Intervention de Michael Zemmour au CDFN du 20 septembre sur la réformes des retraites.
Le gouvernement veut baisser les dépenses pour les retraites pour financer les baisses d’impôt pour les multi-nationales.
Bonjour à toutes et tous, merci pour votre invitation. Je viens à la fois en collègue et en voisin puisque mon bureau est à la Maison des Sciences Economiques.
Ce que je vous propose c’est de faire un petit point de situation et de mise en perspective du projet de réforme qui s’annonce. La perspective est la suivante : le gouvernement veut précipitamment mettre en place une réforme des retraites parce qu’il trouve que les dépenses de retraites ne baissent pas assez vite, même si elles baissent déjà. Et il veut les faire baisser plus vite pour financer les baisse d’impôt aux multi-nationales.
Dire ça, alors que ce n’est pas habituellement le ton que j’emploie, c’est vraiment l’analyse littérale que l’on peut faire et l’analyse que le gouvernement donne lui-même dans un certains nombre de documents. Il y a un discours qui dit « les retraites sont en déficit, c’est très grave » mais en réalité, ce qui explique la précipitation à réformer les retraites, c’est bien pour financer les baisses d’impôt prévues qui sont très importantes.
Ce n’est pas être excessif de dire que si la réforme n’a pas eu lieu c’est en partie grâce au mouvement social
Je vous propose de revenir un tout petit peu en arrière. Ce sujet retraite, quand on observe un peu le monde syndical et le système français de protection sociale, il est extrêmement central pour au moins deux raisons. La première est que c’est un sujet qui concerne vraiment tout le monde, sur lequel il y a moins de segmentation et qui est beaucoup plus unifiant. Il est aussi beaucoup plus mobilisateur. Les mobilisations du 5 décembre 2020 et les grèves qu’il y a eu autour ont été extrêmement importantes malgré un contexte social et syndical difficile. Par ailleurs, y compris la réforme Macron de 2020- qui a été abandonnée-, ce n’est pas être excessif de dire que si la réforme n’a pas eu lieu c’est en partie grâce au mouvement social. La loi a été très loin : vous vous rappelez peut être (49.3), adoptée sans vote au parlement. Puis elle passe au sénat avant que le processus parlementaire s’interrompe parce que l’on est au milieu de la crise du COVID. Au milieu de cette crise le gouvernement décide d’arrêter les frais parce que ça divise. Il abandonne sa réforme. Mais, si la réforme est abandonnée à ce moment là, c’est qu’elle a beaucoup souffert pendant le mouvement social qui a précédé avec un calendrier plusieurs fois bouleversé. Elle a été en partie détricotée, elle devient de plus en plus difficile à expliquer. Le passage du système actuel au système à points dans la dernière version devait se faire en quarante ans. Ces bouleversements de calendriers et l’opposition de la population sont les deux raisons pour lesquelles le gouvernement, quand la crise du COVID survient, il décide d’arrêter la réforme.
Je peux le dire aussi très sincèrement, sans la crise du COVID, le gouvernement serait passé en force. Tout était prêt pour ça et en même temps dans le contexte du COVID, c’est bien la mobilisation qui a conduit à cette prise de décision.
Quand on regarde l’histoire longue, on sait que les projets de réforme des retraites sont de nature à déstabiliser fortement les gouvernements.
Une mise en scène, une dramatisation des déficits
J’avance un peu, ; la réforme systémique est abandonnée et pendant l’élection présidentielle, le président de la république fait campagne sur un projet très clair et très détaillé : il s’agit de décaler le l’âge légal de la retraite à 65 ans, à un rythme très rapide, en commençant à la génération 1961 et au rythme de 4 mois par ans de décalage de l’âge légal. C’est le coeur de la réforme, avec le passage des carrières longues de 60 à 62 ans, quelques engagements pas très lourds sur des minima de pensions à 1000 euros pour une carrière complète. Dans le viseur aussi, les régimes spéciaux avec un point d’interrogation sur le régime de la fonction publique. Tout ça est dit dans le cadre de la campagne présidentielle.
Viennent les législatives, et là, on ne sait plus de quoi on parle. Ce n’est plus à l’ordre du jour, on parle de 64 ou 65 ans. Tout est ouvert mais un flou est organisé autour de ce sujet. Et puis vient la rentrée où, à la faveur de la parution du rapport du Conseil d’Orientation des Retraites (COR), on assiste à une mise en scène, une dramatisation des projections de déficits permettant de dire qu’il y a une urgence à réformer pour faire des économies.
Je voudrais démontrer que le projet de réforme des retraites ne répond pas à un diagnostic sur le système des retraites. Il répond à un enjeu de finances publiques sur les baisses d’impôt aux multi-nationales. Je vais vous donner, selon le COR, le véritable diagnostic du système des retraites. Le COR nous dit que les dépenses de retraites sont stabilisées, voire en baisse, en l’absence de toute réforme, orientées à la baisse déjà. Pourquoi ? Parce que si on ne fait pas des réformes « positives », on sait d’ores et déjà que l’âge de la retraite va reculer par application des réformes précédentes, notamment la réforme Touraine qui va porter la durée de cotisation à 43 ans. On sait aussi que les pensions vont baisser en taux de remplacement dans deux endroits en particulier, AGIRC ARCO (retraites complémentaires du privé) et dans la fonction publique à cause des primes quasiment pas prises en compte dans le système des retraites.
On a passé la phase de progrès sur les retraites et que l’on est sur une situation de rebroussement
A cause de ces deux éléments là, alors que l’on va avoir de plus en plus de retraité·es les dépenses de retraite vont baisser parce que la retraite se raccourcit et parce que le niveau des pensions se dégrade. Il ne s’effondre pas mais il se dégrade. Voilà le premier diagnostic que donne le COR qui alerte que depuis 10 ans, on a passé la phase de progrès sur les retraites et que l’on est sur une situation de rebroussement, de dégradation en terme de durée. Pour donner en exemple, l’espérance de durée de retraite : on va avoir une année de retraite en moins, plutôt 24 que 25, par rapport à quelqu’un parti il y a 10 ans. Les taux de remplacement ont déjà commencé à se dégrader.
Le deuxième point que donne le COR est qu’il est probable qu’un déficit dans le système apparaisse. Pas du tout un déficit de nature à mettre en danger le système. Des déficits, il y en a dans plein d’organisations, de structures. Un déficit, ça ne fait pas tout fermer. Du côté des retraites un déficit pourrait apparaître alors que les dépenses baissent parce que l’État envisage de faire baisser les recettes du système plus vite que la baisse des dépenses. L’État va avoir moins de retraites de fonctionnaires à payer dans le futur et qu’il aimerait en profiter pour diminuer sa participation dans le système. Ça n’a donc rien à voir avec une explosion incontrôlée des retraites.
Un tel déficit ne met pas en péril le système.
Un tel déficit ne menace pas le système. On peu le tolérer un temps et emprunter. Si vous vous intéressez au sujet de retraites, c’est ce qui était prévu. Le fond de réserve des retraites était fait pour payer les déficit prévus. Il se trouve que les gouvernements successifs l’ont siphonné. Sans fond de réserve on peut emprunter à 10 ou 15 ans. 2ème possibilité : le gouvernement dispose de 3 leviers : le niveau de pension, l’âge de départ à la retraite – c’est le projet du gouvernement – , on peut aussi augmenter les cotisations pour équilibrer le système. Pour vous donner un ordre de grandeur, l’augmentation des cotisations qu’il faudrait pour qu’il n’y ait pas de déficit à l’horizon 2040, c’est moins de 0,15 points d’augmentation de cotisations par an employeur et salarié. C’est deux fois moins que ce qui est arrivé aux fonctionnaires entre 2010 et 2020. Durant cette période, les fonctionnaires avaient une hausse de 0, 27 % par an. Le blocage du point d’indice, ça oui nous nous en sommes aperçu, mais ces hausses de cotisations ont été peu perçues parce que ça représentent de très petites sommes. Ce n’est pas rien mais ce n’est pas du tout une somme importante. Ce déficit ne met pas en danger le système.
Ça pourrait être financé d’autre manière notamment grâce à un maintien du niveau actuel d’engagement de l’État. Il n’y a de déficit que parce que l’État a prévu de baisser sa participation. C’est toujours ce que nous dit le COR.
Je reprends :
1. les dépenses sont en baisse et ce dont il faut plutôt s’inquiéter c’est du niveau des pensions.
2. Le déficit n’est pas dangereux.
Alors pourquoi une réforme des retraites ?
Dans ce contexte, le gouvernement envisage une réforme rapide pour faire des économies. Trois raisons invoquées : une artificielle et deux vraies, données aussi par le gouvernement. La première qui est artificielle est toujours de dire que l’on réforme pour sauver les retraites. Dans les années 90, les réformes visaient à éviter une explosion des dépenses de retraites. On voyait une augmentation des carrières des femmes notamment. Il y avait plus de dépenses de retraites donc il fallait freiner. Là ce n’est pas du tout le cas. Le système n’est pas en danger et si le gouvernement veut faire une réforme c’est pour baisser les dépenses plus vite que ce qui était prévu. L’argument qui dit que vraiment il y a le feu et qu’il faut une réforme avant les vacances de fin d’année, c’est vraiment du théâtre.
Il y a deux autres raisons pour lesquelles le gouvernement envisage sa réforme des retraites. Il y en a une c’est la réforme du marché du travail. C’est l’idée de mettre plus de gens sur le marché du travail, d’accroître la concurrence entre les demandeurs d’emploi. On le voit très clairement avec la réforme de l’assurance chômage. Cela permet d’augmenter la concurrence entre salarié·es et éviter que les salaires remontent. Il faut travailler plus, avoir moins de prétention salariale. La réforme des retraites participe à ça.
La troisième raison, qui est sans doute la plus urgente, c’est la question des finances publiques. C’est extrêmement clair dans la stratégie du gouvernement. Il a pris un certain nombre d’engagements notamment vis-à-vis de l’Union Européenne, mais au delà de ça, c’est l’orientation de Bruno Lemaire. Ce dernier pense qu’il faut réformer la France. Pour cela, il pense qu’il faut moins de prélèvements obligatoires et moins de dépenses publiques. Il y a eu la baisse de l’impôt sur la Fortune ou de la taxe d’habitation par le passé. Pour le budget 2023 et 2024 puisque ça risque d’être étalé sur deux ans, une baisse massive de ce qu’ils appellent les « impôts de production ». L’ordre de grandeur, c’est à peu près 10 milliards de recettes en moins chaque année. 10 milliards de recette c’est aussi à peu près ce qu’ils espèrent récupérer en réformant les retraites rapidement. L’idée est la suivante, et elle est écrite telle quelle à la première page du programme de stabilité transmis à l’UE au mois de juin : « les engagements du président de la république seront tenus. Parmi ces engagements, la suppression de la redevance télé et la baisse des impôts de production. Ces engagements seront tenus sans augmentation des impôts obligatoires, essentiellement grâce à des réformes structurelles, en particulier la réforme des retraites.
C’est politique. Quand vous voulez baisser aussi rapidement les dépenses publiques, il y a que deux postes qui le permettent : la masse salariale de la fonction publique – mais le point d’indice est gelé depuis tellement longtemps que l’on a déjà été loin dans cette direction – et l’autre possibilité ce sont les retraites.
Quelle forme ça pourrait prendre ? Les deux choses qui font le plus rapidement des économies c’est jouer sur l’âge légal qui décale le départ en retraite produisant des années où on ne paie pas les retraites et la durée de cotisation. Sur l’âge légal par exemple, dès 2023 ou dès la moitié 2023 la réforme décalerait de 4 mois l’âge légal, puis 4 mois chaque année jusqu’à 63 ou 64 ans et après on recommencerait. Un deuxième scénario serait l’accélération de la réforme Touraine, c’est à dire porter la durée de cotisation à 43 ans plus rapidement que prévu. Aujourd’hui, c’est prévu pour la génération 74. Les personnes directement concernées ne sont pas exactement les mêmes selon les situations, mais grosso modo, celles dans le viseur à court terme sont les 55 +, et puis ,derrière, tout le monde.
Quel calendrier ?
Le véhicule peut être soit c’est dans le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale déposé à la fin du mois, le 27 septembre au parlement. Cette possibilité voudrait dire qu’ils vont très vite et qu’ils font à peine semblant de consulter les organisations syndicales. Deuxième possibilité, le projet de loi est déposé sans qu’il soit fait mention des retraites dedans, mais le gouvernement pendant le débat parlementaire amende son propre texte. Ça serait encore plus cavalier, parce s’il fait ça il y a aucune expertise en amont : pas d’étude d’impact, pas d’examen par les commissions. Troisième possibilité, renoncement à passer de manière cavalière par le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale, à la fois à cause de problèmes parlementaires (cf les réserves de François Bayrou, il faut aussi se concilier avec la droite parlementaire et peut être qu’il faudra recourir au 49.3 ).Une autre raison serait que la mémoire des perturbations économiques entrainées par les grèves peut dissuader des personnes qui bien que favorables à la réformes ne souhaitent pas que se déclenchent des mouvements sociaux en novembre décembre. Dans ce cas, l’autre possibilité serait une loi au premier trimestre 2023, avec pour l’instant, toujours annoncé l’objectif que ça s’applique à l’été 2023 pour les gens de la génération 61 ou 62.
Au moment où je parle, je pense que rien n’est arbitré, ni sur le véhicule, ni sur les mesures. Mais pour l’instant le gouvernement s’est lui-même mis dans une seringue d’aller chercher 10 ou 12 milliards très vite sur les retraites. Il pourrait faire demi tour : circonstances compliquées, arrivée de la crise énergétique mais ce serait vraiment un changement de pied. Il y a des baisses d’impôts prévues, il veut faire des économies sur les dépenses publiques et il cherche la voie de passage.
Développements apportés à partir des questions de la salle
Un projet pas du tout anodin
Trois questions très proches : Les réformes précédentes n’ont pas encore produit pleinement leurs effets. On entre plus tard sur le marché du travail et la durée d’assurance continue à s’allonger. Du coup, on sait que l’âge moyen de départ à la retraite va continuer à augmenter jusqu’en 64 en 2040. Mais aujourd’hui, il ne faut pas relativiser l’ampleur de la réforme du gouvernement. Ça ferait vraiment une grosse différence. Aujourd’hui, trois personnes sur quatre liquident leurs pension à 62 ans. Chez les cadres, ça va être à 63 ans. Donc, si dans 5 ans l’âge légal passe à 63 ans beaucoup de gens seront rattrapés par cet âge légal.
Inégalité femmes/hommes
Il y a l’inégalité femme/homme. Notre système de retraite a été conçu pour une carrière d’ouvrier de l’industrie homme à carrière ascendante et continue. En 1980, on n’avait toujours pas de statistiques sur la retraite des femmes. On a appliqué les mêmes critères (âge et durée) aux femmes, en se rendant compte que ça ne correspondait pas à toutes les réalités. On a donc rajouté des « patchs », des validations de trimestres pour enfant par exemple (au passage, beaucoup moins favorable dans le public que dans le privé). Mais avec ces patchs, on ne rattrape jamais tout à fait les choses.
La décote joue de deux façons : partir sans carrière complète et être pénalisé·e plus que proportionnellement, ou attendre l’annulation de la décote et ça vous renvoie à 65 ou 67 ans. Idem pour toucher les minimas de pension. La décote tape vraiment sur les plus modestes et sur les femmes en particulier. Les gens qui subissent la décote sont sur représentés dans les 20 % qui touchent les retraite les plus faibles. La suppression de la décote ou sa neutralisation d’une façon ou d’un autre à l’âge légal serait clairement une mesure sociale.
Si le gouvernement joue sur la durée, les femmes seront fortement impactées. Celles qui ont des carrières incomplètes et celles qui atteignent une carrière complète par des validations de trimestres pour enfants. Dans le public et surtout dans le privé, elles peuvent partir à l’âge légal à taux plein grâce aux validations. Si on décalait à 65 ans, elles partiraient avec le même taux, sans bonification, annulant l’effet des validations pour enfants. Ça serait de « l’écrêtement », prolongeant la durée de travail avec un gain extrêmement minime.
Pour le dire autrement, si on décale l’âge, ça supprimera toutes les surcotes, calculées à partir de l’âge légal.
Mesure d’âge
Pour une carrière complète, la mesure d’âge est une injustice criante. Ça veut dire que c’est 43 ou 44 ans demandés pour partir à la retraite. Quand on regarde les pensions les plus faibles, 30 % des retraité·es, ce sont des gens et en particulier des femmes aux carrières très incomplètes, qui partent avec les retraites les plus faibles, qui partent le plus tard parce qu’il faut attendre 65, 66 67 ans pour annuler la décote. Si on joue sur la durée, c’est là où ça tape le plus fortement.
Mesures d’urgence qui pourraient être prises
Si on veut transformer les choses, il faut regarder les grosses difficultés du système actuel. Parmi elles, il y a les poly-pensionné·es. Ça ne serait pas difficile techniquement de faire un calcul au plus favorable. Ça coûterait un peu mais pas de difficultés majeures.
Annuler ou réduire fortement la décote, faire en sorte que les minima de pension se déclenchent dès l’âge légal alors qu’aujourd’hui, il faut attendre l’âge du taux plein (66 ou 67 ans pour toucher une retraite de 700 ou 800 euros, soit le minimum vieillesse). Si on s’intéresse à la justice sociale, il faudrait permettre sans doute que ces droits se déclenchent à l’âge légal.
La retraite à 60 ans
La question de l’âge, notamment des 60 ans. J’ai des éléments d’analyse. Est ce que c’est possible ? Oui, il y a 12 ans c’était le cas et on n’était pas dans un pays très différent d’aujourd’hui. Ça coûterait cher, ce serait une forte mobilisation de ressources (70 à 100 milliards). La question se pose vraiment socialement. Pourquoi ? Parce que quasiment la moitié des personnes ne sont plus en emploi quand elles prennent leur retraite. Elles sont au chômage, au RSA, en invalidité ou en congés maladie. C’est beaucoup moins vrai pour les cadres qui restent au travail, parfois au détriment de leur santé psychique ou physique. Du côtés des ouvrières et des ouvriers, on finit sa carrière en dehors de l’emploi. Quand on est passé de 60 à 62 ans, ça n’a fait qu’augmenter le sas de précarité entre emploi et retraite, la durée d’inactivité pour les ouvrières et les ouvriers. Dans ce contexte, le passage à la retraite améliore le niveau de vie pour 4 personnes sur 10.
Il n’y a aucune raison que ça se passe mieux si on passe de 62 à 65 ans.
Si le gouvernement découpe sa feuille de route vers 65 ans en annonçant un âge légal à 63, c’est particulièrement injuste pour les gens qui ont commencé à travailler tôt.
La participation de l’État
L’État ne cotise pas. Il assure le traitement de ses fonctionnaires. Il continue de les payer quand ils sont à la retraite. L’État, a priori, sera toujours là dans 150 ans. Il n’a pas besoin d’une caisse pour garantir qu’il soit toujours là. Dans le privé, il faut une caisse parce que si votre boite ferme, vous apprécierez d’avoir toujours une retraite.
Mais il y a quelques dizaines d’années, on a voulu afficher par parallélisme des cotisations pour les retraites de l’État. On a calculé un taux fictif en prenant les fonctionnaires actifs pour payer les pensions. Ils ont créé des cotisations que l’État se verse à lui-même. Comme la fonction publique a changé de démographie, les taux de cotisations n’ont aucun sens (70 %, 80%).
Ce qui est programmé pour les années à venir, c’est que l’État va avoir moins de fonctionnaires et moins de fonctionnaires retraités à payer. Il voudrait en profiter pour diminuer la voilure.
Est-on d’accord, alors qu’on va avoir plus de retraité·es pour payer moins d’argent pour les retraites ? Si on dit non, la question qui reste est qui doit payer ? Ou le privé qui se rend compte que sa démographie évolue et qui augmente un peu son taux de cotisation. Soit c’est l’État qui au nom de la solidarité entre les régimes décide de maintenir son effort pour subventionner le système.
Le « temps de travail sur la vie »
C’est une question de partage et d’organisation du travail. La France est spécifique en Europe : on arrête de travailler un peu plus tôt et on a des retraites plutôt plus protectrices et égalisatrices qu’ailleurs. Dans d’autres pays, le taux de pauvreté des séniors est plus élevé, les retraites sont un mix public/privé et donc plus inégalitaires. En même temps le travail est plus dur en France. La raison pour laquelle il y a du chômage et aussi beaucoup d’invalidité entre 60 et 62 ans, c’est que les gens craquent.
Les gens veulent partir dès qui peuvent, y compris dans l’éducation.
Niveau de cotisation
Dans un autre cadre économique, ce serait plus simple. Mais j’essaie de raisonner dans une hypothèse minimale et de montrer que même dans le cadre social actuel, les choix du gouvernement sont des choix extrêmes dans la mesure où ils essaient de tout régler uniquement sur la durée et le niveau des pensions sans jamais mobiliser des ressorts supplémentaires.
Augmenter les cotisations ne fait pas baisser les salaires mais ralentit leur augmentation. Dans la période actuelle où les salaires stagnent, où le point d’indice est gelé, c’est plus compliqué que dans les années 70.
Si la rémunération des salarié·es s’améliorait parce que le partage de la valeur ajoutée s’améliore ou parce que il y a plus de croissance ce serait plus facile. Une baisse du chômage résoudrait certes le problème à court terme mais à moyen terme, la question des retraites se reposerait avec davantage de droit à la retraite à honorer.
Syndicalement, si demain le gouvernement faisait un référendum disant 65 ans dans 10 ans mais on ne touche pas au niveau de cotisation ou une augmentation progressive des cotisations et on garde les paramètres actuels, qu’est ce que les gens préfèreraient ? Aujourd’hui, les gens préfèreraient surement payer un petit peu et garder les paramètres actuels.
La pension minimale à 1000 € ou le sucré à côté du salé.
Pension minimale à 1000 € pour une carrière complète à taux plein. Concrètement, les 20 % de retraité·es les plus modestes n’en verrait pas la couleur. Pour certaines personnes ça ferait un gain de 100, 200, 300 euros.
Mais il y a un effet de com un peu gênant. « 1000 € pour toutes et tous » mais ce n’est pas du tout ça. Si c’était ça, franchement, ce serait un gros progrès. Là c’est des gens à 850 qui passeraient à 1000 et des gens à 500 qui resteraient à 500.
N.B. Propos retranscrits par JPG à partir de l’oral.