Ci-dessous un texte court qui ne se veut pas exhaustif, mais qui essaie de présenter la situation, notamment à celles et ceux qui ne sont pas directement concerné-es par la rentrée des enseignants du second degré… Pour qu’on essaie d’y voir clair.
La préparation de la rentrée dans le second degré est le moment de l’année qui, traditionnellement, donne lieu à de multiples tensions, même dans les équipes les plus soudées. En effet, depuis plus de 10 ans, les DHG sont insuffisantes, et assurer une répartition des heures d’enseignement dans cette enveloppe de plus en plus contrainte revient à jouer les collègues les uns contre les autres.
Cette année, le changement de statut nous réserve des déconvenues importantes : le « décret 50 » a laissé place au décret Peillon, présenté par les Snes comme une sorte de « rénovation » qui aurait le mérite, en plus d’être plus conforme à la réalité du métier (le décret 50 avait ce défaut particulier de dater de … 1950) d’assurer la « sécurisation » du statut des enseignants…Le Snes a beaucoup insisté sur ce terme, « sécurisation »… En résumé, on a « sauvé » le statut. Mais rien ne dit si on ne l’a pas tout de même beaucoup dégradé.
A l’épreuve des faits, il y a tout de même quelques problèmes : laissons de côté l’arnaque des 60000 postes (qui cependant explique aussi le cadre contraint des DHG) pour se concentrer sur le nouveau décret et ses effets, en particulier ses deux mesures emblématiques que sont la pondération et les IMP.
La pondération d’abord : elle s’applique en REP+ (chaque heure de cours est décomptée 1,1h, l’enseignant en REP+ doit donc 16,5h de service quand il en doit 18h dans un établissement non labellisé). Cette mesure est en vigueur depuis la rentrée 2014, on a donc déjà constaté les dérives que l’on avait pressenties à l’EE : ces heures n’étant pas des heures de « décharge », elles ne donnent que très rarement lieu à temps libéré, mais sont plutôt utilisées par l’administration pour imposer des heures de concertation pour tous. Elles constituent par conséquent une charge de travail supplémentaire (puisque le temps dégagé au départ pour compenser la pénibilité spécifique des établissements de l’EP est encadré et utilisé à des fins administratives, il faut bien que l’enseignant ajoute un autre temps pour rencontrer les parents, se réunir avec l’équipe pluriprofessionnelle pour régler des situations difficiles, rencontrer des partenaires pour trouver d’autres réponses…. Le texte du décret dit bien qu’elles ne doivent pas donner lieu à « comptabilisation » mais c’est sans compter avec la traduction locale des différents chefs zélés. Dans le meilleur des cas, le rapport de forces local permet de l’emporter, mais c’est toujours au prix d’un rapport de forces. Pour les nouveaux établissements REP+ de la prochaine rentrée, les pressions sont de plus en plus fortes pour faire accepter tout un tas de tâches supplémentaires aux enseignants, et la culpabilisation est souvent de mise. Non seulement il n’y a pas de gain de temps avec la pondération, mais en plus, les personnels subissent à travers elle un joug de plus en plus prégnant des hiérarchies.
Pour les IMP, c’est un peu la même logique (IMP : indemnité pour mission particulière …) : en collège, des heures statutaires ont disparu au prétexte qu’elles n’étaient plus justifiées au XXIème siècle : il est vrai que l’heure dite « de cabinet » en histoire-géo (qui permettait en 1950 de ranger les cartes murales utilisées pendant le cours) n’est plus utilisée à cela aujourd’hui. Mais elle était utilisée, tout de même, comme d’autres heures statutaires supprimées. Elles servaient à asseoir le statut et notamment les maxima de service, elles permettaient aux collègues d’éviter un complément de service ailleurs, et si elles donnaient lieu à une heure supplémentaire, c’était toujours une heure d’enseignement, qui profitait donc aux élèves. Qu’en est-il aujourd’hui ? Cette heure a disparu, et l’IMP est censée la compenser. Premier problème : qui touche cette IMP dans l’équipe des profs d’H-G ? Avant, elle « tournait » d’un collègue à l’autre, notamment pour des raisons de service. Et là, qui arbitrera ? Ensuite, cette IMP est une indemnité ; elle ne joue donc aucun rôle sur le service des collègues, ce qui se traduit par plus de compléments de services, plus de classes à prendre en charge par enseignant, plus de charge de travail. Enfin, l’IMP est une indemnité (très volatile, très facile à supprimer, très aléatoire quant à son affectation) : c’est donc un dispositif qui ne profite nullement aux élèves, n’a aucune incidence sur les heures d’enseignement. C’est tout de même fort regrettable !
Autre souci : le nouveau texte était censé mettre fin à la majoration de service pour effectifs faibles : en effet, tel prof d’allemand, par exemple (je prends l’exemple de cette discipline souvent très fragilisée) qui avait des effectifs faibles se voyait contraint de faire 19h de cours (payés 18) pour compenser… Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et le texte dit que toutes les heures de cours se valent (même avec effectif réduit). La traduction de cette mesure est sans appel : le même prof d’allemand se voit contraint d’effectuer ses cours devant des regroupements d’élèves de classes, de niveaux, d’âges différents…au mépris de la pertinence pédagogique. Là où il faisait 19h d’allemand dans le collège, par exemple, il n’en fera plus que 16h (car les 4ème et les 3ème seront regroupés dans une même division) et il ira donner un complément de service de 3h ailleurs… (2 heures ou 3 heures, selon la quotité horaire de la classe – en collège ou en lycée- et en sachant que toute première heure supplémentaire est imposable pour raison de service). Donc il n’y a plus de majoration pour effectif faible, puisqu’on a supprimé les effectifs faibles ! Mais pour les profs, c’est une pénibilité aggravée. Au niveau comptable, il est certain que le MEN est gagnant.
Un détail qui n’en est pas un : bien qu’ayant voulu faire passer les IMP pour des compensations des heures statutaires perdues, le MEN n’a tout de même pas été en mesure de publier le décret pour en cadrer l’application précise. Les DHG sont donc réparties sans prises en compte des IMP. Le décret est dans sa phase d’élaboration, et l’actuelle rédaction du décret en question laisse une place prépondérante à l’arbitraire local, ce qui fait dire au Snes que ça ne va pas du tout ! Il aurait été de bon ton de faire preuve de moins de naïveté avant d’approuver ce nouveau statut…
Il semblerait que la transformation des heures statutaires de lycée (par exemple, les heures de première chaire) en IMP bénéficient à davantage de collègues, et que ce soit plus équitable… Peut-être. Toujours est-il que l’on reste dans une logique indemnitaire avec toutes les limites déjà évoquées.
Pour finir, dans toutes les situations de préparation de la rentrée, on constate des invariants : baisse des heures d’enseignement pour les élèves et hausse des effectifs par classe. Qu’il s’agisse de l’Education prioritaire ou non, les quelques avantages consentis profitent aux enseignants (quelques améliorations pécuniaires, notamment, en REP+) mais jamais aux élèves. Outre le fait qu’il s’agit de redéploiement et qu’on prend aux établissements hors EP pour donner aux REP, de toute façon, il n’est jamais question d’une amélioration des conditions d’étude pour les élèves. Au mieux, le MEN achète la paix sociale au niveau des personnels en améliorant à la marge les rémunérations et en renforçant surtout les hiérarchies qui permettent de les mettre au pas. Malgré tout, force est de constater que pour l’instant, cela ne marche pas, et c’est tant mieux.
Pour les raisons évoquées plus haut, la préparation de la rentrée ne se déroule pas bien dans le second degré ; les raisons de la colère sont nombreuses (également sur le plan des politiques éducatives : les nouveaux contenus, le contour du socle, l’EMC sont autant de sujets conflictuels pour la profession…), et les personnels, comme les parents, ne sont pas satisfaits ; je pense qu’il faut envisager, après les congés des différentes zones, et au moment de la carte scolaire dans le premier degré, de relancer un nouveau temps de mobilisation pour l’Ecole.
[/Véronique Ponvert – 9 février 2015/]