Claude Gautheron: Se battre de la maternelle à l’université contre la politique de Blanquer

Un nouvel épisode de la mise en œuvre de la politique Blanquer doit attirer notre attention. Ce qui s’est passé la semaine dernière sur ParcourSup, non seulement confirme le projet du ministère d’introduire la sélection à l’entrée de l’université, mais indique les méthodes qu’il entend mettre en œuvre pour y parvenir. En instaurant une procédure de candidature extrêmement complexe, passant par l’écriture d’une lettre de motivation pour chacun des dix vœux formulés par les élèves et par la menace d’annulation d’un vœu en cas de non-respect des délais, le ministère compte sur l’éviction de candidats pour des questions de procédure. Il est tout à fait probable que les élèves ne bénéficiant pas d’un environnement familial rôdé à de telles démarches se retrouvent en septembre sans affectation. A cette date, comment les jeunes issus des milieux défavorisés n’ayant pu surmonter les obstacles sur ce parcours réussiront-ils à trouver à se loger dans des conditions compatibles avec leurs revenus ? Comment parviendront-ils à suivre un cursus universitaire auquel ils auront eu accès par défaut ? Moyen efficace de régler la question des sureffectifs à l’université…

On a déjà mis en évidence la cohérence de la politique Blanquer : c’est celle de l’abandon programmé de la démocratisation du système scolaire. A tous les niveaux du système éducatif et par des moyens adaptés à chaque niveau, est programmée l’assignation de chaque élève à une place dans la société en fonction de son milieu d’origine. Le bain de lecture plutôt que la construction d’un autre rapport au langage à la maternelle, les méthodes d’apprentissage de la lecture déplaçant l’accès au sens en dehors de l’école, la préconisation, en maths, de la « méthode de Singapour » en la dévoyant pour relégitimer le comptage qui a fait les ravages que l’on sait, l’introduction d’évaluations pour contraindre les enseignant-es à modifier leurs pratiques… Mais aussi le bac à la carte favorable à ceux qui auront les stratégies pour choisir les bons parcours pour accéder aux « bonnes » écoles, le bac maison qui fera que le bac Henri IV vaudra beaucoup plus que le bac Jules Ferry, la sélection à peine déguisée à l’entrée à l’université… et bientôt, n’en doutons pas, l’orientation précoce avec le développement de l’apprentissage et la transformation du collège unique en collège commun qui n’aura de commun que le lieu d’implantation.

Dans chaque secteur des mobilisations ont déjà vu le jour : la carte scolaire dans le premier degré a mobilisé bien davantage que les années précédentes, les universités de Nanterre et de Montpellier sont déjà sur la brèche, le SNES lance une consigne de non appréciation pour les vœux des lycéens… Toutes ces actions signent le refus des mesures Blanquer mais signent aussi le morcellement tout azimut de ces mesures mais aussi le morcellement des ripostes. Le refus de rendre possible le débat sur l’école en le cantonnant à l’entre soi des partisans d’une école libérale doit nous pousser à œuvrer pour davantage de commun pour davantage de puissance. C’est pourquoi nous devons porter au plan fédéral l’exigence d’une convergence de toutes nos forces pour contrecarrer le projet de démantèlement du système éducatif au profit de ceux à qui tout profite déjà. Cela ne peut passer que par une grande initiative pour mettre l’avenir de l’école dans le débat public. On a voulu nous faire croire que la stratégie Blanquer était implacable et remisait les analyses progressistes aux oubliettes d’un passé ringardisé par les médias et que ses mesures bénéficiaient d’un soutien de la population. Si l’on en croit les mêmes sondages qui le donnaient déjà vice-premier ministre, il serait 33ème au palmarès des personnalités derrière Hervé Morin et devant Florian Philippot ! Ne sur-estimons donc pas l’adversaire, il est à la portée d’une profession unie et prête à défendre ses convictions. En 96, dans des conditions tout aussi difficiles et à la veille d’élections professionnelles déterminantes, la FSU a su convaincre, par son initiative Eduscope, que son projet démocratisant pour l’école pouvait être porté par une majorité d’enseignant-es et partagé par la communauté éducative. Le SNUipp-FSU a déjà proposé à ses partenaires la signature d’un texte commun sur la maternelle, le GFEN a déjà lancé des invitations en direction de ses partenaires pour répondre aux assises de la maternelle, un collectif pour la formation des enseignant-es se met en place. Maintenant notre position de syndicat et de fédération majoritaires nous impose d’être à l’initiative d’une action d’envergure avec consultation et implication de la population pour que soit portée une autre ambition pour l’école et pour les élèves. Les inscriptions à l’université d’automne et au colloque d’avril indiquent la disponibilité et l’engagement de nos collègues sur les questions éduc, les mobilisations carte scolaire ceux des parents d’élèves. La rentrée 2018 ne doit pas être marquée par les seules élections professionnelles mais par un grand débat public sur l’éducation. C’est que nous devrons proposer aux autres SN et à la FSU et porter au débat au prochain CDFN.