Cinquante ans après, que reste-t-il du souvenir de la bombe d’Hiroshima ?
C’est ce que voudrait savoir Yoko en interrogeant sa vieille grande tante, survivante du bombardement, désormais dans un hôpital psychiatrique.
La vieille dame raconte volontiers la faim qui la tenaillait malgré les poissons ramenés par son père, pêcheur.
Elle se souvient des bombardements qui avaient épargné Hiroshima et des maisons de bois qui brûlaient. Mais à l’évocation de la bombe, ses souvenirs déraillent au grand dam de la petite fille qui l’interroge.
Elle parle de cerisiers en fleurs et de grues qui en volant ont emporté la bombe au loin et d’un poisson-lune qui l’aurait noyée. Elle nie les morts de ses proches…
La convocation par Yoko des horreurs de la bombe, face aux souvenirs extravagants de la vieille tante, forme un contraste douloureux avec la beauté paisible des paysages évoqués par les pastels rougeoyants de Zaü. Le déni, dans lequel s’est enfermée la survivante, est un stigmate invisible mais néanmoins douloureux qui la sépare définitivement du monde des vivants, de ceux qui croient savoir et continuent à vivre, dans l’inquiétude et le chagrin.
La bombe est une menace toujours actuelle.
Comme le veut le principe de cette collection, en contrepoint de l’histoire apparaissent des petites photos d’archives, en noir et blanc, accompagnées d’une courte légende rappelant le bombardement et son contexte historique.
Un très bel album, subtil et délicat, pour aborder un sujet grave. ●
Stéphane Moulain
Alain Serres & Zaü,
Hiroshima, deux cerisiers et un poisson-lune,
Rue du monde,
14,5 euros.