Blandine TURKI : Construisons l’éducation de demain

Un nouveau vocabulaire s’impose chez les enseignant.es en cette rentrée : gestes barrières, protocole, cas positif, cas contact, quatorzaine, septaine, norme afnor, purée mon masque ! La rentrée sous covid a été et reste anxiogène pour tous les personnels. L’application des mesures barrières est rendue quasi impossible au vu du nombre d’élèves et d’étudiant.es. par classe, le manque d’équipement essentiel, le manque de moyens tout simplement. Avec la réforme du bac, les groupes-classe n’existent plus, la multitude de groupes éclatés rend le non brassage strictement impossible. Alors que l’épidémie repart, que la fermeture du nombre de classes a été multiplié par 4 en une semaine, le protocole est allégé et les cas contacts ne seront plus isolés. Dans l’enseignement supérieur, les enseignant.es sont livrés à eux même dans des locaux vétustes qui ne respectent pas les mesures sanitaires dans un contexte où le nombre de cas positif explose.
Pourtant les incertitudes scientifiques perdurent sur le rôle des établissements scolaires et des enfants dans la transmission du virus. Incertitudes toujours sur les masques tissus délivrés aux enseignant.es du 1er degré qui ne les protégeraient pas suffisamment selon l’ARS puisque les élèves en sont exemptés. Incertitude sur la période d’isolement pour les cas positifs.
Mais des certitudes nous en avons : sur l’absence d’anticipation du ministère de l’éducation pour cette rentrée hors norme mais qui n’a pas oublié de nous sommer d’évaluer nos élèves comme si cette rentrée n’était pas déjà assez anxiogène ; sur la corrélation entre l’allègement du protocole et le manque de remplaçant.es quand certains départements réquisitionnent des personnels RASED ou d’autres dédiés à la pondération en REP+ pour remplacer les collègues malades, leviers qui permettent de lutter contre les inégalités scolaires ; sur l’augmentation des effectifs dans le supérieur, non accompagnée de moyens, montrant la volonté du gouvernement de poursuivre la dégradation du Service Public et de favoriser la sélection et le développement du privé. Certitude toujours sur la volonté d’utiliser le numérique comme enseignement hybride, numérique qui doit rester un outil complémentaire et non substitutif, et qui nécessite un investissement pour les établissements, les collègues et les familles. Certitude enfin sur la volonté de Blanquer d’avancer malgré la crise (ex du bac au contrôle continu imposé un an en avance) d’avancer donc dans sa politique éducative, marquée par le resserrement des apprentissages dits fondamentaux, la territorialisation du service public d’éducation, la mise sous tutelle de l’agir enseignant. Politique qui démantèle l’enseignement adapté, qui individualise les parcours et les apprentissages à tous les niveaux éducatifs.
Principaux opposant.es à cette politique, il nous revient de construire la résistance. La colère est profonde chez nos collègues, il est temps de proposer une mobilisation et des actions de grandes ampleurs pour l’éducation :
• Avec des revendications en termes de moyens et une bataille budgétaire à mener pour que l’éducation sous covid ne constituent pas une accélération de la relégation des classes populaires et la mise sous tutelle de l’agir enseignant.
• Avec un réagencement de nos outils syndicaux afin de permettre à la profession de porter sur le terrain la bataille pédagogique.
• Avec une dénonciation claire de l’incapacité d’une hiérarchie à traiter la crise, et la responsabilité de Blanquer et de Vidal qui avancent dans leur politique comme si de rien n’était, comme s’ils/elles n’avaient pas déjà fait la preuve de leur inefficacité à lutter contre les inégalités scolaires.
• Avec l’appui des fédérations de parents d’élèves, des organisations de lycéen.nes et étudiant.es et des autres syndicats du premier degré à l’université, il nous faut passer à l’offensive.
Si l’institution scolaire et l’université ont tenu durant cette crise c’est seulement du fait de ses personnels, et de personne d’autre ! De l’école à l’université, une autre éducation démocratique est possible et c’est à nous qu’il revient d’organiser et de mener la lutte.