaines d’heures d’expérience de travail gratuit des étudiant-es dans les entreprises conventionnées avec le Ministère et les retirant ainsi à l’enseignement.
Cela était la concrétisation des délibérations du Conseil de l’UE de 1997 réuni à Amsterdam : « donner la priorité au développement des compétences professionnelles et sociales, pour une meilleure adaptation des travailleurs aux évolutions du marché du travail ». La réalisation d’une école (nous citons le document du Conseil UE réuni à Lisbonne en 2000) qui donne aux étudiant-es « confiance en soi, indépendance, aptitude à prendre des risques,…capacité à se surpasser dans le monde professionnel, aptitude à diversifier les activités d’entreprise ».
Il s’agissait d’une réforme très contestée par le corps enseignant. Selon les sondages, 71 % des enseignant-es désapprouvaient la loi 107 et, d’autre part, dans les premiers cinq mois de l’année (2015) s’était développé dans toutes les écoles (de la petite enfance aux lycées) un mouvement extraordinaire qui n’avait cependant pas réussi, à cause aussi de la faiblesse des politiques syndicales, à empêcher l’approbation définitive du projet.
Mais, le nouveau Président du Conseil des ministres, Giuseppe Conte, en présentant le nouveau gouvernement au Parlement, gelait toutes les attentes des enseignant-es : « nous n’avons pas l’intention de bouleverser la « bonne école ». En effet, pendant ces premiers neuf mois de gouvernance, à part quelques ajustements mineurs annoncés par le nouveau ministre de l’Instruction Marco Bussetti, fidèle de la « Lega » de la première heure, la structure de base de la « Buona Scuola » est restée intacte : réduction des horaires pour les professionnels, révision du support pour les étudiant-es handicapés, nouvel examen d’état, alternance école-travail, réforme du système scolaire pour les enfants de 0 à 6 ans.
D’ailleurs, Bussetti, jusqu’au jour de sa nomination comme ministre, a été un des plus hauts cadres de la direction de l’instruction en Lombardie, la région de Milan, depuis toujours à l’avant-garde dans la tâche de transformation des établissements scolaires en entreprises, dans l’expérimentation de l’alternance école-travail, dans l’introduction de la « didactique des compétences ».
Il s’agit de seconder les projets de la Confindustria, la principale association patronale italienne, qui, ce n’est par hasard, juste il y a un an, quelques jours seulement avant l’investiture du nouveau gouvernement, publiait un document déclarant : « La vitesse et la complexité du développement technologique exige un renouvellement de la didactique à l’école et à l’université, que peut être réalisé par l’introduction d’un plus grand nombre d’heures de laboratoire et de contamination avec le monde extérieur ».
Les conséquences de l’échec du mouvement contre la loi de la « Buona Scuola » sont encore ressenties aujourd’hui. Aux dernières élections des représentant-es syndicaux d’établissement, la CISL, le syndicat plus modéré, est redevenu le plus représentatif. Et les syndicats « de base » (COBAS, USB, UNICOBAS,…), qui avaient joué un rôle important pendant les lois de lutte, ont été marginalisés, avec des pourcentages très bas.
De plus, reste tout-à-fait irrésolu le problèmes historique de structure du système italien d’instruction, qui compte sur un budget public de 4,7 % du PIB, face à une moyenne OCSE de 5,8 %, le plus bas après le Japon. La dépense annuelle par étudiant-e est inférieure de 200 Euros par rapport à la moyenne (inférieure de presque 4 000 Euros pour les universités).
Le personnel enseignant a un âge moyen parmi le plus élevé de l’UE, à cause des réformes de retraites qui retiennent en activité jusqu’à 67 ans. Les rétributions des enseignant-es sont inférieures de 12 à 15 % de la moyenne OCSE.
Même sur ce volet, le gouvernement « du changement » apparaît pour l’école comme le gouvernement du conservatisme.
Fabrizio Burattini, syndicaliste USB
Crédit image : usb.it