◗ Que penses-tu de la situation du syndicalisme français dans le contexte social actuel ?
Ce contexte est marqué par une crise systémique qui perdure et un gouvernement arrivé au pouvoir sur l’idée du « changement »… Mais un an après, on est plutôt dans la continuité ! Montée du chômage et de la pauvreté d’une part, scandales financiers à répétition et discrédit des « élites » politiques d’autre part : cela explique pour une bonne part la montée de l’extrême droite et de ses idées nauséabondes dans toute la société. Une partie du syndicalisme français est dans une démarche « d’accompagnement », qui fait de la négociation une fin en soi, se refuse à construire des alternatives au capitalisme et des rapports de forces comme élément déterminant pour gagner sur les revendications, petites ou grandes. Syndicalisme de transformation sociale ou syndicalisme d’accompagnement, ce clivage stratégique existe bien au sein du mouvement syndical. Cela n’est pas un débat théorique sans conséquences concrètes : il suffit de voir par exemple la manière dont les différentes organisations se sont positionnées sur l’ANI !
◗ Quelles priorités revendicatives et quelle démarche de mobilisation des salarié-es préconises-tu ?
Il nous faut à la fois, défendre quotidiennement les salarié-es, porter les revendications touchant aux conséquences des politiques d’austérité et aux restructurations des grands groupes tout en développant les analyses de fond et les alternatives possibles à ces politiques inefficaces économiquement et socialement profondément injustes. Emploi, salaires, services publics, protection sociale… Toutes ces priorités renvoient à un enjeu central : celui du partage des richesses. Cela supposerait une réforme fiscale d’ampleur et une lutte déterminée contre la fraude et les paradis fiscaux : on est loin du compte pour l’instant. Face aux restructurations et aux plans de licenciements, il faut des nouveaux droits comme, par exemple, un droit de veto pour les CE. La question des retraites s’annonce comme le prochain dossier prioritaire du gouvernement. Les premières indications augurent de nouveaux reculs s’il n’y a pas de mobilisation sociale. Alors même que le chômage explose, que la productivité continue de progresser et les conditions de travail de se dégrader, augmenter la durée de vie au travail est aberrant ! La situation des chômeurs/chômeuses est catastrophique : la renégociation des accords UNEDIC prévue cette année devrait être un rendez-vous de mobilisation. Il nous faut travailler à la construction des luttes sociales. Il faut développer les résistances, petites ou grandes, soutenir les luttes et ne pas les laisser isolées, préparer les mobilisations d’ensemble sur les dossiers interprofessionnels comme celui des retraites…Le développement des explications et des campagnes montrant qu’il n’y a pas de fatalité aux politiques d’austérité est une nécessité, à développer au niveau national comme au niveau européen.
◗ Que penses-tu des décisions récentes concernant la représentativité dans le privé ?
Les résultats annoncés par la Direction générale du travail récemment sont la concrétisation de la loi de 2008, initiée par le MEDEF d’un côté, la CGT et la CFDT de l’autre qui en espéraient sans doute un bouleversement plus rapide du paysage à leur profit. C’est la photographie de l’implantation et de l’audience syndicale sur un cycle électoral de 4 ans, incluant le scrutin de représentativité des TPE de décembre 2012. Les scores découlent directement du taux d’implantation dans les entreprises et certains syndicats, qui ont largement l’appui du patronat, sont loin d’avoir disparu. Par ailleurs, les inégalités de droits entre les 5 confédérations et les autres pèsent et perdurent dans les branches jusqu’en 2017. Pour Solidaires, le score de 3,5 % est à rapporter aux taux d’implantation dans le secteur privé qui est aujourd’hui de 15 %.
◗ Comment apprécies-tu la démarche du congrès de la FSU en direction de la CGT et de Solidaires ?
La FSU a réaffirmé dans son dernier congrès sa volonté de travailler avec la CGT et avec Solidaires. Nous avons confirmé notre accord pour prendre des initiatives en ce sens permettant de confronter nos analyses, nos stratégies, nos propositions d’actions, et de débattre de ce qui ne fait pas accord. Cela devrait permettre d’affirmer les convergences dans le « camp du syndicalisme de luttes » et de peser sur l’ensemble du paysage syndical pour que le curseur soit du côté de la mobilisation et de la construction du rapport de forces plutôt que du côté de l’accompagnement des politiques d’austérité… Encore faut-il que la CGT accepte nationalement un cadre de débat avec la FSU et Solidaires, ce qui n’a pas été possible jusqu’à présent. Mais souhaitons que les défis actuels posés au syndicalisme qui veut agir pour la transformation sociale permettent d’avancer dans ce sens. ●
Propos recueillis par Laurent Zappi