“Nous allons doucement vers un état autoritaire” – Intervention de Grégory Bekhtari

« Nous allons tranquillement vers un état autoritaire » Preuve que le consensus est très largement partagé sur ce sujet, ce constat d’une dérive liberticide lente et progressive de l’exécutif en place est énoncé par la députée LREM Nathalie Sarles hier matin, annonçant qu’elle refusera de voter la loi de sécurité globale pourtant défendue par la majorité présidentielle dont elle est membre. Jusque là il était d’usage de classer la France dans la catégorie des anciennes « démocraties libérales » . On aurait aujourd’hui malheureusement de très bonnes raisons de la ranger dans celle des « démocraties en recul », aux côtés de l’Autriche ou de l’Italie jusqu’à la chute de Salvini. Sauf sursaut ou coup d’arrêt, sa trajectoire politique en cours depuis la séquence répressive du mouvement des Gilets Jaunes a pour horizon « la démocratie autoritaire » incarnée aujourd’hui par exemple par la Pologne ou la Hongrie. Cette évolution régressive, véritable basculement dans une ère inédite qui ouvre la porte au pire, n’a pas échappé à la Commission Européenne. Celle-ci rappelle à propos de l’article 24, le plus symbolique de la dangerosité cette loi qu’ « en période de crise, il est plus important que jamais que les journalistes puissent faire leur travail librement et en toute sécurité » et qu’elle « se réserve le droit d’examiner la législation finale afin de vérifier sa conformité avec le droit de l’UE ». Un avertissement sans ambiguïté qui était déjà précédé de celui du conseil des droits de l’homme de l’Onu, pour qui ce projet de loi porte « des atteintes importantes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ». Dans un cadre anxiogène et défavorable aux mobilisations sociales marqué par une crise sanitaire durable et une résurgence du terrorisme djihadiste, le contrôle social, la répression et la restriction des libertés sont devenus les modes de gouvernement du pouvoir exécutif. Celui-ci dirige au moyen d’un conseil de défense qui n’a aucun compte à rendre à personne sur ses décisions et en lien direct avec les dirigeants des syndicats de police les plus réactionnaires, dont les revendications les plus jusqu’auboutistes deviennent aujourd’hui des propositions de loi. La conjoncture chaotique ne saurait justifier ces choix ni même les expliquer entièrement. Dans quel type de pays démocratique un président comme Macron pourrait-il nier l’existence de violences policières alors que le nombre de personnes mutilées au cours d’une manifestation est inédit ? Dans quel type de pays démocratique un ministre de la Justice comme Dupont Moretti utiliserait-il ses fonctions pour mettre en cause des juges travaillant sur une affaire où ses amis sont en cause ? Dans quel type de pays démocratique la mise en cause d’un ministre comme Blanquer dans des faits qui relèvent du trafic d’influence et de l’abus de biens sociaux n’entraînerait pas rapidement une enquête, autre que celle qu’il décide lui-même d’engager pour mieux se mettre hors de cause tout en criant au complot de l’ultra gauche et en stigmatisant au passage le syndicat majoritaire du second degré de notre fédération ? Dans quel type de pays démocratique multiplierait-on à l’envi les commissions disciplinaires pour sanctionner les syndicalistes et les salarié-es, en particulier du public, engagé-es dans des luttes de résistance ? Réagirait-on à la moindre mobilisation lycéenne à la matraque et au gaz lacrimogène ? Bousculerait-on les élu-es et frapperait-on les journalistes pour harceler des migrants plus discrètement ? Dans quel type de pays démocratique préparerait-on une loi qui met sous tutelle sans distinction l’ensemble du tissu associatif d’une minorité religieuse au risque de renforcer les discriminations et la stigmatisation ? dissoudrait-on une association comme le CCIF uniquement sur la base de la mauvaise réputation qu’on lui attribue sans se donner la peine de fournir la moindre preuve de discours haineux ou d’actes délictueux qu’elle aurait commis ? Est-ce là le pays de la Déclaration des Droits de l’Homme dont se gargarise Macron pour faire la leçon à des dirigeants étrangers ? La FSU doit poursuivre son engagement dans les cadres actuels, et ne pas hésiter à en initier d’autres avec ses partenaires pour amplifier massivement la résistance qui se fait jour, notamment le 21 novembre, en rassemblant des milliers de personnes dans toute la France dont beaucoup de jeunes. Elle est en mesure de contribuer à faire émerger une voix la plus unitaire et forte possible qui réponde au discours omniprésent des partisans de l’ordre et de la réaction et exige, dans un cadre unitaire, l’abandon des projets de loi sécurité globale et séparatisme.

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