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- Édito : Le fond de l’air est brun, mais notre histoire nous appartient
- Pour qu’industrie rime avec Écologie – Sauvons #chapelledarblay
- Réforme des ZEP, c’est l’ensemble de l’école publique qui est attaquée
- L’éducation ? Fondamentale ? Prenons-les au mot !
- Pendant la crise, le « gang des profiteurs » continue de s’enrichir
Édito : Le fond de l’air est brun, mais notre histoire nous appartient
En ce printemps 2021, chacun.e attend la sortie de la pandémie et la fin de cette interminable période de restrictions tous azimuts de nos libertés. Dans nos intérieurs confinés parviennent hélas les effluves fascisantes pestilentielles qui planent sur le débat public. A grands coups de sondages, l’extrême droite est installée médiatiquement dans la position de principale alternative au pouvoir. Le bruit des bottes se fait entendre lorsque des militaires factieux, téléguidés par les officines d’extrême droite, agitent le spectre d’une guerre civile dans des tribunes complaisamment relayées. Leur ennemi intérieur ? Les « hordes de banlieue » et un « certain antiracisme ». Marine Le Pen se réjouit en tendant le bras en direction de ces barbouzes sur le retour qui ciblent la jeunesse de France dans sa diversité et les opposants aux discriminations racistes qui perdurent dans notre société.
Parallèlement, les thématiques sécuritaires qui sont chères à l’extrême droite refleurissent dans le débat, relayées à grand renfort de directs des chaînes d’information continue. Certains de leurs journalistes vont jusqu’à porter la bannière du RN : reconnaissons y un mérite, celui de la clarification. Il y a longtemps que la prétendue neutralité journalistique de certaines émissions ou certains éditorialistes des chaînes CNews ou LCI sert de cache sexe au fascisme. Zemmour fait des émules. Aussi inquiétant, l’Etat et ses forces de l’ordre sont gangrenés par les idées nationalistes et racistes : une majorité de policier.es et gendarmes serait prête à mettre l’extrême droite au pouvoir1. C’est tristement paradoxal : en termes d’expulsion de mineur.e.s isolé.e.s, de fermeture des frontières, de moyens donnés à la répression des mouvements sociaux, de couverture des violences policières, de lois liberticides et islamophobes, le gouvernement actuel n’a pourtant eu cesse de donner des gages à l’extrême droite. En faisant en partie sa politique, il nourrit la bête qu’il prétend combattre.
Dans une société minée par les inégalités sociales, l’autoritarisme fascisant est une réponse dangereuse à la crise que nous connaissons. Dangereuse pour nos libertés, pour les droits humains, pour la possibilité d’une société plus égalitaire, débarrassée des oppressions vécues en régime capitaliste. Un autre chemin, autrement plus ambitieux, est possible : celui qu’essaie de tracer le mouvement social. Il passe par la solidarité, le partage des richesses et du travail, l’invention d’un autre rapport à la planète pour assurer notre survie. Rien n’est écrit : l’engagement du plus grand nombre au sein du mouvement syndical et des secteurs du mouvement social les plus combattifs face à l’extrême droite peut faire éclore un printemps social. D’ores et déjà, avec d’autres forces , les militant.e.s de l’école émancipée prendront leur part aux mobilisations contre l’extrême droite, partout en France le 12 juin prochain. Rejoignez-nous !
Antoine VIGOT, Collège Rousseau, Darnétal
Pour qu’industrie rime avec Écologie – Sauvons#chapelledarblay
La Chapelle-Darblay, à Grand-Couronne, c’est la dernière papeterie à produire du papier journal 100% recyclé. C’est la valorisation des déchets de 24 millions de Français·es, en 250.000 tonnes de papiers recyclés par an (l’équivalent de 50% de la consommation française de papier journal). C’est aussi une station d’épuration qui peut subvenir aux besoins de 400 000 personnes, une chaudière biomasse qui peut chauffer 20 000 foyers, et une usine raccordée au rail et au transport fluvial. La Chapelle à la fois est un exemple de l’industrie du futur, écologique, efficiente, et recouvre un secteur à la croisée d’enjeux cruciaux pour le monde de demain. Or le propriétaire, UPM a annoncé en septembre 2019 exporter son activité en Uruguay et mis en vente la Chapelle prétextant le déclin structurel du marché du papier graphique et anticipant surtout les éventuelles diminutions de ses marges. Absurde : il est plus rentable de couper des arbres que de recycler, nous démontre t-on. Et pour l’environnement ? N’est-il pas profondément irrationnel de laisser le secteur du recyclage à la merci des caprices du capitalisme ?
Cette aberration, le collectif « Plus jamais ça » l’a dénoncée haut et fort le 28 avril dernier lors d’une action nationale surprise pour interpeller Bruno Le Maire. Au bout de huit heures d’occupation du parvis de Figaro à Paris, pendant lesquelles ont été déployées des banderoles « Pour qu’industrie rime avec écologie, Sauvons Chapelle-Darblay », ont été jetés dans la Seine une vingtaine de mannequins représentant des salarié·e.s, et se sont enchaîné·e.s au quai les représentant·e.s des organisations, les salarié.e.s ont été reçu.e.s par Mme Pannier-Runacher, de l’Industrie. Elle s’est engagée à ce que la Chapelle reste un site papetier et qu’aucune offre de reprise ne soit acceptée sans l’accord des salarié·e·s. Cette victoire préfigure le potentiel de mobilisation de cette alliance inédite, à la pointe des luttes intersectionnelles.
Quels relais en local ? En l’absence d’un collectif rouennais – en rade faute d’un investissement plus marqué de la CGT -, « la Coalition Climat » de Rouen Vendredi 7 mai s’est mobilisée pour faire signer la pétition à la sortie du métro. Reste à espérer que ce bel exemple achèvera de convaincre les plus hésitants…
Aurélie MOUCHET, Collège Eugène Noel de Montville
Réforme des ZEP, c’est l’ensemble de l’école publique qui est attaquée
Initiée en 1981, les ZEP établissaient un droit collectif pour les populations les plus défavorisées, engageant la mise en œuvre de moyens. Attaquée à de nombreuses reprises (découpage en plusieurs sous ensembles plus ou moins dotés, exclusion des lycées en 2014…), les ZEP conservent malgré tout cette caractéristique d’obligation de moyens de la part de l’Etat, dans une période où nous en avons plus que jamais besoin.
Dans la doctrine Blanquer, la scolarité des pauvres est prise en charge par l’état jusqu’à 16 ans, pour viser un niveau CM2. Tout le reste relève du marché. De quoi attirer beaucoup de monde, et pas seulement les plus riches, vers l’école privée… Surtout si le service public a été démoli.
Pour se faire, quoi de plus efficace que de substituer le financement par contrat à l’obligation collective de moyen. C’est le sens de l’introduction dans certains REP+ des Cités Educatives.
N’ayant soi-disant pas vocation à se substituer au REP, la Cité Educative vante un « accompagnement des jeunes de 0 à 25 ans ». Il est à noter que si les établissements scolaires du premier degré ainsi que les collèges sont parties prenantes du projet, les lycées en sont exclus.. La Cité Educative, fonctionnant par appels à projets, est une structure locale chapeautée par l’agglomération, l’agence nationale de cohésion des territoires, l’EN et le GIP. Le Groupement d’Intérêt Public est chargé d’établir des financements, notamment par des partenariats public-privé. L’ANCT, quant à elle, dépend du ministère du même nom à l’origine du projet de Loi 4D prévoyant l’exclusion du pôle santé-social ainsi que des gestionnaires de l’EN. Ces personnels deviendraient alors, à l’instar des anciens personnels Atoss, des agents territoriaux, avec tout ce que cela implique de transformation des conditions de travail mais également de temps et de disponibilité consacrés à l’école en raison de l’atomisation des missions.
La Cité Educative ouvre toujours plus grand la porte aux interventions extérieures dans la scolarité des élèves et sa volonté de prise en charge de l’ouverture des jeunes au sport et à la culture interroge sur l’avenir de l’EPS et des matières artistiques au sein des collèges.
Enfin, la Cité Educative se veut un « laboratoire d’expériences », qui renvoie une fois encore les populations les plus défavorisées au rang de cobayes de pratiques innovantes, mais n’ayant, pour le moment, qu’une durée d’expérimentation de trois ans. Après cela, comme bien souvent, les enseignants « se débrouilleront » autrement…
C’est également à plus grande échelle l’objectif poursuivi par « l’expérimentation » sur trois académies dès la rentrée 2021 d’une réforme générale de la ZEP, sortant l’ensemble des REP simples du droit pour les soumettre au contrat, soit les deux tiers de la ZEP.
Louise JEANNE, Collège Marcel Pagnol, Le Havre
Vincent ALES, Ecole Paul Eluard 1, Le Havre
L’éducation ? Fondamentale ? Prenons-les au mot !
Ces derniers temps, la communication gouvernementale a nettement évolué. Finie la traque aux profs décrocheurs ! Pour justifier le maintien des établissements scolaires ouverts, coûte que coûte, dans une période épidémique préoccupante, J.M Blanquer n’a pas été avare de louanges : « L’école est fondamentale pour notre pays. Les jeunes ont besoin du système scolaire. L’éducation reste notre priorité ».
Il est évidemment difficile de prendre ces déclarations au sérieux, tellement les attaques contre le service public de l’éducation sont constantes et appuyées depuis l’arrivée de Blanquer au ministère : réforme du lycée et du BAC, école de la confiance, fermetures de postes en cascade, casse de l’éducation prioritaire, détachement des infirmier.e.s scolaires aux collectivités, répressions à l’encontre de collègues opposés aux E3C, etc… Et puis, les jeunes, s’en préoccupe-t-il vraiment quand on voit la manière dont les lycéens sont dans le flou total à quelques semaines des examens ou l’inquiétante paupérisation des populations étudiantes?
Et pourtant : si l’éducation « reste leur priorité », exigeons que la politique scolaire dans ce pays soit conforme aux intentions affichées face aux caméras ! Faisons de ces déclarations notre mot d’ordre pour exiger un véritable plan de relance pour l’éducation, quoi qu’il en coûte, avec des créations de postes en nombre pour faire baisser significativement les effectifs par classe, d’emplois de vie scolaire, de personnels de santé, pour améliorer les conditions de travail de tou.te.s et le quotidien dans les établissements et ainsi anticiper la prise en charge les difficultés induites par un an et demi de COVID. Mais pour obtenir une transposition dans les faits, nous devrons être à même de créer le rapport de force, dans la rue, comme tentent de le faire par exemple les enseignants du collège le Hamelet de Louviers en grève dès la rentrée pour exiger les moyens de remplir correctement leurs missions.
Alexis ROUSSELIN, Lycée Les Fontenelles, Louviers
Pendant la crise, le « gang des profiteurs » continue de s’enrichir
Les débats sur une possible nouvelle cure d’austérité agitent les milieux politiques et économiques depuis plusieurs semaines, en France et en Europe. Dans un premier temps, il s’agit de ne pas trop effrayer alors que la crise sanitaire est toujours bien présente et que ses conséquences économiques et sociales font des ravages mais il convient de préparer les esprits à des réformes structurelles en vue d’un second mandat du « candidat des marchés » E. Macron. C’est à cette aune que s’inscrit sa réforme de l’assurance-chômage qui diminue drastiquement les droits des allocataires ou son engagement à remettre sur le métier la réforme de la retraite par points vigoureusement combattue par les salarié.e.s en 2019-2020.
Le débat sur le coût de la crise et sur ses profiteurs – en France, les milliardaires comme Bettencourt, Arnault, Drahi, Pinault… ont tou.te.s largement profité de la crise – mérite donc d’être posé et si Macron et son gouvernement n’envisagent pas un seul instant l’instauration d’une fiscalité exceptionnelle sur les plus riches, c’est bien parce qu’il veut conserver leur confiance et leur soutien, bien utiles pour financer une campagne électorale.
De l’autre côté, les révélateurs d’une crise sociale aigüe se multiplient, bien visibles auprès des associations d’aide aux plus démuni.e.s, qu’il s’agisse des jeunes étudiant.e.s et précaires, des familles monoparentales ou des migrant.e.s de plus en plus souvent laissé.e.s à l’abandon. Après le 1er mai et les mobilisations qui se poursuivent dans le domaine de la culture contre la réforme de l’assurance-chômage en particulier, le mouvement social doit reprendre confiance et être en capacité de peser pour imposer ses revendications.
Pierre-Emmanuel BERCHE, Université de Rouen
Et aussi : SNES, du 17 mai au 3 juin, votez et faites voter EE !
Du 17 mai au 3 juin, le SNES-FSU organise les élections internes, qui renouvellent les instances du syndicat.
C’est un moment décisif pour l’Ecole Emancipée, car c’est à l’occasion de ces élections que sera déterminé son poids et sa représentation dans le SNES pour les trois prochaines années. Dans le contexte actuel, chacun.e comprendra que plus l’EE pèsera, plus cela permettra d’infléchir l’orientation du SNES dans le sens que nous voulons.