Le paysage politique est bouleversé par les cataclysmes des dernières semaines. Au soir du 7 mai, les partis ayant été au pouvoir sont absents du second tour, la gauche de gouvernement est enterrée, LR est mal en point et le FN, même battu, reste aux portes du pouvoir. Pour la première fois sous la 5ème République, le candidat élu se réfère à la fois à la droite et à la gauche : petite révolution, révélatrice du brouillage idéologique que subissent les citoyen-nes, brouillage auquel participe aussi l’imposture sociale du FN. Révélatrice aussi du niveau de détestation de la population envers les écarts pratiqués entre promesses politiques et réalités des politiques mises en œuvre durant les deux derniers quinquennats, qui aboutit au rejet des partis « traditionnels ».
Les règles démocratiques se fissurent. Celles et ceux qui ont « joué le jeu » du second tour l’ont fait pour empêcher le FN au pouvoir. Nombreux sont celles et ceux qui se sont abstenu-es au second tour (plus de 25 %, taux record depuis 1969) et près de 12 % des électeurs et électrices, du jamais vu sous la Vème République, ont voté blanc ou nul. Les votes contre le FN l’ont emporté, c’était une absolue nécessité. Mais si MLP n’a pas triomphé, elle est toujours là. Pour la première fois, un parti dit « républicain » l’a rejointe, ajoutant encore à son entreprise de dédiabolisation. Sa candidature a rassemblé 11 millions de suffrages, elle arrive en tête dans plusieurs villes et deux départements… Les causes de son ascension sont ancrées profondément dans le terreau de la crise sociale.
Alors, même élu démocratiquement, Macron est mal élu, avec une légitimité politique ambigüe. Au soir de son avènement, le peuple ne retiendra pas ses propos creux, mais les images fortes : Macron singeant Mitterrand, Macron-Pharaon, Macron encensé par les micro-trottoirs préparés par son très bon service comm’. On le savait, c’est confirmé : il claironne que les électeurs et électrices partagent son programme… il annonce pourtant qu’il va gouverner par ordonnances dès juillet : en plein été, sans négociations possibles, il va aggraver la loi Travail massivement rejetée ! Pour les salarié-es, la lutte des classes est plus que jamais d’actualité.
La séquence politique n’est pas terminée et les législatives vont sans doute rebattre les cartes.
Est ce que les « gens » de gauche y trouveront un vrai débouché à leurs aspirations, après le choix cornélien du second tour ? Le FN poursuivra-t-il son ascension vers des sommets dangereux ? La droite classique se refera-t-telle la main après sa débâcle de la présidentielle ? Le nouveau président aura-t-il sa majorité parlementaire ou sera-t-il obligé de transiger ? Les réponses à ces questions détermineront les suites sur le terrain social : difficile d’espérer un soulèvement populaire quand les salariés n’ont plus aucune perspective politique…
Pour combattre le FN, il est urgent de vaincre le libéralisme et de construire une société juste et solidaire. Le mouvement syndical a une responsabilité importante : lutter contre Macron, rassembler les salarié-es, porter des alternatives en impulsant des mouvements sociaux. Pour mener à bien la résistance et pouvoir avancer vers la transformation sociale, les luttes nécessaires nous imposent d’avancer dans l’unité syndicale. Il y a urgence. ●
Véronique Ponvert