Projet de loi sur la sécurité globale : Cachez ses violences que je ne saurai voir…
Ces dernières années, les violences policières ont explosé. Cet état des lieux, constaté aussi bien par le Défenseur Des Droits que par l’ONU, n’est plus contestable.
À l’aune de ces constats, le pouvoir aurait eu la possibilité de « rectifier le tir » : changer les méthodes de maintien de l’ordre au profit de la désescalade, réformer l’IGPN, demander plus de sévérité aux parquets… C’était possible. Mais cela aurait supposé un gouvernement ayant une adhésion large de la population à sa politique. Et qui n’aurait pas besoin de la police pour l’imposer de façon autoritaire.
La proposition de loi dite de « sécurité globale » est étudiée en ce moment même à l’Assemblée. Elle comporte 31 articles. Ces derniers prévoient notamment un recours accru à l’exploitation en temps réels des images de vidéo-surveillance, l’utilisation de drones en manifestation et l’interdiction de filmer les policiers. Comme le dit le Syndicat de la Magistrature « Sous état d’urgence terroriste et sanitaire quasi-permanent et alors que les équilibres des lois fondatrices de 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’État et de 1881 sur la liberté de la presse sont menacés, la majorité parlementaire se plaît à déposer cet énième texte, lequel a pour finalités d’accroître la surveillance de masse et les pouvoirs des polices »
C’est en effet de cela qu’il s’agit. D’abord d’une surveillance de masse des mouvements sociaux. Le recours aux drones mais aussi à la reconnaissance faciale « en direct » par les caméras portées par les forces de l’ordre n’ont aucun autre but que de participer à une stratégie de la tension et, in fine, à une criminalisation du mouvement social.
Ensuite, c’est la diffusion d’image de policiers et de gendarmes qui sera criminalisée. A posteriori nous assure-t-on, et que s’il y a intention de nuire. Comme le dit le Monde dans son édito du 07 Novembre dernier « par crainte d’une condamnation, les médias risquent de renoncer à diffuser des images d’incidents avec des policiers. Et qui pourra prouver qu’un vidéaste amateur ayant filmé de véritables abus ne nourrissait aucune « intention malveillante » ? Le texte, s’il est approuvé, couvrira les policiers qui, déjà, interdisent trop souvent de filmer, y compris par la violence. »
À terme, en l’absence de tout contre-pouvoir, l’autonomisation de la police et de son action, l’impunité des violences qu’elle pourra commettre atteindra un seuil inégalé. L’ONU s’en est même inquiété et a adressé des recommandations à la France demandant à ce que soit retiré cette disposition.
L’histoire a montré qu’il ne pouvait y avoir de grandes conquêtes pour les droits sociaux sans bataille sur les libertés. Mieux, ces dernières ont souvent précédé les victoires sociales. L’heure a sonné de la livrer cette bataille, dans le cadre le plus large possible, avant qu’il ne soit trop tard. Sinon les assassins de Cédric Chouviat, les mutileurs de Gilets Jaunes ou de jeunes des quartiers populaires, les Alexandre Benalla et consorts pourront encore plus dormir sur leurs deux oreilles. Et ça nous ne pouvons l’accepter.