Avec la mondialisation, marchandises, capitaux et information circulent librement alors qu’une « guerre aux migrants » est menée par les pays développés.
L’Europe forteresse fait faillite sous nos yeux.
En 40 ans, les pays développés ont réduit les droits d’accès et au séjour des migrant-es. L’espace Schengen, né en 1985, a militarisé ses frontières extérieures.
Le « règlement de Dublin » en 2013, a confirmé la responsabilité du pays par lequel le migrant entrait, pour traiter sa demande. Les pays en bordure de cette frontière accueillent les trois-quart des demandeurs.
Le verrouillage des voies d’accès terrestres fait converger la majorité des passages par la Méditerranée devenue en 15 ans, le cimetière de 30 000 personnes.
L’Europe est devenue la destination du monde la plus dangereuse à atteindre. Cette évolution, loin de dissuader les migrants, fait les affaires, (très rentables) de passeurs organisés et criminels. Les sauvetages en mer, hors du mandat de Frontex, ont été partiellement assumés, sans aides de l’UE, par la Grèce ou l’Italie.
Le plan de la commission européenne de mai 2015 prétendait « corriger » cette situation par des quotas qui répartissent et limitent les accès par un arsenal de mesures :
➜ « hots spots » d’identification et d’enregistrement », aux portes de l’Europe, pour « trier » les réfugiés. Ces centres, négociés y compris avec des dictatures sont un déni des droits des migrants ;
➜ renforcement de Frontex pour la surveillance, le contrôle et la reconduite ;
➜ déploiement des marines de guerre contre les passeurs accroissant les risques mortels pour les migrant-es ;
➜ Promotion d’une immigration légale, « choisie » en fonction de son utilité économique.
Cette politique signe le naufrage moral de l’Europe. Seuls un petit nombre de réfugiés prouvant des persécutions peuvent y entrer. Ce tri est inacceptable, car les causes des migrations sont entremêlées et complexes entre asile « politique », exil « économique » ou « climatique ».
L’accueil et le respect des droits fondamentaux pour toutes et tous s’impose pour éviter de nouvelles tragédies.
S’ajoute un naufrage politique de l’UE dont les membres s’affranchissent des valeurs et des règles qu’elle prétend porter. La Hongrie a fermé ses frontières, criminalisé le séjour des migrants et les expulse honteusement.
L’Allemagne, qui les accueille, tout en promouvant les quotas, décide d’une fermeture temporaire des frontières, dédouanant ainsi des pays qui se ferment aux migrant-es (Hongrie, Pologne, Slovénie, Tchéquie)…
En France Manuel Vals n’accepte qu’avec réticence 20 000 personnes sur 2 ans, dans un discours sécuritaire.
Sous la pression de l’opinion et du Haut commissariat aux réfugiés, qui estimait à 200 000 le nombre de personnes à « relocaliser » en Europe, la commission européenne a « marchandé » le 17 septembre, l’accueil de 120 000 personnes, réparties par quotas entre États.
L’Europe qui doit, en partie, sa prospérité aux migrations, prive de droits économiques, sociaux et politiques des millions de personnes.
C’est cela qui génère les idéologies xénophobes et provoque l’accueil indigne des migrant-es.
En attente du traitement de leur dossier, l’hébergement des personnes varie entre le pire comme à Calais et un minimum très encadré dans les Cada (centre d’accueil pour demandeurs d’asile).
Pourtant les logements existent puisque 100 000 sont disponibles ou réhabilitables à peu de frais, de l’aveu même du gouvernement. La réquisition s’impose donc !
Le droit au travail est tout aussi difficile (interdit un an pour les réfugiés). Et le recours au travail clandestin se développe : bas salaires sans protection sociale ni de droit du travail !
L’accès au séjour est de plus en plus restrictif (adieu la carte de 10 ans!), mouvant (légal aujourd’hui, clandestin demain) et difficile à décrypter sans une aide militante.
Dès lors l’accès aux droits humains est aussi variable, comme pour le regroupement familial, pour les soins médicaux (dans le cadre d’une médecine libérale) ou même la scolarisation des enfants souvent entravée.
Les contrôles policiers et administratifs sont renforcés (dont l’accès aux données bancaires et commerciales) et les délais d’étude des demandes, raccourcis, débouchent sur des procédures plus expéditives (rétention des mineurs, expulsion).
La chance d’obtenir un titre de séjour, en France, pour les migrant-es est très faible (22 % en 2014), plus faible encore pour les demandeurs d’asile. La France se situe en 12ème position des pays européens (Suède 76 %, Italie 58 %, Allemagne 41 % … )
L’Europe et la France sont à la croisée des chemins. Elles défigurent le modèle démocratique dont elles prétendent s’inspirer, nourrissent l’exploitation cynique par le patronat de l’immigration clandestine ou les replis xénophobes et racistes.
L’Europe se déchire sur des quotas tandis que F. Hollande et M. Valls, tétanisés par le FN, célèbrent le marché libre et les frontières fermées ! Décidément une autre politique et un autre monde sont possibles ! ●
Bruno Dufour